Poutine gagnant, Trump perdant au sommet d’Helsinki, disent des experts
Les spécialistes en sciences politiques ne s’entendent pas sur l’importance de la rencontre entre les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine qui a eu lieu lundi à Helsinki. « Rencontre significative et importante » pour certains, « non-événement » pour d’autres, tous soulignent toutefois le fait que rien de concret n’en est sorti, pas plus un engagement qu’un accord.
Selon Ivan Katchanovski, professeur de sciences politiques à l’Université d’Ottawa et spécialiste de la Russie, la réunion qui s’est tenue à Helsinki était nécessaire pour résoudre les querelles et diminuer les nombreuses tensions qui existent entre ces deux puissances nucléaires.
D’après lui, même si elle n’a donné lieu à aucun engagement réel, que « beaucoup d’éléments fondamentaux » n’ont pas été réglés et qu’il n’y a pas eu de changement dans les positions des deux parties, la rencontre a tout de même permis d’ouvrir le dialogue et pourrait avoir des répercussions positives.
Pour sa part, Vincent Boucher, chercheur en études stratégiques à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, qualifie le sommet de non-événement, « parce que quand on parle de sommet en relations internationales, on s’attend à avoir un agenda au préalable où on va discuter et tenter de faire des progrès sur un enjeu précis ».
Quels étaient les enjeux?
M. Boucher avance que, dans ce cas-ci, « il n’y avait pas d’enjeu sur lequel on voulait clairement avancer », même si les États-Unis avaient « vaguement » l’intention de discuter de prolifération nucléaire.
Vincent Boucher croit en fait que Donald Trump espérait surtout obtenir plus de visibilité grâce à cette rencontre.
Cet objectif aurait échoué, selon les deux spécialistes, qui s’entendent pour dire que le président russe a été le grand gagnant de l’événement.
« La rencontre a été positive pour Poutine, mais négative pour Trump, en raison des réactions qu’elle a générées aux États-Unis, notamment en raison de ses propos sur l’ingérence russe dans les élections américaines », estime Ivan Katchanovski. Donald Trump a déclaré croire Vladimir Poutine, qui nie toute ingérence, alors que toutes les agences de renseignement américaines disent le contraire.
Du même avis que le professeur de l’Université d’Ottawa, Vincent Boucher souligne que Trump avait plus à perdre que Poutine en se présentant à ce sommet. Ce qui a été le cas, selon lui, car en plus de remettre en question l’ingérence russe dans les élections américaines, le président américain a également donné une légitimité à la Russie (qui l’a perdue devant une bonne partie de la communauté internationale en 2014, lors de l’annexion de la Crimée, qui appartenait à l’Ukraine).
« On traite la Russie d’égal à égal. Et on ne parle pas des allégations concernant leurs violations des droits humains, une critique qui est au coeur de la plateforme républicaine de politique étrangère depuis près d’une décennie », remarque M. Boucher.
Le dossier de l’intervention dans les élections américaines
Par ailleurs, pour MM. Katchanovski et Boucher, le fait que Donald Trump affirme, contrairement à ses agences de renseignement, qu’il n’y a pas eu d’ingérence russe dans les élections américaines n’est probablement qu’une question d’intérêts personnels.
Cette idée est aussi reprise par Vincent Boucher.
« Trump voit l’enquête du procureur spécial Mueller comme une attaque personnelle envers la légitimité de son élection. S’il en vient à admettre que les Russes sont intervenus en sa faveur, que ce soit coordonné ou non avec sa campagne, ça vient ternir sa victoire », dit-il.
« S’il avait critiqué Poutine et s’était finalement rangé derrière les services de renseignement américains, on aurait été beaucoup plus surpris », conclut M. Boucher.