Le Canada réforme ses règles d’évaluations environnementales pour faire preuve de plus de transparence

La ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Catherine McKenna. Dans son nouveau processus, Ottawa dit vouloir aussi respecter « les connaissances traditionnelles autochtones » et « regagner la confiance du public », minée par les décisions du précédent gouvernement. (Justin Tang/The Canadian Press)
Un seul organisme fédéral, et non pas trois, sera désormais chargé de l’évaluation environnementale pour l’autorisation des grands projets, comme les mines, les pipelines et les barrages hydroélectriques : l’Agence canadienne d’évaluation des impacts, actuellement l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE).

Ainsi, le nouveau processus mis de l’avant par le gouvernement de Justin Trudeau subordonne à ce premier organisme, en préconisant leur « collaboration », l’Office national de l’énergie (ONE), qui deviendra la Régie canadienne de l’énergie, et la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), « dans un souci de cohérence » et pour « réduire les dédoublements et les formalités administratives ».

Actuellement, autant l’ONE que la CCSN ou l’ACEE, qui sont tous trois distincts et dotés de leurs propres règles, sont responsables des évaluations environnementales.

La ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, en conférence de presse très vague jeudi midi, a confirmé la nouvelle, ébruitée plus tôt cette semaine.

Toute décision prise par l’Agence canadienne d’évaluation des impacts sera cependant soumise à la volonté de la ministre.

Lors de son point de presse, Mme McKenna a également fait part des grandes lignes des « vrais » changements que compte apporter son gouvernement au processus d’évaluation, qui avait été modifié par le gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2012. Ce dernier avait alors considérablement amenuisé la portée des consultations et des évaluations environnementales pour accélérer l’étude des projets.

Les « meilleures règles » instaurées par le gouvernement ne visent toutefois pas seulement à mieux protéger l’environnement. La ministre a insisté sur l’importance d’avoir une économie plus prospère », avec « un secteur de l’énergie plus compétitif ».

Pour cette raison peut-être, Catherine McKenna a également souligné qu’« aucun projet déjà en processus d’examen ne sera renvoyé à la case départ », faisant notamment référence au projet TransMountain de Kinder Morgan, qui veut tripler la capacité de son oléoduc entre l’Alberta et Burnaby, en Colombie-Britannique. Le projet a été approuvé par Ottawa il y a plus d’un an, mais pas encore par la Colombie-Britannique elle-même.

Selon Mme McKenna, il ne « serait pas juste » de revoir les projets déjà en examen. « Nous sommes déterminés à ce qu’ils soient construits », a-t-elle ajouté.

Les demandes des entreprises

Les nouvelles règles d’évaluations environnementales fédérales ont justement entre autres pour but de répondre aux demandes des entreprises, qui réclament un processus plus rapide et prévisible. Le gouvernement veut notamment réduire les délais prévus pour les examens des projets, diminuer la « paperasse » qu’elles doivent fournir et améliorer la coordination avec les provinces et les territoires, pour éviter que les évaluations ne se multiplient pour un même projet.

Ottawa affirme, sans donner plus de détails, que « les entreprises sauront précisément ce que l’on attend d’elles, et les échéanciers des examens seront plus prévisibles. Les examens de projets seront à la fois plus rigoureux et plus efficaces, les délais prescrits par la loi seront réduits et les exigences seront précisées dès le départ. »

Les nouvelles règles seront conçues « avec une approche totalement différente de celle du gouvernement Harper », affirme Catherine McKenna, qui avait, dit-elle, « des bases politiques et non pas scientifiques ».

Les modifications apportées au processus d’évaluation environnementale par le précédent gouvernement avaient elles aussi pour but d’accélérer les démarches entreprises par les compagnies et d’éviter les dédoublements en reconnaissant les examens environnementaux provinciaux comme substituts ou équivalents des processus fédéraux.

L’acceptabilité sociale

(iStock)
Les « meilleures règles » instaurées par le gouvernement ne visent toutefois pas seulement à mieux protéger l’environnement. La ministre a insisté sur l’importance d’avoir une économie plus prospère », avec « un secteur de l’énergie plus compétitif ».(iStock)

Par ailleurs, dans son nouveau processus, Ottawa dit vouloir aussi respecter « les connaissances traditionnelles autochtones » et « regagner la confiance du public », minée par les décisions du précédent gouvernement.

Ainsi, au moins une personne autochtone fera partie des comités d’évaluation mis sur pied par l’Agence canadienne d’évaluation des impacts.

Une phase de participation « précoce » pour les communautés autochtones, qui pourront se faire entendre dès le départ, est aussi prévue.

La participation de la population en général sera de plus facilitée, a affirmé la ministre McKenna, car « tout le monde va avoir la chance de parler » lors des consultations publiques. Avec l’ancien gouvernement, note-t-elle, « on décidait qui pouvait ou ne pouvait pas prendre la parole ».

Selon elle, ces nouvelles règles répondront aux préoccupations des Canadiens, qui ont demandé, lors des 14 mois de consultation qui ont précédé l’annonce, « la protection de l’environnement, mais aussi que le Canada attire les investissements, avec des projets rapides qui vont de l’avant, dans le respect de la réconciliation avec les Autochtones ».

Le pouvoir de la ministre de l’Environnement remis en question

Sans surprise, à Ottawa, les conservateurs ont critiqué les mesures annoncées.

« Deux ans et demi d’attente pour l’industrie canadienne, pour aboutir à un processus qui est encore plus lourd, qui a certaines inquiétudes concernant le temps que ça prend pour l’évaluation nécessaire de ces projets-là, et surtout, un pouvoir discrétionnaire au ministre qui peut semer de l’inquiétude pour les promoteurs de projet », a énuméré le député Gérard Deltell.

Du côté des néo-démocrates, on voit quelques côtés positifs à la réforme, sans être néanmoins totalement emballés.

« On fait un pas dans la bonne direction et on revient avant l’ère désastreuse des conservateurs, mais encore là, si on garde les mêmes délais d’évaluation environnementale, si on donne plus de pouvoirs à la ministre pour empêcher ou stopper des évaluations environnementales, ça c’est extrêmement préoccupant et ce n’est pas un pas dans la bonne direction », a lancé de son côté le député Alexandre Boulerice.

Enfin, selon le Bloc québécois, la création de la Régie de l’énergie par le gouvernement fédéral ferait en sorte qu’un projet transfrontalier comme la ligne de transport d’électricité Northern Pass vers le Massachusetts serait dorénavant assujetti à l’autorisation fédérale. Cependant, ce genre de projet fait déjà l’objet d’un examen de l’Office national de l’énergie.

« Et ça ne change pas dans le cadre du nouveau système. Les infrastructures interprovinciales et internationales sont de compétence fédérale, c’est dans la Constitution », a déclaré la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna.

Cela a été confirmé par Hydro-Québec. « Les projets majeurs, comme les grands projets hydroélectriques, sont déjà assujettis à l’actuelle Loi canadienne sur l’évaluation environnementale », a répondu l’entreprise.

Cependant, Hydro-Québec poursuit l’étude de la réforme fédérale présentée jeudi et croit « vraisemblablement » qu’elle touchera certains de ses prochains projets.

Isabelle Maltais, Radio-Canada

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