Créée en 1996 et rebaptisée en 2017, la journée nationale consacrée à la célébration des Autochtones partout au Canada est prévue le 21 juin. C’est le patrimoine, la diversité culturelle, la contribution et les réalisations des Premières Nations, des Inuit et des Métis qui seront ainsi soulignés.
L’édition 2020 se veut particulièrement préoccupante, en raison de la violence policière qui multiplie les victimes au sein des communautés autochtones du pays.
Iskweu organise, en partenariat avec Missing Justice, un autre organisme qui œuvre en sensibilisation à la violence et à la discrimination contre les femmes autochtones, un rassemblement pour dénoncer les violences policières à l’endroit des peuples autochtones. Cet événement a lieu au square Norman Bethune, pour dénoncer la violence, le harcèlement et le ciblage accru envers les communautés autochtones.
Le chef autochtone Allan Adam a dévoilé des images de son visage tuméfié, à la suite d’une intervention musclée des forces policières, à Ford McMurray, en raison d'une plaque d’immatriculation expirée. Chantel Moore, jeune femme de 26 ans, a perdu la vie aux mains des policiers au Nouveau-Brunswick, alors qu'elle avait besoin d'aide. Dans des circonstances similaires, Rodney Levi a été tué, près de Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Ces morts sont venues en rappeler bien d’autres, dont celle d’un adolescent de 16 ans parmi les trois personnes tuées par la police à Winnipeg, au Manitoba, sans oublier toutes ces femmes autochtones disparues ou assassinées, au cours des 40 dernières années, qui ont fait l’objet d’un rapport.
Célébration en contexte de discorde autour du racisme systémique
La Journée nationale des Autochtones est soulignée alors que la mort d’un homme noir de 46 ans, à la suite d’une intervention policière musclée à Minneapolis, aux États-Unis, a fait resurgir la discorde née autour du concept de racisme systémique au Canada.
Soulignant les multiples morts au sein des communautés autochtones, le profilage racial et la violence à l’égard des Noirs et des Autochtones, ces communautés ont martelé qu’il faut reconnaître que ces fléaux sont réels et prendre des mesures concrètes pour les éradiquer, au lieu de multiplier des enquêtes longues et coûteuses, dont les recommandations finiront sur une tablette.
Avec 250 recommandations, dont 21 adressées spécifiquement au Québec, le rapport de la Commission sur les femmes autochtones disparues et assassinées dénonce le génocide et le racisme systémiques à l’endroit des peuples autochtones. Le racisme systémique est un concept fort dérangeant d’Ottawa à Montréal, où les tensions ne manquent pas.
Le premier ministre Trudeau, qui a fait de la réconciliation avec les Premières Nations un point central de sa stratégie politique, reconnaît le racisme systémique comme un mal profond et promet d’œuvrer à sa disparition. Mais son plan d’action pour répondre aux recommandations du rapport sur les femmes disparues se fait toujours attendre, un an après le dépôt.
À la Chambre des communes, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, s’est fait expulser de la salle des débats pour avoir traité son collègue du Bloc québécois, Alain Therrien, de raciste, en raison de son opposition à une motion du NPD pour que le racisme systémique à l’égard des communautés racialisées soit reconnu. Criant à la diffamation et exigeant des excuses, le Bloc envisage de recourir aux tribunaux contre le chef du NPD qui refuse de s’excuser.
À la GRC, le concept fait bouger les positions, notamment celle de la commissaire actuelle, Brenda Lucki. Celle-ci se rétracte après avoir nié l’existence du racisme systématique dans son corps de police, alors que l’ancien commissaire Bob Paulson dit qu’il y a des racistes dans la police.
À l’hôtel de ville de Montréal, la mairesse Valérie Plante fait feu de tout bois pour inciter le chef de la police à reconnaître l’existence d’un tel fléau, tandis qu’à Québec, le premier ministre Legault campe sur sa position.
Il convient de rectifier le tir et de souligner que le premier ministre du Québec n’a jamais nié les réalités des femmes autochtones disparues et assassinées, bien qu’il soutient l’absence du racisme systémique dans sa province.
La nouvelle relation en péril?
À son arrivée au pouvoir en 2015, le premier ministre Justin Trudeau s’était engagé à renouveler les liens avec les peuples autochtones partout au pays, en créant les conditions d’une « nouvelle relation de confiance, axée sur le respect et la collaboration ».
Cinq ans plus tard, malgré cette volonté avouée et en partie concrétisée, à travers des investissements dans différents programmes visant à améliorer le bien-être des Autochtones, la route vers une véritable réconciliation reste longue.
Chaque jour draine des cortèges de morts supplémentaires dans les rangs des Premières Nations. L’accès aux infrastructures de base (eau potable, santé, éducation, infrastructures de communication) demeure un véritable défi dans plusieurs régions peuplées par les Autochtones. Ceux-ci sont surreprésentés dans les prisons et sont sous-représentés dans l’administration publique partout au Canada. Il y a quelques années, la pauvreté qui frappe les enfants autochtones a sauté aux yeux de l’ONU qui a accablé le Canada dans un rapport.
La pandémie de la COVID-19 a mis au jour d’autres groupes de vulnérables que les pouvoirs publics ont des difficultés à soutenir.
Justin Trudeau a investi des sommes substantielles durant cette pandémie pour épauler les Premières Nations, mais il faudra en faire plus. Il faut trouver des moyens efficaces pour mettre un terme au ciblage, au harcèlement et aux arrestations excessives de la part des policiers.
Il faut aussi et surtout mieux considérer les droits des peuples autochtones sur leurs territoires ancestraux, conférés par différents traités nationaux et internationaux, car ces derniers se plaignent des effets du capitalisme et du colonialisme qui les ont spoliés et continuent de violer leurs territoires, notamment par des oléoducs et des gazoducs.
Les images de barrages ferroviaires observées au cours des derniers mois à différents endroits au pays, à l’initiative de chefs wet’suwet’en, en opposition au projet de Coastal Gaslink, en Colombie-Britannique, rappellent d’autres crises du même genre dans le passé, qui ont révélé des relations conflictuelles avec le Canada et ses Forces armées. Il en a été de même pour la crise d’Oka sur entre autres l’extension d’un cimetière, en 1990, de la lutte des femmes contre un projet environnemental fortement dommageable pour la ressource hydrique, Idle No More. Aujourd’hui, les multiples décès attribués aux forces de l’ordre renforcent la douleur et soulignent la difficile transformation des relations avec les peuples autochtones.
Il y a certes eu des progrès, avec notamment des investissements de 8,4 milliards de dollars sur cinq ans, pour la mise en œuvre des programmes de réconciliation avec ces peuples, du financement supplémentaire en raison de la COVID-19, des excuses officielles du Canada et des engagements prononcés à la tribune des Nations unies, en vue de réparer les traumatismes infligés aux Autochtones par les pensionnats et les tentatives d’assimilation, les disparitions de femmes et filles, les arrestations musclées des forces de l’ordre, les violations des droits ancestraux sur les territoires. Malgré tout, Justin Trudeau et son équipe doivent profiter de la Journée nationale des Autochtones pour ouvrir d’autres pistes d’actions.
Il s’agit de trouver de nouvelles voies susceptibles de faire avancer véritablement le processus de réconciliation et de renouvellement des relations tant souhaité.
Avec des informations du gouvernement fédéral, de l’Assemblée des Premières Nations, d’iskweu et de Missing Justice.
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