Inquiétudes autour d’un projet de barrage dans le nord du Canada
Des professeurs de l’Université de Toronto tirent la sonnette d’alarme quant à la construction du barrage de Muskrat Falls, à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans une lettre ouverte publiée cette semaine, ils craignent des conséquences écologiques « désastreuses » qui mettraient en danger la vie des peuples autochtones de la région.
Plus de 200 universitaires et chercheurs du Canada et des États-Unis ont ajouté leur nom à la lettre ouverte adressée au premier ministre Justin Trudeau afin que le gouvernement fédéral cesse temporairement tout soutien financier à la construction du barrage.
« D’après les témoignages des résidents et des populations autochtones, et au vu des recherches indépendantes réalisées, ce projet [dont les coûts de construction ont explosé à hauteur de 12 milliards de dollars] doit vraiment s’arrêter », a déclaré à CBC Deborah Cowen, professeure de géographie à l’Université de Toronto.
Inquiétudes environnementales
Mme Cowen fait partie d’un groupe de chercheurs qui s’est rendu au Labrador en juin dernier. Ils ont rencontré des représentants des communautés autochtones et des employés de Nalcor – la société d’énergie qui développe le projet hydroélectrique – afin de discuter des impacts du barrage sur l’environnement. Leurs conclusions sont détaillées dans la lettre consultable en ligne (en anglais).
La professeure a affirmé que le barrage pouvait entraîner deux « catastrophes écologiques », notamment des risques d’empoisonnement par le méthylmercure et des glissements de terrain dans la zone du North Spur, une digue naturelle censée retenir l’eau du barrage.
La question des concentrations de méthylmercure qui pourraient être élevées dans les cours d’eau une fois la construction du barrage achevée a été évoquée dans une étude menée en 2006 par des scientifiques de l’Université de Harvard.
« C’est évident que les recommandations menées par une équipe de recherche de Harvard n’ont pas été suivies », a dit Mme Cowen.
Dans la lettre, les signataires réclament que toutes les recommandations de l’étude de Harvard soient mises en œuvre.
De son côté, la province examine les recommandations d’un comité indépendant sur la meilleure façon d’atténuer les effets possibles du méthylmercure, mais aucune décision n’a encore été rendue publique.
Inquiétudes chez les Autochtones
La professeure se demande si les représentants autochtones ont été dûment consultés avant le début de la construction du barrage. Elle a d’ailleurs souligné que l’accord du gouvernement avec la communauté innue exigeait que le projet de Muskrat Falls puisse se réaliser en échange d’un accord de revendication territoriale.
« Si des revendications territoriales dépendent d’un soutien à un barrage, cela ne répond pas vraiment aux normes de consentement libre et éclairé », a fait savoir Mme Cowen, en se basant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
L’article 32 de la Déclaration stipule en partie « l’obligation d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des Autochtones avant d’approuver tout projet ayant des incidences sur leurs terres, territoires et ressources ».
Ainsi, la lettre ouverte demande aux autorités fédérales et provinciales de même qu’à l’entreprise Nalco de cesser tous les travaux du barrage jusqu’à ce qu’elles répondent aux demandes concernant les préoccupations des Autochtones et des environnementalistes.