Distribution des demandes d’éviction, de reprise de logement ou de rénovation majeure à Parc-Extension entre mai 2018 et février 2020. (Source : Comité d’action de Parc-Extension)

Projet de cartographie anti-éviction dans un quartier défavorisé de Montréal

Des chercheurs de trois grandes universités de Montréal se sont joints à des résidents d’un quartier montréalais pour développer une nouvelle étude pour mieux comprendre la crise du logement. Le Projet cartographique anti-éviction de Parc-Extension, chapeauté par les universités McGill, Concordia et du Québec à Montréal, a pris forme lorsque des locataires du secteur ont commencé à dénoncer avoir de plus en plus de difficulté à trouver un logement abordable et de qualité dans le quartier.

D’ailleurs, samedi, des résidents de Parc-Extension ont pris part, à pied, en voiture et à vélo, à une caravane pour dénoncer les évictions qui ont lieu dans leur secteur à pour demander des mesures d’urgence supplémentaires afin de « conjuguer avec la crise du logement ».

Selon les organisateurs de cette manifestation, avec l’arrivée à échéance de la plupart des baux de location le 30 juin prochain, plusieurs locataires pourraient se retrouver à la rue cet été, au milieu d’une pandémie mondiale. Les locataires dénoncent une explosion des prix des loyers, des taux d’inoccupation à leur plus bas en 15 ans, ainsi que le recours à la discrimination de la part des propriétaires, particulièrement lorsque des locataires et des familles racisées, issues de l’immigration et à faible revenu, sont concernées.

RCI a parlé à Emanuel Guay, doctorant et chercheur du Projet de cartographie anti-éviction de Parc-Extension, et à Amy Darwish et André Trépaner du Comité d’action Parc-Extension (CAPE). Ils nous ont expliqué que cette idée est née d’un collectif formé au début de l’année 2019 afin de documenter « les conséquences de l’embourgeoisement » à Parc-Extension ainsi que les stratégies pour contrer ses effets négatifs.

Son objectif principal est de documenter notamment le déplacement résidentiel forcé de ménages à faible revenu. Avant le confinement, les intervenants et les intervenantes du CAPE entraient les données de chaque locataire rencontré subissant une demande de reprise, d’éviction pour agrandissement, subdivision ou changement d’affectation et demande de départ pour des rénovations. Ces données ont servi de base pour le rapport « MIL façons de se faire évincer » que le Projet de cartographie anti-éviction de Parc-Extension a publié la semaine dernière.Emanuel Guay, chercheur

Le projet cartographique est né au début de l’année 2019 afin de documenter « les conséquences de l’embourgeoisement » à Parc-Extension ainsi que les stratégies pour contrer ses effets négatifs. (Photo : Projet de cartographie anti-éviction de Parc-Extension)

En effet, ce rapport dont M. Guay fait mention est le résultat d’une recherche qui a suivi l’ouverture, en septembre 2019, du nouveau Campus MIL de l’Université de Montréal au sud du quartier Parc-Extension. La recherche conclut qu’en ce qui concerne le logement, la construction et la mise en fonction du campus ont mené à des augmentations de loyer, des évictions et des déplacements de résidents, dans un contexte marqué par des taux d’inoccupation bas à Parc-Extension et plus largement à Montréal.

Le rapport dit aussi que des groupes communautaires ont été déplacés et des réseaux de soutien se sont déstabilisés puisqu’on assiste à une forme particulière d’embourgeoisement provoquée par l’arrivée d’étudiants dans le quartier et un marché immobilier spéculatif.

Traditionnellement, le quartier Parc-Extension de Montréal se caractérise par une forte proportion de résidents issus de l’immigration et à faible revenu. Les auteurs du rapport et initiateurs du projet insistent pour dire que ce quartier compte avec un réseau communautaire très fort.

Qui sont les personnes les plus à risque de se faire évincer et pourquoi?

Plusieurs personnes sont à risque de se faire évincer, notamment les locataires payant un loyer moins élevé et dont les revenus ne leur permettent pas de suivre l’augmentation en cours des loyers offerts dans le quartier. Il est aussi important de souligner qu’un grand nombre de résidents de Parc-Extension sont issus de l’immigration et racisés. Ces derniers doivent conjuguer avec une vaste gamme de discriminations et d’obstacles systémiques et individuels, tels que le déséquilibre de pouvoir face aux propriétaires, une situation d’emploi instable ou un statut d’immigration précaire.Amy Darwish du CAPE

Quels effets tangibles peut avoir ce projet cartographique sur ces populations?

Nous espérons que ce projet peut sensibiliser le public et différentes institutions publiques et privées aux défis auxquels font face les résidents et les résidentes de Parc-Extension, tout en contribuant aux efforts d’organisation de ces mêmes résidents et résidentes face à l’embourgeoisement du quartier. Nous espérons aussi que ce projet peut aider à partager les revendications mises de l’avant par les résidents et les résidentes de Parc-Extension, telles qu’une plus grande transparence du côté de l’Université de Montréal, des mesures publiques pour freiner l’embourgeoisement et le développement du logement social dans le quartier. Emanuel Guay, chercheur

Nouveau campus de l’Université de Montréal dans le sud du quartier Parc-Extension (Photo : CAPE et Projet cartographique anti-évictions)

L’Université de Montréal a indiqué que la construction de résidences étudiantes à but non lucratif n’était pas dans ses plans, tout en soulignant qu’elle avait pris des initiatives dans les dernières années pour consulter les résidents et résidentes ainsi que les groupes communautaires de Parc-Extension.

Nous pensons qu’en renonçant à la construction de résidences étudiantes, l’Université renonce à l’une des principales stratégies qu’elle pourrait utiliser pour limiter son impact résidentiel à Parc-Extension. En ce qui concerne l’implication de l’Université de Montréal dans le quartier, notre rapport met bien en lumière qu’elle a été minimale et que plusieurs opportunités ont été manquées par l’Université depuis la première consultation de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) tenue en 2006-2007. Parmi ces opportunités manquées, nous pouvons mentionner la participation minimale de l’Université à la consultation organisée par l’OCPM en 2013, la vente de terrains obtenus avec des fonds publics à des promoteurs privés, le retrait unilatéral de l’Université du Réseau de recherche-action communautaire de Parc-Extension et un processus de consultation limité et concentré essentiellement à Outremont.André Trépaner, du CAPE

Le collectif de chercheurs et d’organismes communautaires de Parc-Extension souhaite que ce rapport contribue à faire avancer la discussion publique sur l’embourgeoisement de Parc-Extension. Ils nous ont toutefois souligné que ce document ne constitue qu’un seul élément dans un ensemble plus large de tactiques visant à freiner les évictions dans le quartier. Les locataires visés participeront à plusieurs actions, dont la caravane organisée samedi par le CAPE.

La conférence de presse pour le rapport sur le Campus MIL du Projet de cartographie anti-éviction de Parc-Extension…

Posted by Anti-Eviction Montreal / Anti-éviction Montréal on Wednesday, June 3, 2020

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Catégories : Immigration et Réfugiés, Politique, Société
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