Le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 96 pour insuffler une nouvelle dynamique à la langue française. Celle-ci connaît un déclin dans cette province, alors qu’elle est considérée comme son berceau dans une Amérique du Nord à forte dominance anglophone.
Parmi les spécificités de ce projet de loi, on note l’obligation d’assurer la scolarisation en français au primaire et au secondaire partout dans la province. Cette même exigence est proposée dans l’éducation des adultes. Le projet met également l’accent sur la francisation des immigrants.
Cela est salué par la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Elle y voit un moyen efficace pour renforcer la vitalité de la langue et maintenir une présence forte.
Dans un contexte où l’anglais a tendance à dominer, la FAE souligne qu’il ne faut pas simplement franciser les personnes ni se servir de la langue qu’à des fins d’enseignement et dans le milieu professionnel. Il faut en faire un véritable véhicule pour « accéder à la culture commune du Québec et pour exercer sa citoyenneté ».
Le français doit donc être un outil d’affirmation et de distinction de la spécificité d’un peuple, un moyen de réunir tous ses locuteurs autour d’objectifs communs. Il faut employer tous les moyens parce que les besoins en francisation et en éducation en français sont de plus en plus importants. En 1977, 25 % des immigrants avaient choisi la francisation au Québec. En 2021, c’est plus du double, soit 53 %. La province veut atteindre 90 % dans les prochaines années pour avoisiner les 99 % observés en anglais.
C’est avec le même enthousiasme que les représentants des cégeps ont reçu le projet de loi. Ils y voient un objet légitime de protection d’une langue en déclin, mais ils aimeraient avoir des précisions.
Il s’agit notamment de l’imposition de l’épreuve unique en français pour tous les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études collégiales, et des plafonds d’inscription dans les cégeps anglophones. Dans une déclaration commune, les directeurs du Cégep John Abbott, du Collège Vanier et du Collège Dawson ont exprimé leurs inquiétudes par rapport à ces aspects.
« Il est important pour nous de souligner que nous croyons que la décision de plafonner les inscriptions exclusivement pour les cégeps anglophones aux niveaux actuels ne répondra pas aux désirs de nombreux jeunes Québécois de fréquenter nos établissements. Par ailleurs, de nombreux parents d’ici souhaitent que leurs enfants deviennent bilingues dans un Québec français. Limiter notre capacité à servir des étudiants dans le secteur public en encouragerait plusieurs à quitter la province », ont affirmé John Halpin, de John Abbott, John MacMahon, de Vanier, et Diane Gauvin, de Dawson.
Ils croient en la liberté de choix qui devrait être offerte aux étudiants et au recrutement basé sur les performances scolaires.
Respecter le droit des anglophones sans compromettre l’existence du français
Le projet de loi propose aussi le maintien du bilinguisme au sein des municipalités à forte concentration de locuteurs de langue anglaise.
En d’autres termes, le français et l’anglais, qui sont les deux langues officielles du Canada, vont continuer à cohabiter sans que l’un représente une menace pour l’autre.
L’Association des municipalités de banlieue (AMB) est satisfaite du maintien du statu quo tout en soulignant la « grande quantité de mesures » pour la protection et le renforcement du statut de la langue française au Québec.
« Nous recevons avec intérêt ce projet de loi, notamment en raison du mécanisme prévu permettant aux municipalités de conserver leur statut bilingue. Par contre, nous devrons en faire une analyse approfondie pour juger de son impact précis sur des enjeux comme la langue de communication avec les entreprises. Comme vous le savez, en matière légale, le diable est dans les détails. Nous souhaitons donc participer aux consultations prévues afin de contribuer à l’équilibre souhaité dans le respect des droits de tous nos citoyens. » – Beny Masella, président de l’AMB, maire de Montréal-Ouest (communiqué).
M. Masella soutient qu’il serait important que cet aspect bilingue reconnu aux municipalités soit maintenu, y compris au cas où la tendance démographique venait à changer, comme cela a été le cas en 1977, à l’adoption de la Charte de la langue française. Le gouvernement de René Lévesque avait alors protégé cette possibilité.
Quinze municipalités ont un statut bilingue sur l’île de Montréal. L’AMB en représente 13, avec 250 000 citoyens.
Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a indiqué qu’en maintenant le bilinguisme dans les municipalités ayant une forte concentration d’anglophones, l’intention est de protéger les droits de ces derniers sans toutefois occulter ceux des francophones.
Dans une province francophone comme le Québec, il est important que la population reçoive les services en français, a-t-il souligné. Cela devrait être le cas dans les commerces, dans les administrations publiques, où les recrutements ne devraient plus se faire sur la base d’un bilinguisme obligatoire.
La force du projet de loi, selon M. Jolin-Barrette, repose dans son caractère contraignant. Il ouvre la possibilité pour la population de porter plainte au civil pour atteinte à son droit d’être servi en langue française, contrairement à la Charte québécoise de la langue française, la loi 101.
L’autre particularité de ce projet de loi est qu’il se propose une modification de la Constitution canadienne afin que les droits des Québécois soient pleinement protégés.
Selon un communiqué de presse de l’Association des municipalités bilingues du Québec, de la FAE, et une entrevue du ministre Jolin Barrette à Radio-Canada.
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