La Cour suprême du Canada a entendu mercredi les plaidoiries dans un appel pour accorder aux détenus de l’immigration l’accès à un « bref d’habeas corpus », une disposition juridique qui permet à toute personne détenue avant jugement de contester sa détention devant un juge. L’« habeas corpus » est considéré comme une liberté fondamentale de tout citoyen au Canada : celle de ne pas être détenu sans jugement et de comparaître devant un juge rapidement.
Les migrants en attente de statut au Canada ne peuvent plus contester leur détention devant un juge. Le gouvernement canadien leur a retiré cette option en 2012. Les migrants peuvent seulement contester leur détention devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui prend souvent des mois à décider du sort d’un migrant.
Des organismes de défense des droits de la personne souhaitent faire renverser cette approche choisie par l’ex gouvernement canadien de Stephen Harper pour permettre aux migrants en détention de contester à nouveau devant un juge leur incarcération.
Plusieurs organismes sont intervenus mercredi en Cour suprême, notamment Amnistie internationale, le Conseil canadien pour les réfugiés et l’Association canadienne des libertés civiles. Selon ces intervenants, les migrants détenus ne bénéficient pas toujours, actuellement, d’une audience équitable, et ils se retrouvent parfois incarcérés pour une durée indéterminée.
L’article 9 de la Charte des droits et libertés du Canada stipule que « chacun a le droit de ne pas être arbitrairement détenu ou emprisonné ».
L’article 10 (c) prévoit que toute personne arrêtée ou détenue a le droit « d’avoir la validité de la détention déterminée par voie d’habeas corpus et d’être libéré si la détention est illégale. »
Ces dispositions constitutionnelles s’appliquent à tous les citoyens canadiens ou résidents permanents, mais plus maintenant aux demandeurs d’asile.
12 fois condamné à rester en détention sans jamais rencontrer un juge
La cause devant la Cour suprême est celle de Tusif Ur Rehman Chhina, un Pakistanais qui avait demandé l’asile au Canada en 2006, mais qui avait été arrêté plus tard, lorsque les autorités canadiennes ont appris qu’il avait un casier judiciaire.
La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a réexaminé sa détention à 12 reprises, et elle a ordonné à chaque fois qu’il demeure incarcéré. Le Pakistanais a depuis été renvoyé dans son pays, mais ses avocats ont poursuivi l’affaire devant les tribunaux.
M. Chhina s’était aussi adressé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta pour obtenir un « bref d’habeas corpus », au motif que sa détention était prolongée et pour une durée indéterminée, donc illégale. Le tribunal de première instance s’est déclaré incompétent à entendre la requête, mais la Cour d’appel lui a renvoyé l’affaire pour qu’elle l’entende à nouveau sur le fond. La Cour suprême devra maintenant trancher en appel de cette décision.
« Le fardeau de la preuve incombe au détenu », déplore Swathi Sekhar, avocate et membre du Réseau pour la fin de la détention en immigration, un autre organisme intervenant dans l’affaire. « Par contre, pour une demande en habeas corpus, c’est le gouvernement qui doit justifier juridiquement et concrètement pourquoi une personne doit être détenue. Ce qui constitue une différence fondamentale. »
Le gouvernement canadien insiste
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau soutient de son côté que le système actuel prévoit l’intervention d’un organisme quasi judiciaire indépendant, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui à ses yeux fournit « un examen rapide, régulier et significatif de la détention, basé sur des motifs clairement définis ».
Étendre l’« habeas corpus » aux migrants en attente de statut créerait une incertitude dans les processus judiciaires, soutient le gouvernement dans son mémoire à la Cour.
RCI avec La Presse canadienne, CBC et la contribution de Radio-Canada
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