Une baleine noire trouvée morte dans le golfe du Saint-Laurent en 2017. Photo : Pêches et Océans Canada

Au tour des pêcheurs d’imaginer d’autres moyens de sauver de la noyade les baleines noires au Canada

Une initiative venue d’associations de pêcheurs de crabe permettrait dans un horizon rapproché d’appliquer en mer d’autres méthodes pour protéger les baleines noires des dangers causés par la navigation.

Philippe Cormier – CORBO Génie-conseil

Philippe Cormier, président de la firme CORBO Génie-conseil, explique que des pêcheurs de la côte est du pays ont décidé de s’impliquer directement, car le sort de la baleine noire de l’Atlantique les inquiète et avec raison. Il ne resterait plus qu’environ 400 individus dans le monde. Or, au moins huit d’entre elles sont mortes dans les eaux canadiennes uniquement depuis le mois de juin, et quatre autres ont été trouvées empêtrées dans des cordes de pêcheurs au cours du dernier mois.

L’entreprise de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, a donc entrepris avec des pêcheurs de crabe d’évaluer les solutions qui existent déjà, mais aussi de développer des stratégies inédites afin de « permettre la coexistence des pêcheurs et des baleines ».

« Les pêcheurs ont vu l’impact que ça avait, explique M. Cormier. On peut leur donner des torts. Mais du côté de l’environnement, ils ne veulent pas détruire l’environnement où ils pêchent. »

PHOTO : RADIO-CANADA / NICOLAS STEINBACH

Simplifier les méthodes de pêche

Les plus grandes menaces pour la survie de l’espèce sont les collisions avec des navires et l’empêtrement dans l’équipement de pêche. La solution la plus visible, pour le moment, serait celle des casiers de pêche sans bouée (ou avec corde sur demande, ou « ropeless » en anglais).

Le principe est simple. Le casier repose au fond et le capitaine, lors de son arrivée, appuie sur un bouton qui provoque la libération d’une bouée attachée à un câble. L’absence de corde dans la colonne d’eau élimine tout risque d’empêtrement pour les baleines.

Si tout va bien, la bouée apparaît à la surface au bout de 60 ou 90 secondes pour permettre aux pêcheurs de remonter le casier de la manière habituelle. Lors de certains essais, la bouée a cependant mis jusqu’à 30 minutes avant d’apparaître, et dans d’autres cas elle n’est jamais remontée. La technologie est donc pour le moment inutilisable par les pêcheurs.

L’entreprise de génie collabore donc avec trois compagnies qui ont des produits similaires pour perfectionner cette approche.

Encore plusieurs carcasses de baleines noires comme celle-ci ont été retrouvées sur les côtes canadiennes depuis le début de 2019. Crédit : iStock

Des cordes ou des maillons de filets plus faibles

Les câbles utilisés par les pêcheurs ne cèdent qu’une fois soumis à une tension d’environ 12 000 livres. Une entreprise locale a développé un cordage qui a les mêmes dimensions et les mêmes spécificités qu’un câble standard, mais qui peut casser en dessous de 1700 livres, et permettre aux baleines de se libérer plus facilement.

On est en train de faire des tests avec ce genre de câble cet été. Mais pour le moment, un câble ayant une résistance de 1700 livres ne serait pas assez robuste pour permettre aux pêcheurs de remonter leurs casiers de la manière traditionnelle.

CORBO Génie-conseil étudie aussi comment on pourrait modifier les stabilisateurs des navires de pêche pour les empêcher de sectionner les câbles qu’ils heurtent accidentellement. Ces câbles orphelins risquent alors d’étrangler ou de noyer des baleines.

Ces travaux de recherche en génie sont financés par le Fonds des pêches de l’Atlantique, un programme fédéral. Pêches et Océans Canada s’intéresse de près aux travaux de CORBO, qui informe le ministère de ses progrès sur une base trimestrielle. Les premières solutions pourraient être déployées lors de la saison de pêche 2021.

Les mesures déjà prises par le Canada pour baliser l’action des pêcheurs

Pêches et Océans Canada a adopté des mesures durant la dernière année pour réduire, notamment, le risque de collisions entre des bateaux de pèche et les baleines noires, ainsi que l’enchevêtrement de ces dernières dans des cordages de pêche.

On impose aux pêcheurs du pays une réduction de la quantité de cordages qui flottent à la surface, et le respect de zones d’exclusion dans le golfe du Saint-Laurent.

L’une de ces zones est fixe et d’autres peuvent être créées pendant la saison au gré de l’observation des baleines. Pêches et Océans Canada a aussi annoncé que ces zones d’exclusion s’appliqueraient maintenant aux homardiers.

Une carcasse de baleine noire en décomposition en 2017 au large du Canada

Des milliards d’exportations de produits de la pêche sont en jeu

Photo : Radio-Canada

Le Canada doit prouver aux États-Unis que ses pêcheurs ne tuent pas les baleines. Et ses responsables de la pêche ont soumis le mois dernier aux autorités américaines un rapport d’étape décrivant les mesures prises pour protéger les baleines et les mammifères marins afin de maintenir ouvert son accès au lucratif marché américain des fruits de mer.

Ce rapport sur les activités de 200 entreprises de pêches canadiennes constitue le premier test de la capacité du Canada à satisfaire aux exigences de la Marine Mammal Protection Act (MMPA). Il sera présenté après que six baleines noires ont été retrouvées mortes dans les eaux canadiennes cette année.

D’ici le 1er janvier 2022, tous les pays dont les pêches interagissent avec les mammifères marins qui exportent vers les États-Unis devront démontrer qu’ils ont des mesures de protection qui sont identiques ou d’une efficacité comparable aux mesures prises aux États-Unis.

Il incombe aux pays de prouver que leurs programmes et leurs mesures de lutte contre les prises non intentionnelles de mammifères marins respectent les normes américaines.

Une réaction des Américains au rapport canadien est attendue en septembre. Un échec pourrait être catastrophique. Le Canada est le plus important fournisseur de produits de la mer en valeur aux États-Unis, avec 4,3 milliards de dollars en 2017. Les ventes de homard totalisaient 2,1 milliards de dollars et celles de crabe 1 milliard de dollars.

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Opération Engins fantôme de trois jours dans le golfe du Saint-Laurent Crédit : Pêches et Océans Canada et Groupe CNW

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada

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