L’exploration du territoire pour lutter contre le décrochage scolaire au Nunavik

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Karina Gordon-Dorais en avant du peloton. (Sophie Langlois/Radio-Canada)
C’est la fin des classes cette semaine pour les élèves partout au Canada. Chez les jeunes Inuits, le simple fait de finir l’année est une réussite. Au Nunavik, 80 % vont décrocher avant d’atteindre le 5e secondaire. Pour les motiver, on les emmène de plus en plus découvrir leur territoire, notamment grâce au programme « Jeunes Karibus ».

À la fin mai, des dizaines d’élèves inuits, gants et sacs de poubelles en main, nettoient la cour de l’école secondaire Jaanimmarik, à Kuujjuaq. Parmi les déchets qu’ils ramassent, beaucoup de canettes de boissons et de bières et des paquets de cigarettes vides.

Les indicateurs de santé au Nunavik ressemblent à ceux que connaissait le reste du Québec avant la Révolution tranquille. L’espérance de vie au Nunavik est de 68 ans, le même que dans le reste du Québec en… 1955. Aujourd’hui, elle est de 82 ans dans le reste du Québec.

Le même décalage existe dans l’éducation des jeunes. Les Inuits voient encore l’école comme l’instrument d’assimilation des Blancs, un endroit où ils perdent leur culture et leur identité, plutôt que comme une voie d’intégration au marché du travail. Depuis quelques années, la Commission scolaire Kativik offre donc de plus en plus d’activités d’apprentissage qui se déroulent en plein air.

Avant, j’avais des problèmes de comportement, j’étais méchant avec l’enseignante. J’ai commencé à changer parce que j’avais besoin de bonnes notes pour faire l’expédition.

Timothy Saunders, un élève de 13 ans
Les « Jeunes Karibus »
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Timothy Saunders raconte qu’il a changé d’attitude parce qu’il avait besoin de bonnes notes pour participer à l’expédition. (Sophie Langlois/Radio-Canada)

Les élèves se préparent toute l’année pour faire une grande expédition de ski de fond reliant deux villages dans la baie d’Ungava ou la baie d’Hudson.

Le programme « Jeunes Karibus », c’est un peu le bébé de l’enseignante Valérie Raymond. « La vie des jeunes n’est pas toujours facile. D’avoir des projets positifs qui leur permettent de rêver, qui leur permettent de croire en eux, ça peut les aider à suivre un chemin un peu plus positif, une vie plus épanouie. »

Dès le mois de mai, les jeunes s’entraînent pour l’expédition de l’année suivante. Une fois par mois, ils vont en week-end de camping, hiver comme été. Quand la météo le permet, ils s’y rendent à vélo. Lors de notre visite, les jeunes ont roulé 15 kilomètres pour grimper jusqu’à un plateau offrant une vue imprenable sur la baie d’Ungava.

Tuamusie Nulukie est presque toujours en avant du peloton. « Je trouve que je pousse plus mes limites quand je fais des activités comme courir ou faire du bicycle. Et je mange mieux. »

« Dès le mois d’août et durant toute l’année scolaire, nous avons plusieurs sessions par semaine pour [nous] préparer », explique l’enseignante Valérie Raymond.

 Il y a de l’entraînement physique, des cours avec la nutritionniste, des ateliers avec des gens de la communauté. Pour apprendre à bâtir des igloos traditionnels, on va chercher un peu de connaissances traditionnelles. Il y a aussi tout l’aspect leadership, connaissance de soi, travail d’équipe, comment bien communiquer nos besoins dans des situations difficiles. On apprend aussi les premiers soins. On est en région isolée; qu’est-ce qu’on fait si on se blesse? Comment on gère les blessures? Il n’y a pas d’hôpital juste à côté.

Valérie Raymond, enseignante

Quand le territoire se révèle
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Valérie Raymond et Timothy Saunders à vélo près de Kuujjuaq, le 27 mai 2017. (Sophie Langlois/Radio-Canada)

Puis, le grand jour arrive enfin. En avril dernier, 45 jeunes et une vingtaine d’adultes ont affronté le vent et la tempête pour faire 92 kilomètres de ski de fond en cinq jours. Les jeunes de Kuujjuaq ont été surpris de découvrir la nudité du territoire. « C’est complètement flat, dit Lissa Deveaux, une élève de 16 ans. Ici, on a beaucoup d’arbres, mais quand tu vas plus au nord, il n’y a plus d’arbres. On ne pensait pas qu’il allait avoir zéro arbre! »

« Juste à côté de notre tente, ajoute Marianne Perron, il y avait un renard. J’étais étonnée de voir qu’ils n’ont pas peur. Il y en a partout et comme c’est plat, tu peux les voir de loin. Moi, j’ai appris beaucoup de choses. J’ai appris que j’étais capable de faire une expédition. Je n’ai jamais pensé que j’allais être capable de le faire. »

Avant, j’étais toujours dedans à jouer à la Xbox. Maintenant, je suis plus actif et je me suis un peu plus amélioré à l’école. J’aime cent fois mieux jouer dehors qu’aux jeux vidéo.

Andrew Watt, un élève de 13 ans

« Un jeune en classe et un jeune sur le territoire, c’est deux univers totalement différents, selon Valérie Raymond. De voir l’aisance qu’ils ont sur le territoire, et le bien-être qu’ils projettent, c’est incroyable. Et de voir à quel point ils sont fiers, à quel point ils sont transformés après, ça n’a pas de prix. Maintenant, ils ont d’autres rêves et ils savent qu’ils peuvent les atteindre. C’est là que ça devient vraiment beau à voir. »

REPORTAGE

faire-decouvrir-le-territoire-aux-jeunes-inuits-pour-les-motiver-a-rester-a-lecole-1Pour motiver les jeunes du Nunavik à rester à l’école, on leur fait découvrir leur territoire, notamment grâce au programme «Jeunes Karibus». Écoutez le reportage de Sophie Langlois, diffusé sur les ondes de Radio-Canada.

Sophie Langlois, Radio-Canada

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