Une exposition sur les pensionnats autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest, au Canada
La capitale des Territoires du Nord-Ouest, au Canada, accueille pendant un mois l’exposition de deux artistes autochtones qui se sont inspirées des blessures engendrées par les pensionnats autochtones.
L’installation Pîkiskwe-parle est née d’une rencontre entre l’artiste Lana Whiskeyjack et la réalisatrice Beth Wishart Mackenzie et porte sur les blessures engendrées par les pensionnats indiens. Les deux femmes seront présentes au vernissage de leur exposition au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles, pour établir un dialogue sur la réconciliation, sous l’égide de Lila Erasmus.
L’installation a commencé sa tournée canadienne à Edmonton, dans l’ouest du pays, en juin 2017 avec 16 œuvres de Lana Whiskeyjack, une artiste crie de la Première Nation de Saddle Creek, en Alberta. « Ses œuvres parlent de l’expérience des pensionnats indiens vue de sa perspective », explique la cinéaste métisse Beth Wishart Mackenzie, qui a notamment réalisé Unforgotten (2015) et Brothers in the Buddha (2014).
Au cœur de cette exposition, le triptyque Langue perdue, dont le panneau central, en techniques mixtes, représente l’oncle de Lana, un homme brillant qui est mort dans la rue, victime de ses dépendances, et qui a été dans le pensionnat Blue Quills, tout comme la mère de Lana.
Panser les plaies du passé
Lana Whiskeyjack était insatisfaite de l’image de son oncle comme un homme brisé, relate la réalisatrice. « Alors elle a créé deux autres panneaux, l’un à la peinture à l’huile, représentant son oncle dans de meilleurs jours, et [l’autre] illustrant le père de Georges, qui lui a appris les cérémonies de son peuple et le dressage des chevaux, enseignements que Georges n’a jamais transmis. »
« L’installation parle aussi de guérison, souligne Beth Wishart Mackenzie. Le film Lana retrouve sa langue, qui est ma contribution à l’installation, est centré sur le triptyque Langue perdue, dont on suit le processus de création, et on voit la propre guérison de Lana s’effectuer. C’est un film très positif qui montre sa résilience et sa revendication de sa langue, de son identité et de son amour propre. »
Une tournée canadienne
Après Edmonton, Montréal et Ottawa, l’installation Pîkiskwe-parle arrive donc à Yellowknife, diminuée de la moitié de ses 16 œuvres, mais avec un rituel bien mis en place. Les artistes sont habituellement sur place pour le vernissage de l’installation et la projection du film (sous-titré en français), et un aîné préside une conversation sur la réconciliation.
Ainsi, c’est Lila Erasmus qui présidera le dialogue à Prince-de-Galles, le jeudi 18 octobre à 18 h 30. « Habituellement, décrit la réalisatrice albertaine, les aînés ouvrent la séance avec une prière, ce qui procure un caractère de cérémonie à la réunion. Ils demandent de la force et des conseils pour la conversation, pour passer à travers ces temps difficiles dans notre histoire. »
Ils ont jusqu’à maintenant superbement réussi, affirme Beth Wishart Mackenzie, à créer des espaces accueillants, sans barrière, à susciter de « merveilleuses conversations à chaque endroit entre autochtones et non autochtones ».
À Montréal, appréhendant les souffrances générées par les pensionnats, une femme métissée a déclaré mieux comprendre le silence de son père et de son grand-père. Un vieux monsieur francophone a dit que les francophones devraient avoir de la compassion pour les autochtones et les comprendre, puisqu’ils viennent tous les deux de cultures opprimées.
Malgré tout ce qui a été rapporté par les médias, rapporte Mme Wishart Mackenzie, beaucoup de personnes ayant visité l’installation ne savaient rien des pensionnats indiens.
« Beaucoup sont surpris de l’apprendre, relate-t-elle, ils sont ébranlés et paralysés par cette culpabilité; ils ne savent pas quoi faire pour corriger la situation. »
Selon l’expérience de la réalisatrice, le sujet de la réconciliation et des pensionnats suscite un véritable intérêt dans certains cercles de personnes qui se préoccupent de droits de la personne et de justice. Mais il y a des gens qui ne reconnaissent pas qu’il y a encore un système en place qui compromet l’avenir des Premières Nations, c’est pourquoi les conversations telles que générées par Pîkiskwe-parle sont importantes et doivent atteindre un vaste auditoire.
Repenser le système actuel
Les générations actuelles ne devraient pas se sentir coupables, mais historiquement, affirme Beth Wishart Mackenzie, tous les Canadiens ont une responsabilité, et c’est d’examiner le système et le mal qu’il inflige aux Premières Nations et de construire des ressources.
« Regardons, par exemple, les soins aux enfants et le système pénitentiaire. Pourquoi les autochtones y sont-ils surreprésentés et comment pouvons-nous corriger ce déséquilibre? C’est un problème auquel nous devons faire face maintenant, mais je crois que le plus gros problème pour les non-Autochtones, c’est d’apprendre à respecter les Autochtones et de prendre conseil auprès d’eux plutôt que de croire qu’ils sont plus savants qu’eux. »
Pîkiskwe-parle se poursuit à Yellowknife jusqu’au 10 novembre. Ensuite, l’installation visitera successivement Winnipeg, Regina, Halifax, Toronto et Vancouver.