(Luke MacGregor/Reuters)

Vols annulés en mars : l’OTC n’a réglé aucune des 10 000 plaintes de passagers

Depuis des mois, le ministre des Transports du Canada, Marc Garneau, rappelle aux consommateurs canadiens que s’ils ne sont pas satisfaits des compensations offertes par leur transporteur qui ont annulé leur vol durant la pandémie, ils peuvent s’adresser à l’Office de transports du Canada (OTC) en présentant une plainte en ligne auprès de son tribunal indépendant. Le problème est que 10 000 plaintes sont tombées pour le moment dans un grand trou noir.

L’agence fédérale des transports, qui doit normalement intervenir dans les cas de plaintes de consommateurs qui sont en dispute ouverte avec leur transporteur aérien, n’a pas réglé une seule plainte relative à l’annulation d’un vol en raison de la COVID-19.

Sept mois après une vague d’annulation de vol sans précédent, l’OTC affirme qu’elle ne commencera pas avant plusieurs autres semaines à traiter certaines de ces 10 000 plaintes en souffrance, dont 4300 concernent des demandes de remboursement. Dans de nombreux cas, les compagnies aériennes ont émis aux passagers dont elles ont annulé les vols des bons de voyage échangeables pendant deux ans, plutôt que des remboursements en argent. Pour beaucoup de Canadiens vivant une incertitude financière subite, cet arrangement s’est avéré inacceptable et même dangereux.

L’agence affirme avoir été submergée par les plaintes à partir de la mi-mars et dit pour le moment ne traiter que les plaintes reçues avant le 11 mars. En fait, elle confirme n’avoir traité aucune affaire soumise à son jugement après la date du 11 mars.

L’Office des transports du Canada est un tribunal administratif indépendant du gouvernement qui prend des décisions relatives aux modes de transport réglementés par le gouvernement fédéral (aérien, ferroviaire et maritime). Son siège est situé dans l’Édifice Jules-Léger à Gatineau au Québec. (Gouvernement du Canada)

Les explications de l’OTC

Cette lacune est liée à un retard de deux ans dans le traitement d’un volumineux nombre de plaintes que l’OTC a reçues avant que la pandémie frappe. L’agence explique que cette première vague de plaintes avait été générée dans la foulée de l’entrée en vigueur en 2019 d’une nouvelle réglementation canadienne offrant aux passagers un plus large éventail de protections et de mesures de compensation dans plusieurs cas où un transporteur n’effectue pas un trajet aux heures et aux conditions prévues.

Cette législation est un miroir de législations comparables en vigueur sur le territoire de l’Union européenne sans en être un parfait reflet.

L’OTC affirme qu’elle progresse dans la résolution des plus vieilles plaintes et qu’elle a traité un nombre record de plaintes au cours du dernier exercice financier.

Le tribunal administratif explique avoir également reçu un coup de pouce financier pour accélérer le traitement des dossiers. Pourtant, le traitement des dossiers plus récents, ceux de la pandémie, ne pourra commencer que dans plusieurs semaines.

Protéger les grands au détriment des plus petits?

(CBC)

L’OTC a toutefois modifié cette année ses pratiques de gestion habituelle des plaintes. Dans un geste perçu par des passagers comme un parti-pris en faveur des transporteurs aériens, l’OTC avait ainsi temporairement interrompu ses discussions avec les compagnies aériennes concernant les « activités de règlement des litiges » jusqu’au 30 juin 2020.

L’OTC affirme qu’elle souhaitait ainsi permettre aux compagnies aériennes de se concentrer sur des questions plus urgentes. L’agence leur a également accordé une prolongation jusqu’au 28 octobre pour répondre aux demandes d’indemnisation des passagers. Rappelons que toutes les compagnies aériennes canadiennes disent traverser une zone de turbulence financière particulièrement vive. Elles ont toutes procédé à des mises à pied.

Beaucoup de consommateurs qui se sentent floués se souviennent que dans les premières semaines de la pandémie, l’Office des transports avait aussi accordé des dérogations aux compagnies aériennes. Bien que les passagers américains et de l’Union européenne pouvaient obtenir un remboursement complet. Au Canada, l’Office avait jugé initialement que les compagnies pouvaient se limiter à offrir des bons de voyages à leurs clients.

Puis en avril, face aux protestations, l’OTC annonçait une révision de sa prise de position sur le fait que les compagnies aériennes canadiennes avaient le droit de donner des crédits de voyage et non l’obligation de rembourser les passagers. Il affirmait que sa position initiale n’était « pas une décision exécutoire ». Autrement dit, les compagnies n’étaient pas exemptées de l’obligation de rembourser leurs clients.

En avril, le département américain des Transports avait publié un avis plus clair et direct rappelant aux compagnies aériennes américaines et étrangères que malgré la pandémie et l’impact de cette pandémie sur leurs situations financières qu’elles « restent obligées de rembourser rapidement les passagers », et il avertissait qu’il prendrait des « mesures d’application » si nécessaire.

Les plaintes pourraient se régler sans l’OTC

Débordé, l’OTC pourrait voir le nombre de plaintes fondre par lui-même sans une intervention de sa part.

(WestJet/Facebook)

Après des mois d’indignation publique, WestJet, la seconde compagnie aérienne en importance au pays, a annoncé la semaine dernière qu’elle modifiait sa politique de remboursement pour rendre aux clients l’argent des vols annulés en raison de la COVID-19.

Air Canada déclare avoir pour sa part déjà remboursé 1,2 milliard de dollars à ce jour pour des billets remboursables annulés pendant la pandémie.

Les principales compagnies aériennes du Canada, WestJet, Air Canada, Air Transat, Sunwing et Swoop, font face à une série de recours collectifs concernant les non-remboursements.

Certains analystes croient que les compagnies aériennes ont réalisé que les électeurs seraient réfractaires à ce que le gouvernement leur offre un soutien financier public pour le renflouement de leurs opérations, un dossier à l’étude tant que les transporteurs n’auront pas montré patte blanche et remboursé d’abord les milliers de passagers insatisfaits.

Le ministre des Transports Marc Garneau (Adrian Wyld La Presse canadienne)

Le quotidien Globe and Mail a rapporté vendredi que le cabinet délibère sur un ensemble de mesures pour le secteur de l’aviation qui comprend la réduction des augmentations des frais d’aéroport et des prêts à faible taux d’intérêt.

« Nous sommes encouragés de voir que certaines compagnies aériennes ont remboursé leurs clients, et nous attendons des transporteurs aériens qu’ils fassent de leur mieux pour accommoder les passagers dans ces circonstances extraordinaires. C’est une question importante pour les Canadiens. Nous continuons également à travailler avec les compagnies aériennes pour relever les défis globaux auxquels elles sont confrontées en raison de la pandémie », a déclaré le bureau du ministre fédéral des Transports Marc Garneau à CBC News.

LISEZ LA SUITE : Quatre compagnies aériennes canadiennes exigent un plan de vol du gouvernement

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada, qui représente Air Canada, WestJet Airlines, Air Transat et Jazz Aviation, affirme que ces compagnies sont toujours bloquées en « phase 0 de leur redressement », sans plan concret d’aide du gouvernement et alors que leur nombre de passagers transportés est en baisse de 94 % par rapport à 2019. Photo : iStock

RCI avec CBC News

Catégories : Économie, International, Politique
Mots-clés : , , , , , , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.