Le système d’éducation du Nunavut alimente un génocide culturel, affirme une association inuit de l’Arctique canadien

Lors de son passage à New York pour la 18e session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, la présidente de la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), Aluki Kotierk, a affirmé qu’une action urgente était nécessaire pour freiner le déclin de l’inuktut au Nunavut. (Kieran Oudshoorn/CBC)
En plus d’avoir échoué à préserver la langue inuktut, le système d’éducation du Nunavut entretient un génocide culturel et linguistique contre les Inuit, dénonce un récent rapport de l’association qui représente les Inuit de ce territoire de l’Arctique canadien.

« Les enfants inuit reçoivent la majeure partie de leur éducation dans les langues dominantes plutôt que dans leur langue maternelle, a mentionné la présidente de la Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), Aluki Kotierk, par voie de communiqué. Et cela entretient un génocide culturel ». L’organisme, qui a vu le jour dans les années qui ont suivi l’accord sur le Nunavut, en 1999, a pour mandat de protéger les droits des Inuit.

Le rapport (en anglais) de 83 pages intitulé « Le système d’éducation du Nunavut est-il inadéquat sur le plan légal? » a été déposé lundi à la 18e session de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, à New York.

Commandée en septembre 2018 par la NTI, l’analyse visait à déterminer les causes sous-jacentes du déclin de l’inuktut au Nunavut et la part de responsabilité qui incombe au système d’éducation. L’étude a été menée par l’avocat spécialisé en droits de l’homme et professeur à l’Université d’Édimbourg, Robert Dunbar, la linguiste finlandaise Tove Skutnabb-Kangas, et le professeur à l’École de commerce de Copenhague, Robert Phillipson.

L’inuktut est le terme qui regroupe tous les dialectes du Nunavut, dont les principaux sont l’inuktitut et l’inuinnaqtun. Elle est la langue maternelle de plus de 60 % de la population du territoire, selon le Recensement de 2016.

Grandes attentes, peu de résultats

« Les Inuit aspiraient à mettre en place de meilleurs services et programmes liés à leur langue qui sont à l’image de leur manière d’être », affirme Aluki Kotierk. La question de la langue a été centrale dans l’entente qui a mené à la création du territoire, mais les auteurs concluent que les gouvernements fédéral et territorial ont échoué à promouvoir et à revitaliser la langue inuit, ce qui a contribué à « enfreindre la Loi sur l’éducation de 2008 ».

Cette loi visait initialement à mettre en place avant 2019 un parcours scolaire bilingue entre la 4e et la 9e année, mais le gouvernement territorial n’est pas parvenu à atteindre son objectif. En 2016, le rapport souligne que 11 écoles du territoire disposaient du personnel nécessaire pour offrir des cours d’inuktut de la maternelle à la 3e année, contre sept écoles jusqu’à la 4e année et une école jusqu’à la 5e année.

La majorité des cours offerts dans les écoles du Nunavut sont donnés en anglais. Le gouvernement territorial estime qu’il faudrait encore au moins 450 enseignants offrant des cours d’inuktut pour parvenir à un système d’éducation bilingue. (Ashley Burke/CBC)

« Malgré les bonnes intentions du [gouvernement du] Nunavut, l’éducation des élèves inuit n’atteint pas les résultats escomptés et n’est pas à la hauteur des attentes de la plupart des parents […] », souligne l’étude.

Dans un échange de courriels, le ministère de l’Éducation a fait savoir que les écoles du Nunavut comptaient actuellement 140 enseignants offrant des cours en inuktut. Mais le gouvernement estime qu’il faudrait au moins 450 enseignants bilingues supplémentaires pour parvenir à mettre en place un système d’éducation bilingue.

L’anglais, toujours l’anglais

D’après les chercheurs, l’usage quasi systématique de l’anglais menace la survie de l’inuktut. « Le manque de corpus écrits en langues autochtones a un impact considérable sur [leur] survie et sur les efforts qui peuvent être mis pour les renforcer », indiquent les auteurs.

Un panneau d’arrêt en anglais, français et inuktitut dans une rue d’Iqaluit, la capitale du Nunavut. La prédominance de l’anglais dans le système d’éducation menace la survie de l’inuktut, conclut le rapport. (Paul Chiasson/La Presse canadienne)

Le rapport dresse aussi un lien entre la prédominance de l’anglais dans le système scolaire et l’écart socio-économique qui perdure entre les Inuit et les non-Inuit. La pénurie de logements, le haut taux de suicide, l’alcoolisme et le taux de chômage élevé chez les Inuit sont « des symptômes d’une souffrance mentale qui peuvent être issus du système d’éducation », avancent les chercheurs.

« Nous continuons à défendre les droits des Inuit et à reconnaître que les gouvernements ont une responsabilité. Une action urgente et coordonnée est nécessaire dès maintenant. »

Aluki Kotierk, présidente de la Nunavut Tunngavik Inc.

Dans l’optique de modifier la Loi sur l’éducation et la Loi sur la protection de la langue inuit, le ministère de l’Éducation a effectué une tournée dans chacune des 25 communautés du territoire entre les mois de septembre et de décembre pour recueillir les commentaires des Nunavutois.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement nunavutois envisage de réformer son système d’éducation. En 2016, une précédente série de consultations publiques avait mené à la création du projet de loi 37 sur l’éducation. L’Assemblée législative du Nunavut avait toutefois abandonné le projet de loi puisqu’il impliquait, entre autres, de reporter l’échéance pour instaurer un système d’éducation bilingue jusqu’en 2029.

Le 5 février, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-91 sur la protection, la réappropriation et la revitalisation des langues autochtones au pays. Mais la présidente de la société NTI, Aluki Kotierk, avait dénoncé l’absence de clauses visant spécifiquement les Inuit.

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