Nord canadien: le Nunavut s’apprête à déposer un projet de loi pour réformer son système d’éducation
Quelques mois après avoir lancé une série de consultations publiques, le gouvernement du Nunavut, dans le Nord canadien, s’apprête à déposer un projet de loi pour réformer son système d’éducation.
« La rétroaction des [Inuits du Nunavut] nous a aidés à préparer les propositions de modifications à la Loi sur l’éducation et à la Loi sur la protection de la langue inuite », a indiqué par voie de communiqué le ministre de l’Éducation du Nunavut, David Joanasie, à quelques jours du dépôt d’un projet de loi qui proposera une réforme du système d’éducation.
Le ministère territorial de l’éducation a rendu public jeudi son rapport de consultation (en anglais), dans lequel figure une série de recommandations allant de l’amélioration des résultats scolaires des élèves au renforcement de l’inuktut – qui regroupe tous les dialectes du Nunavut – en instaurant un système d’enseignement bilingue. Selon le recensement de 2016, l’inuktut est la langue maternelle de plus de 60 % de la population du territoire et regroupe deux principaux dialectes, à savoir l’inuktitut et l’inuinnaqtun.
Entre les mois de septembre et de janvier, le ministère de l’Éducation a entrepris une tournée dans chacune des 25 communautés du territoire pour recueillir les commentaires des Nunavutois en matière d’éducation. Au total, plus de 800 personnes ont pris part aux consultations publiques.
Préoccupations liées à la langue
Durant les audiences publiques, plusieurs résidents ont fait part au ministère de l’Éducation de leur inquiétude concernant la préservation de la langue inuite et du savoir traditionnel.
« Les élèves ne sont pas capables de lire, de comprendre ou de parler l’inuktitut, donc cela entretient un fossé entre les jeunes et les aînés dans les communautés, mentionne un résident de Resolute Bay, cité dans le rapport. Les aînés ont commencé à parler en anglais pour communiquer avec leurs petits-enfants. »
Aux quatre coins du territoire, les établissements scolaires font face à une pénurie d’enseignants. Selon le ministère de l’Éducation, les écoles du Nunavut comptent actuellement 140 enseignants offrant des cours en inuktut, mais le gouvernement estime qu’il faudrait au moins 450 enseignants bilingues supplémentaires pour parvenir à mettre en place un système d’éducation bilingue.
« Compte tenu des exigences législatives en vigueur, le ministère n’a pas pris les mesures nécessaires pour que l’inuktitut soit la langue d’instruction », affirme dans le document l’association Nunavut Tunngavik, qui représente les Inuits du territoire.
Dans un rapport publié au mois d’avril, l’organisme reprochait au gouvernement du Nunavut d’avoir échoué à préserver la langue inuktut et de laisser le système d’éducation entretenir « un génocide culturel et linguistique » contre les Inuits.
Un curriculum par et pour les Inuits
Pour mieux préserver le savoir traditionnel, plusieurs participants ont recommandé d’embaucher un plus grand nombre d’Inuits dans les écoles du territoire et d’inclure davantage la perspective des aînés. « De nombreuses personnes constatent que les élèves perdent leurs connaissances traditionnelles, c’est pourquoi elles voient les aînés comme étant les mieux placés pour aider [les jeunes] à renouer avec leur culture inuite », peut-on lire dans le rapport.
Le Collège de l’Arctique, à Iqaluit, est le seul établissement du Nunavut qui offre une formation bilingue d’enseignement. Selon le ministère de l’Éducation, 21 étudiants ont obtenu un diplôme en 2017 grâce à ce programme, contre 9 en 2018.
Parmi les recommandations formulées à ce sujet, le rapport cite l’instauration de primes salariales pour rendre la profession d’enseignant plus attrayante et le renforcement du soutien offert aux éducateurs inuits pour diminuer l’épuisement professionnel.
Plusieurs résidents ont aussi souligné que les étudiants étaient mal outillés pour poursuivre des études postsecondaires.
« Les étudiants qui ont poursuivi des études postsecondaires dans des établissements du sud [du pays] ont également indiqué qu’ils se sentaient souvent mal préparés pour leurs programmes universitaires ou collégiaux et qu’ils devaient faire un travail considérable pour rattraper leurs pairs du Sud », lit-on dans le document de 22 pages.
Le projet de loi, qui visera à modifier la Loi sur l’éducation et la Loi sur la protection de la langue inuite, sera déposé à l’Assemblée législative du Nunavut mardi.
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