Données très sombres que celles compilées par le North Atlantic Right Whale Consortium (NARWC). Elles indiquent que la population de baleines noires de l’Atlantique Nord (aussi appelées baleines franches) est passée de 409 l’année dernière à seulement 356 cet automne.

Les baleines sont comptées une à une grâce à la surveillance aérienne et maritime, les scientifiques notant les individus en fonction des marques uniques de chaque animal. (NOAA)
Le NARWC, qui a amorcé ses activités en 1986, regroupe plus de 200 spécialistes de diverses organisations de recherche et de conservation, des industries de la navigation et de la pêche, des agences gouvernementales américaines et canadiennes et des autorités des États et des provinces.
Tous ses experts se consacrent à la conservation et à la reconstitution des stocks de baleines noires de l’Atlantique Nord. Mais il semble qu’ils sont en train de perdre la course à la lumière de leur récente estimation du nombre de baleines, que l’un d’entre eux qualifie de « déchirante ».
« Pour nous, c’est bien plus qu’un simple chiffre. Ce sont des individus que nous avons connus, pour moi, pendant toute ma vie professionnelle », explique Philip Hamilton, chercheur à l’aquarium de Boston.

Il ne reste plus que 356 baleines noires de l’Atlantique Nord dans le monde. (La Presse canadienne/AP/Mario Rivera)
Des femelles en âge de se reproduire en nombre insuffisant
Philip Hamilton estime que le faible taux de natalité associé à la mort des baleines dans des équipements de pêche ou par des collisions avec des navires signifie qu’il pourrait ne plus y avoir de femelles en âge de se reproduire d’ici les 10 à 20 prochaines années.
Selon lui, il n’y a qu’environ 70 femelles reproductrices dans la population restante de 356 baleines noires.
« Nous devons agir et le faire maintenant. Nous ne pouvons pas dire : « O.K., faisons quelques études supplémentaires. » Nous savons qu’elles sont en train de mourir. Nous savons que les baleines s’emmêlent dans les filets de pêche. Nous devons juste augmenter les mesures de protection. »

L’empêtrement des baleines noires dans de l’équipement de pêche est une cause importante de mort prématurée. Photo : International Fund for Animal Welfare
Le gouvernement fédéral du Canada a pris des mesures de protection
Depuis 2017, le gouvernement canadien a intensifié ses mesures et a multiplié ses annonces pour protéger l’espèce en danger, comme des fermetures temporaires ou permanentes des zones de pêche, en particulier dans le golfe du Saint-Laurent, et des limitations de vitesse pour les navires dans les zones où les baleines noires sont fréquentes.
« Le gouvernement canadien a agi relativement rapidement, et la communauté des pêcheurs canadiens a agi assez rapidement, confirme Scott Kraus, président du North Atlantic Right Whale Consortium. Dans tout le golfe du Saint-Laurent, je pense que nous constatons des améliorations significatives. »
Hors du golfe Saint-Laurent, là où la surveillance est plus difficile, les baleines courent toujours beaucoup de risques.
M. Kraus garde l’espoir que les choses changent. Une partie de cet espoir réside dans le fait de voir tant de groupes différents se réunir pour essayer de sauver l’espèce de l’extinction. Il évoque l’initiative du Ropeless Consortium qui rassemble diverses industries pour développer une technologie qui réduit les risques d’enchevêtrement dans les engins de pêche.
« Nous devons trouver comment les hommes peuvent continuer à gagner leur vie tout en ne tuant pas les baleines, a-t-il déclaré. Je pense que cela peut prendre plusieurs années, mais nous faisons beaucoup de progrès. »
Simplifier les méthodes de pêche
Les plus grandes menaces pour la survie de l’espèce sont les collisions avec des navires et l’empêtrement dans l’équipement de pêche. La solution la plus visible, pour le moment, serait celle des casiers de pêche sans bouée (ou avec corde sur demande, ou « ropeless » en anglais).
Le principe est simple. Le casier repose au fond et le capitaine, lors de son arrivée, appuie sur un bouton qui provoque la libération d’une bouée attachée à un câble. L’absence de corde dans la colonne d’eau élimine tout risque d’empêtrement pour les baleines.
Si tout va bien, la bouée apparaît à la surface au bout de 60 ou 90 secondes pour permettre aux pêcheurs de remonter le casier de la manière habituelle. Lors de certains essais, la bouée a cependant mis jusqu’à 30 minutes avant d’apparaître, et dans d’autres cas elle n’est jamais remontée. La technologie est donc pour le moment inutilisable par les pêcheurs.

Pêches et Océans Canada
Des cordes ou des maillons de filets plus faibles
Les câbles utilisés par les pêcheurs ne cèdent qu’une fois soumis à une tension d’environ 12 000 livres. Une entreprise locale du Nouveau-Brunswick a développé un cordage qui a les mêmes dimensions et les mêmes spécificités qu’un câble standard, mais qui peut casser en dessous de 1700 livres et permettre aux baleines de se libérer plus facilement.
On est en train de faire des tests avec ce genre de câble cet été. Mais pour le moment, un câble ayant une résistance de 1700 livres ne serait pas assez robuste pour permettre aux pêcheurs de remonter leurs casiers de la manière traditionnelle.
CORBO Génie-conseil, une firme néo-brunswickoise, étudie aussi comment on pourrait modifier les stabilisateurs des navires de pêche pour les empêcher de sectionner les câbles qu’ils heurtent accidentellement. Ces câbles orphelins risquent alors d’étrangler ou de noyer des baleines.
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