Le traitement des Inuits par le système judiciaire du Québec critiqué en commission

Devant la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (connue sous le nom Commission Viens), Lyne St-Louis a dénoncé des aberrations du système judiciaire québécois dans le traitement des Inuits. (Cristian Baitg/iStock)
Des contrevenants inuits qui plaident coupables sans même le savoir, de la résistance de la part des procureurs à recourir aux services de justice alternatifs existants : ce sont des situations qui ont été déplorées mardi à la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, qui tient ses audiences à Val-d’Or, dans le sud-ouest de la province de Québec.

Lyne St-Louis est agente de justice pour la société Makivik. Elle soutient les comités de justice à travers le Nunavik (région inuite du Québec) afin d’accompagner les Inuits, contrevenants et victimes, dans le système judiciaire.

Les barrières culturelles et linguistiques entre les Inuits et les juges et procureurs lui ont fait voir des situations aberrantes, raconte-t-elle.

« On se fait dire souvent :  »Je n’ai rien compris ». On a même des fois des gens qui ont plaidé coupable et ils ne savent pas qu’ils ont plaidé coupable. »

Les comités de justice font face à beaucoup de résistance de la part des juges et des procureurs, qui ne leur accordent pas de crédibilité, juge-t-elle.

« Ces résistances-là […] ça démotive, ça mine les efforts à trouver des solutions alternatives. »

Lyne St-Louis, directrice de l’organisme Taïga Vision et agence de justice au Nunavik. (Émélie Rivard-Boudreau/Radio-Canada)
Des solutions alternatives ignorées

Ces solutions alternatives seraient pourtant efficaces lorsqu’elles sont appliquées, selon Lyne St-Louis. Elle donne en exemple l’utilisation des rapports Gladue, qui prennent en compte les origines d’un contrevenant autochtone comme facteur atténuant avant un jugement.

Par contre, cette mesure, comme bien d’autres, n’est pas toujours connue par les avocats et les juges qui se rendent au Nunavik.

« On remarque qu’ils manquent de formation, je vais aller aussi loin que de dire sur la jurisprudence reliée aux Autochtones sur les milieux, sur les collaborations, sur les formations et protocoles établis avec les ressources et sur les façons de faire qui sont particulières à pratiquement chaque communauté. »

Le président de la commission, le juge Jacques Viens, a mentionné que le témoignage de Lyne St-Louis serait pertinent comme outil de formation aux avocats et juges de la Cour itinérante.

Lyne St-Louis s’entretient avec le commissaire et juge à la retraite Jacques Viens. (Émélie Rivard-Boudreau/Radio-Canada)

Lyne St-Louis a mentionné à la commission que les conditions de remise en liberté imposées aux contrevenants inuits sont irréalistes et qu’elles font peu de sens pour les contrevenants, ce qui fait qu’elles sont peu respectées.

Elle s’inquiète aussi que les différents programmes destinés aux Autochtones, que ce soit dans le domaine de la justice ou en milieu carcécal, ne sont pas nécessairement adéquats pour les Inuits qui ont une culture bien particulière, très différente des Premières Nations plus au sud du Québec, qui se distinguent déjà entre elles. Elle propose, entre autres, un secteur inuit pour les femmes détenues qui vivent des situations difficiles parce qu’elles sont dispersées dans leur pénitencier. Elle affirme aussi qu’elles ont peu de services en anglais.

Détenus inuits dans le sud-ouest du Québec

Toujours concernant le milieu carcéral, elle s’est inquiétée d’un éventuel transfert des détenus inuits au nouveau pénitencier d’Amos (sud-ouest du Québec), car ce n’est pas nécessairement ce que souhaitent les autorités inuites, comme elles ont déjà plusieurs ressources mises en place dans la région de Montréal (métropole du Québec). Elle mentionne également que le centre de détention d’Amos a peu d’expertise sur la culture inuite.

Émélie Rivard-Boudreau, Radio-Canada

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