Des archéologues utilisent l’histoire orale pour étudier la vie d’anciens peuples autochtones
Des archéologues de l’Université de l’Alaska utilisent l’histoire orale autochtone pour mieux comprendre comment était la vie humaine il y a des milliers d’années.
Leur recherche est centrée sur le site archéologique Swan Point, situé près de Delta Junction, soit à environ 350 kilomètres à l’ouest de la frontière avec le Yukon.
Le site daterait de 14 200 ans. Il s’agit de la plus ancienne preuve de l’existence de la vie humaine en Alaska et une des plus anciennes preuves de peuplement dans ce qui est aujourd’hui l’Amérique du Nord.
L’endroit est inclus dans une vaste zone que les scientifiques appellent Beringie, qui s’étend du fleuve Mackenzie dans le Nord canadien en passant par le détroit de Bering jusqu’en Russie orientale.
À cette époque, le niveau de la mer était plus bas et il existait un pont terrestre qui reliait l’Alaska et la Sibérie.
« Il y a plusieurs lieux avec des noms [autochtones] autour de ce qui était autrefois la rive nord du lac glacé Atna. Cela nous paraît bien intéressant », affirme Gerard Smith, candidat au doctorat au département d’anthropologie de l’Université de l’Alaska, à Fairbanks.
Gerard Smith a fait une présentation sur le sujet via Skype la fin de semaine dernière au Beringia Centre de Whitehorse dans le cadre d’une série de conférences organisées par le club Long Ago Yukon. Cet organisme consacré à l’archéologie concentre ses efforts sur l’information relative à l’histoire du Yukon et du Grand Nord.
Une résidence vieille de 2000 ans
Le site de Swan Point a été découvert en 1993 et des travaux d’excavation y ont été effectués depuis. Il semble que l’endroit ait été occupé à diverses époques.
Il y a 2000 ans, il était la demeure des ancêtres de ce qui est aujourd’hui le peuple Tanana. Leurs histoires racontées oralement nous procurent un éclairage sur la façon dont les gens vivaient.
« Ce ne sont pas juste des histoires, elles révèlent des informations très importantes sur la vie sociale, l’économie et la politique à travers la région », déclare Gerard Smith.
Il affirme que les histoires autochtones n’étaient pas constituées de contes de fées transmis d’un parent à son enfant, mais d’histoires qui racontaient comment survivre et comment s’épanouir.
« Elles vous disent ce que vous devriez faire, comment vous devriez vivre votre vie avec succès et comment réussir à se tailler une place dans l’espace qui vous entoure », explique l’expert.
Une des plus récentes trouvailles à Swan Point est une maison en fosse.
Les archéologues croient qu’une ou deux maisons principales ont dû servir de repaire pour les chefs du village.
« Il s’agissait d’une maison semi-souterraine. Les gens les creusaient dans le sol et installaient par-dessus du bois, du cuir et de la mousse pour les isoler correctement », dit M. Smith.
Une empreinte de petite taille a aussi été découverte dans l’habitation. Les archéologues pensent qu’elle appartient probablement à une fillette de neuf ans qui portait des mocassins.
Des réseaux de parenté
Christian Thomas, archéologue responsable des projets spéciaux pour le gouvernement du Yukon, indique que l’un des plus anciens sites au Yukon est celui de Little John, près du site de Beaver Creek, dans l’ouest du territoire.
Il aurait probablement le même âge que la maison en fosse de Swan Point. Les gens qui ont occupé les deux sites avaient sûrement beaucoup de points en commun.
« Les réseaux de parenté à l’époque précoloniale traversaient la frontière entre l’Alaska et le Yukon. Cette frontière n’existait pas à ce moment-là. Les parents des Premières Nations modernes du Yukon sont les Premières Nations de l’Alaska », affirme Christian Thomas.
Cependant, le site Swan Point remonte en fin de compte à plus de 2000 ans.
Il y a environ 14 500 ans, le climat du Nord a commencé à changer, passant d’un froid glacial à un froid moins mordant, un climat interglaciaire, avant de changer à nouveau et de redescendre à des conditions presque glaciaires.
C’est à ce moment-là que les premières personnes auraient traversé le pont terrestre qui relie la Sibérie à l’Alaska, selon les spécialistes.
Gerard Smith tente également d’éclaircir les changements qui sont survenus depuis cette ère et ce que ces voyageurs primitifs auraient pu rencontrer.
« Il semblerait que les premiers nomades ont franchi les montagnes et rencontré beaucoup de glaces, de nombreux glaciers et quelques grands lacs glaciaires endigués au sud », dit-il.
Il précise que le lac Atna, qui n’existe plus, avait la moitié de la taille du lac Ontario.
On ignore ce qui est arrivé aux premiers nomades. On pense qu’à mesure que les glaciers se sont retirés, ils ont migré vers le sud le long de la côte du Pacifique et se sont finalement répandus à travers toute l’Amérique du Nord.
Cette affirmation est toutefois sujette à débats, puisque des sites découverts dans le sud-ouest des États-Unis ont peu de similarités avec ceux établis dans le nord.
C’est ce qui mène certains scientifiques à se demander si une autre vague de voyageurs provenant de l’Amérique du Sud n’aurait pas été la première à peupler le continent.
D’après un reportage de Mike Rudyk de CBC News