Le soldat canadien Patrick Cloutier et Brad Laroque alias "Freddy Kruger" se retrouvent face à face dans un affrontement tendu à la réserve de Kahnesatake à Oka, au Québec, le 1er septembre 1990. Photo : Shaney Komulainen/CP)

Il y a 30 ans avait lieu l’un des pires conflits territoriaux autochtones du Canada

Cette semaine, c’est le 30e anniversaire d’un événement qui a marqué les relations entre les Canadiens et les Autochtones. Entre le 11 juillet et le 26 septembre 1990, des manifestants Kanyen’kehà:ka  (« peuple des silex »), mieux connus sous le nom de Mohawks par les non-Autochtones, s’étaient opposés au service de police provinciale du Québec et à l’Armée canadienne en réponse au projet d’agrandissement d’un terrain de golf et d’un projet immobilier sur des terres en litige où se trouve un cimetière mohawk. Cet événement est connu au pays comme la crise d’Oka.

Les tensions sont restées fortes tout au long de la crise, surtout après le décès du caporal Marcel Lemay, agent de la Sûreté du Québec. Les Forces canadiennes ont été appelées en renfort et la situation a pris fin. Bien que le gouvernement fédéral ait mis fin au projet d’agrandissement du terrain de golf et ait acheté les terres en litige, il ne les a toujours pas transférées à la communauté de Kanesatake.

Ce samedi, le jour du 30e anniversaire, la ministre des Relations entre la Couronne et les Autochtones, Carolyn Bennett, le ministre des Services autochtones, Marc Miller, et le ministre des Affaires du Nord, Daniel Vandal, ont fait une déclaration en commémoration des événements tragiques survenus à Kanesatake en 1990 :

« La confrontation de 78 jours qui a eu lieu pendant l’été 1990 est devenue un symbole de la situation critique des peuples indigènes du Canada et a laissé une marque durable dans notre histoire. Pour de nombreux peuples indigènes, la douleur et le traumatisme se poursuivent encore aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous devons reconnaître que les progrès de notre relation ont été inégaux, hésitants et souvent beaucoup trop lents. Nous devons tirer les leçons des erreurs du passé, y compris celles commises il y a 30 ans. Nous devons nous résoudre à ne jamais ordonner le déploiement des Forces armées canadiennes contre les peuples autochtones, car nous restons profondément attachés au dialogue et à la résolution pacifique des conflits.

Nous devons rester déterminés à faire face au mal qui a été fait pendant les décennies où les droits des Autochtones n’étaient pas reconnus et où les services étaient sous-financés. Les gouvernements et tous les Canadiens doivent s’unir pour lutter contre le racisme qui subsiste depuis la colonisation. »Déclaration des ministres canadiens

Comme CBC News le rapporte, depuis la fin des années 1990, davantage de fonds provinciaux ont été mis de côté pour le développement économique des communautés autochtones, et une entente historique sur les ressources a été signée avec les Cris en 2002.

De plus, en 2019, le premier ministre François Legault a présenté des excuses publiques pour les mauvais traitements infligés par le Québec aux Premières Nations et aux Inuit.

Une jeune génération de dirigeants et d’activistes autochtones du Québec s’inquiète de plus en plus du ralentissement du rythme du changement, en particulier sous le gouvernement nationaliste conservateur de M. Legault.

« Il doit y avoir plus de volonté politique ici au Québec », a déclaré Constant Awashish, grand chef de la nation atikamekw, âgé de 39 ans, en entrevue avec le réseau anglophone de Radio-Canada, CBC News.

« Les choses semblent se faire dans les autres provinces, alors qu’ici, il y a beaucoup de belles paroles. Mais quand vient le temps de passer à l’action, les politiciens ne sont jamais prêts à faire le saut ».Constant Awashish
Le grand chef et président de la Nation Atikamekw, Constant Awashish.
Le grand chef et président de la Nation atikamekw, Constant Awashish. © Radio-Canada/Jean-Francois Villeneuve

Par ailleurs, ceux qui ont pris part à la crise d’Oka ne sont pas convaincus que les bonnes leçons ont été tirées de ce moment historique. 

Le grand chef de Kanesatake, Serge Otsi Simon, les Autochtones et les non-Autochtones n’ont pas appris de la crise d’Oka. En entrevue avec le service Espaces Autochtones de Radio-Canada, M. Simon constate que les revendications n’ont pas beaucoup avancé depuis 1990 et considère que la société canadienne n’est pas à l’abri d’une autre crise comme celle d’il y a 30 ans. 

D’autres tensions dans la localité d’Oka

En 2019, un autre moment de tension entre les Autochtones de Kanesatake et les autorités locales a eu lieu.

Au cœur de ce conflit, 60 hectares de terres qui pourraient être cédées aux Mohawks par le promoteur immobilier Grégoire Gollin.

En échange, M. Gollin bénéficierait d’une réduction d’impôt en vertu la Loi fédérale de l’impôt sur le revenu et de la Loi sur les impôts du Québec.

De plus, il avait proposé de vendre au gouvernement fédéral quelque 150 hectares de terrains vacants afin qu’Ottawa les transfère par la suite aux Mohawks.

Pour sa part, le maire d’Oka disait craindre le développement d’activités criminelles sur les terres qui seraient cédées à Kanesatake. Ce genre de propos perpétue les préjugés envers les Autochtones, selon Serge Otsi Simon.

Le grand chef Simon demandait au maire Quevillon de s’excuser lors de ce sommet qui était une invitation au dialogue entre Autochtones et municipalités.

Le tout s’étant réglé lors d’un sommet, le maire d’Oka et le grand chef de Kanesatake se sont entendus. 

Le grand chef de la communauté mohawk de Kanesatake, Serge Otsi Simon, donne la main au maire d’Oka, Pascal Quevillon, qui a exprimé ses excuses lors du Sommet Premières Nations – Municipalités se tenant à Wendake. (Photo : Ville de Québec).

Les Autochtones toujours discriminés par les autorités

En 2016, le gouvernement libéral du premier ministre Philippe Couillard a ouvert une enquête pour examiner la façon dont les indigènes étaient traités par les organismes provinciaux.

Le rapport, rédigé par le juge à la retraite Jacques Viens, a conclu en 2019 qu’il était « impossible de nier » que les Autochtones du Québec sont victimes de « discrimination systémique » lorsqu’il s’agit d’accéder aux services du gouvernement provincial.

Presque immédiatement, M. Legault a présenté des excuses publiques à l’Assemblée nationale. Cela semblait renforcer une promesse qu’il avait faite au début de son mandat de forger une nouvelle relation avec les communautés autochtones.

Son gouvernement fait appel d’une loi historique (C-92) adoptée par le gouvernement fédéral, qui doit donner aux communautés indigènes le contrôle des services de protection de l’enfance. Le Québec affirme que cette loi viole sa compétence.

En complément : 

RCI avec CBC News, Espaces Autochtones, Encyclopédie canadienne. 
Catégories : Autochtones, Économie, Politique, Société
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