Deux demandeurs d'asile américains, l'un du Salvador, l'autre du Honduras, attendent dans une maison de migrants après avoir été envoyés au Guatemala par les États-Unis, à Guatemala City en vertu d'un accord conclu en juillet entre les deux pays, faisant du Guatemala un pays tiers dit sûr. (AP Photo/Oliverde Ros)

Tiers pays sûrs: les demandeurs d’asile aux É.-U. ne seront plus refusés d’emblée

Un juge fédéral de Washington a annulé mardi une politique de l’administration Trump qui refusait l’asile aux personnes qui traversent un autre pays pour atteindre la frontière sud des États-Unis sans avoir préalablement cherché à se protéger dans ce pays.

Dans son jugement, Timothy Kelly a indiqué que le gouvernement américain n’avait pas justifié la mise en vigueur soudaine de la politique en juillet dernier sans avis ni commentaires publics.

Lors de la publication de la règle, les ministères ont expliqué qu’elle visait à réduire la pression sur le système d’immigration des États-Unis « en déterminant plus efficacement les étrangers qui abusent du système d’asile pour entrer et rester aux États-Unis plutôt que de chercher légitimement une protection urgente contre la persécution ou la torture ».

Cependant, le juge, qui a d’ailleurs été nommé par Trump, a estimé que l’administration avait « illégalement promulgué » la règle, ne montrant pas qu’il était dans l’intérêt public de mettre en œuvre furtivement le changement et de contourner la loi sur la procédure administrative.

En vertu de la loi sur l’immigration et la nationalité (INA) des États-Unis, toute personne se trouvant physiquement dans son territoire peut demander l’asile. Une personne peut déposer cette demande pendant qu’elle est en procédure d’expulsion ou de manière indépendante.

La première est parfois appelée une demande défensive et cette dernière une demande affirmative. Certaines personnes sont catégoriquement inadmissibles à l’asile, et plusieurs de ces catégories sont définies par la loi dans l’INA. Par exemple, un étranger est inadmissible s’il a commis certains crimes, constitue un danger pour la communauté ou a été fermement réinstallé dans un autre pays avant son arrivée aux États-Unis.

Ce jugement peut-il avoir un effet sur les politiques d’asile du Canada? 

Kikome Afisa, à gauche, et d’autres personnes protestent devant le bâtiment de la Cour fédérale du Canada pour une audience sur la désignation des États-Unis comme pays tiers sûr pour les réfugiés, à Toronto, le lundi 4 novembre 2019. (Photo : LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette)

La politique américaine d’asile déboutée par le juge Kelly vise principalement à bloquer les caravanes de migrants en provenance de l’Amérique centrale en obligeant les demandeurs d’asile du Honduras, du Salvador, du Guatemala et d’ailleurs à demander d’abord l’asile dans les pays qu’ils traversent en route vers les États-Unis, notamment le Mexique ou le Guatemala.

Cependant, lorsqu’une personne demande l’asile en entrant dans un territoire donné, le processus d’acceptation ou de refus est toujours long.

Aux États-Unis, si le demandeur n’est pas admissible ou s’il n’est pas capable de montrer une crainte crédible, l’agent d’asile fait une « détermination négative de crainte crédible ». Le demandeur peut faire appel de cette décision auprès d’un juge de l’immigration.

Comme décrit ci-dessus, si le juge de l’immigration est d’accord avec l’agent d’asile, le demandeur reçoit un ordre d’expulsion définitive.

Cette dernière situation est celle que fuient depuis 2017 des milliers de personnes entrant des États-Unis au Canada par des postes frontaliers irréguliers, dont l’un des plus connus est le chemin Roxham, à la frontière entre la province du Québec et l’État de New York.

En vertu de l’entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, les demandeurs d’asile sont tenus de présenter leur demande dans le premier pays sûr où ils arrivent, à moins d’être visés par une exception prévue par l’entente.

Selon le gouvernement du Canada, l’entente « aide les deux pays à mieux gérer, sur leur territoire respectif, l’accès au système de protection des réfugiés par les personnes qui traversent leur frontière commune ».

Les deux pays ont signé cet accord le 5 décembre 2002 et elle est entrée en vigueur le 29 décembre 2004. À ce jour, les États-Unis sont le seul pays désigné comme tiers pays sûr par le Canada en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’entente ne s’applique pas aux citoyens américains ou aux résidents habituels des États-Unis qui ne sont citoyens d’aucun pays (« les apatrides »).

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Rappelons qu’en campagne électorale, Donald Trump avait annoncé un plan pour contenir l’immigration clandestine et promis de construire non seulement un grand mur pour faire barrière aux migrants en provenance du Mexique, mais aussi en durcissant la politique de délivrance des visas, en détenant et en renvoyant dans leurs pays d’origine tous les migrants clandestins ou qui ne se seraient pas conformés à un ordre d’expulsion définitive.

Ces menaces avaient eu un effet boule de neige. De milliers de migrants ont fui vers le Canada, en espérant pouvoir être reconnus comme demandeurs d’asile.

Pourquoi ces personnes passent-elles par le chemin Roxham et non un poste frontalier pour effectuer leurs demandes d’asile?

Tout simplement en raison de l’entente sur les tiers pays sûrs signée entre les États-Unis et le Canada.

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Cependant, de milliers de demandeurs d’asile passés par le chemin Roxham et d’autres passages irréguliers en Ontario et au Manitoba, parfois au péril de leur vie, sont maintenant de demandeurs d’asile en attente d’un statut.

La politique que le juge Timothy Kelly a invalidée empêche les étrangers cherchant à entrer aux États-Unis par la frontière sud ne peuvent pas prétendre à l’asile, sauf s’ils ont d’abord demandé une protection similaire dans un tiers pays par lequel ils ont transité (autre que le pays qu’ils ont fui) et y ont été rejetés.

La mesure ne limite pas la capacité d’un étranger à demander la suspension d’un renvoi, mais sa barre catégorique sur l’admissibilité à l’asile s’applique aux adultes comme aux mineurs non accompagnés.

Le juge a déclaré que les autorités ont violé les procédures fédérales d’élaboration des règles en ne sollicitant pas les réactions du public avant de mettre la politique en vigueur en juillet 2019.

L’impact immédiat de la décision rendue par le juge mardi est atténué par une mesure liée à la pandémie de COVID-19 visant à expulser rapidement les personnes qui traversent illégalement la frontière et à bloquer les demandeurs d’asile aux points de passage officiels.

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