Vague de suicides dans le Nord québécois : le dernier cri du cœur d’une militante inuite

La militante inuite Mary Simon et ancienne ambassadrice du Canada pour les affaires circumpolaires a lancé une pétition en ligne au mois de novembre pour que les gouvernements canadien et québécois reconnaissent la vague de suicides au Nunavik comme une situation de crise. Elle réclame désormais des rencontres avec les cabinets des ministres concernés par ce dossier. (Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)
Les Inuits du Nord québécois tentent petit à petit de reprendre leur souffle après la vague de suicides qui a traversé leur région. La militante de longue date pour les droits des Inuits Mary Simon, qui a lancé une pétition l’automne dernier pour réclamer l’état d’urgence au Nunavik, espère rencontrer les ministres concernés au début du mois de mars.

Mary Simon n’a pas perdu espoir, bien au contraire. Les signatures amassées dans sa pétition lui ont donné la force de redoubler d’efforts. Au moment d’écrire ces lignes, 52 394 personnes avaient apposé leur nom à sa pétition en ligne lancée au mois de novembre. « J’étais vraiment heureuse de constater cette proportion », confie Mary Simon, au bout du fil.

Son cri du cœur s’est fait entendre de part et d’autre du pays… Jusqu’au Brésil et en Australie. « Tout cela démontre que les gens sont au courant de la crise et s’en préoccupent », ajoute-t-elle.

« La pétition n’a pas de pouvoir légal, mais elle peut sans aucun doute révéler l’ampleur de ce problème. »

Mary Simon, militante pour les droits des Inuits

Bien qu’elle reconnaisse les efforts de la ministre fédérale des Relations Couronne-Autochtones Carolyn Bennett, Mary Simon croit qu’il en faudra davantage pour remédier à la situation actuelle qu’elle qualifie de crise. « Quand on regarde la situation dans son ensemble, on se rend compte que ce n’est pas suffisant », déplore-t-elle. Mary Simon attribue cette vague de suicides au manque de financement gouvernemental et de services adéquats offerts aux résidents des 14 communautés du Nunavik.

Selon elle, l’attention des gouvernements est davantage tournée vers Kuujjuaq, la capitale administrative du Nunavik. « Mais il y a 13 autres communautés le long de la côte », poursuit Mary Simon.

Des équipes de soutien par et pour les Inuits

« Il faut travailler davantage à ce que les Inuits qui s’intéressent au travail social aient un meilleur accès à des formations », soutient celle qui a été présidente de l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisme représentant les Inuits au pays, et ambassadrice du Canada pour les affaires circumpolaires.

L’automne dernier, la Régie régionale de la santé et des services sociaux a déployé une équipe de professionnels spécialisés en traumatismes et en suicides, d’intervenants sociaux et d’aidants naturels pour venir en aide aux Inuits touchés par des récents cas de suicides. Bien qu’elle applaudisse ce type de « cellule de crise », Mary Simon déplore que ces équipes d’interventions soient majoritairement constituées de non-Autochtones qui, une fois leur intervention achevée, plient bagage pour retourner dans le sud de la province.

« Les gens sont reconnaissants de l’aide qu’ils reçoivent et ils savent que [les équipes de soutien] travaillent très fort pour leur fournir ces services, mais comme ce ne sont pas des Inuits, ils ne comprennent pas réellement la culture [inuite] », pense-t-elle.

Selon Mary Simon, des travailleurs sociaux inuits seraient les mieux placés pour venir en aide aux personnes en détresse. Leur maîtrise de l’inuktitut et leur proximité avec les familles de leur communauté leur donneraient une longueur d’avance sur des travailleurs venus du sud du Nunavik, explique la militante inuite, qui n’est pas à court de pistes de solutions. Cette dernière souhaiterait que les gouvernements provincial et fédéral s’accordent aussi pour améliorer l’accès à Internet au nord du 55e parallèle.

« Une personne en situation de détresse psychologique pourrait se rendre au dispensaire de sa communauté pour consulter un psychothérapeute par vidéoconférence [depuis le sud de la province] », explique-t-elle.

Le Centre de santé Tulattavik de l’Ungava (CSTU), à Kuujjuaq, au Nunavik. (Eilís Quinn/Regard sur l’Arctique)

Kuujjuaq et Puvirnituq sont les deux seules collectivités du Nunavik à disposer d’un centre de santé qui équivaut à un hôpital. Les 12 autres communautés de la région sont dotées d’un centre de soins infirmiers où se rendent par alternance des travailleurs de la santé venus du sud. L’accès à des soins de santé spécialisés est donc restreint pour la majorité des Inuits.

Le suicide, ce fléau nordique

Le taux de suicide au Nunavik est le plus élevé de la province et cette vaste région située au nord du 55e parallèle a recensé de nouveaux cas l’automne dernier.

En 2018, cinq suicides ont été confirmés par le Bureau du coroner du Québec; trois ont eu lieu à Kuujjuaq, un à Kangirsuk et un à Kangiqsujuaq.

Selon Mary Simon, ce bilan n’est que la pointe de l’iceberg. « L’année dernière, en 2018, je sais personnellement qu’il y a eu 11 suicides à Puvirnituq, assure-t-elle. Sans parler du nombre accablant de tentatives [de suicides]. »

Joint par Regard sur l’Arctique, l’organisme gouvernemental affirme avoir recensé 53 décès au Nunavik dans la dernière année. De ce nombre, 40 cas font toujours l’objet d’une enquête.

Entre 2000 et 2013, le Bureau du coroner du Québec a relevé 172 cas de suicides, parmi lesquels la majorité était des hommes. Ce sont les villages de Puvirnituq, d’Inukjuak et de Salluit qui figuraient parmi les villages les plus endeuillés.

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