SIKU : un nouveau réseau social développé pour et par les Inuit canadiens

Capture d’écran du réseau SIKU montrant les profils interactifs des différentes espèces sauvages et leur chaîne alimentaire. (Courtoisie de SIKU)
Un nouveau réseau social développé par et pour les communautés inuit du Nord canadien mêlant savoir ancestral et nouvelles technologies vient d’être mis en ligne, la semaine dernière, lors de son lancement à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Le réseau appelé SIKU (« glace marine » en inuktitut) incorpore divers outils visant à améliorer la sûreté des chasseurs inuit, mais aussi à communiquer entre habitants de la région arctique qui va de Cambridge Bay à Nain, en passant par Kuujjuarapik.

« SIKU a été développé autour de l’autodétermination et de la recherche, mais aussi afin de créer un réseau social permettant aux gens de partager leurs récits de chasse et leurs observations avec les jeunes et les autres membres de leur communauté », a expliqué Joe Heath, directeur de la Société des eiders de l’Arctique (Arctic Eider Society) un groupe caritatif basé au Nunavut, lors d’une entrevue téléphonique.

Développée par la Société des eiders de l’Arctique en collaboration avec divers acteurs inuit, SIKU se présente sous forme d’application mobile et de plateforme web.

Mêler les savoirs autochtones aux nouvelles technologies

Avec le réchauffement climatique, l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde et cela affecte grandement le quotidien des chasseurs inuit.

Ces derniers doivent ainsi composer avec un environnement changeant, avec une glace changeante.

C’est dans le but d’assurer la sûreté de ces personnes que SIKU leur permet de partager toute information relative aux conditions extérieures et à l’état de la glace. Pour ce faire, des images satellites en temps réel et des données météorologiques sont disponibles sur la plateforme.

L’utilisateur peut publier quatre types de contenus : sociaux (récit de chasse, photo, etc.), état de la glace, informations sur la faune, relevés d’outils scientifiques. (Courtoisie de SIKU)

L’application incorpore d’ailleurs les langues et les appellations traditionnelles permettant une qualification plus précise des événements. Les Inuit utilisent différents termes pour caractériser la glace, par exemple. Actuellement, 62 déclinaisons du terme glace sont disponibles sur la plateforme, indique M. Heath, et d’autres peuvent être ajoutées au besoin.

Les chasseurs peuvent aussi partager des photos et autres informations relatives à la faune. Des renseignements sur la présence d’animaux sauvages, la façon de les traquer, leur habitat ou encore la diète et la condition physique de ces derniers; le tout disponible en langue autochtone. Quelque 80 espèces de l’Arctique sont répertoriées sur SIKU avec la possibilité d’en ajouter. 

Partager des récits de chasse est d’ailleurs inspiré de groupes en ligne tels que « Histoires de chasse inuit du jour ».

Afin de faciliter l’utilisation d’appellations traditionnelles, l’application fonctionne à l’aide d’étiquettes, ou « tags ». Ils désignent les différents termes inuit qui sont habituellement transmis à l’oral et qui n’étaient pas documentés jusqu’à présent, car peu considérés par les différentes études scientifiques.

« C’est une combinaison des meilleures technologies relatives aux réseaux sociaux réunies pour les Inuit. »Joe Heath, directeur de la Société des eiders de l'Arctique
Un Inuk, Puasi Ippak, teste l’application mobile SIKU. (Courtoisie de SIKU)

SIKU permet ainsi aux Inuit de documenter toutes ces informations tout en perpétuant leurs traditions ancestrales auprès des jeunes. Les différentes communautés peuvent aussi partager leurs connaissances sur le réseau tout en les mêlant aux diverses recherches scientifiques actuelles. Cela permet notamment de mieux comprendre cette région arctique et son évolution.

« Chaque communauté inuit utilise son propre système de connaissances pour documenter les changements, explique M. Heath. Donc, en les incluant dans un même cadre, cela permet d’offrir des solutions qui n’étaient pas envisageables auparavant et qui permettent de relier le savoir inuit aux observations scientifiques. »

Une meilleure protection des données

La question de la protection de la propriété intellectuelle a été primordiale dans la conception de ce réseau.

« Les conditions de référence et la politique de protection de la vie privée [de la plateforme] ont été établies spécifiquement pour assurer l’autodétermination et permettre aux utilisateurs de disposer de leurs propres données et pour en faire un lieu sûr. »

La réutilisation de contenu sans permission de l’auteur est, par exemple, interdite, tout comme la création de faux comptes.

Capture d’écran de la plateforme en ligne SIKU montrant le flux d’actualité (gauche), la carte (droite) et les diverses caractéristiques de la plateforme. (Courtoisie de SIKU)

Lorsqu’il s’agit de publications, le contrôle des données a aussi une place prépondérante. L’utilisateur peut décider de masquer le lieu de la publication, mais aussi spécifier qui peut la voir et la partager, par exemple.

« Si c’est quelque chose comme votre lieu d’enfouissement secret que vous voulez documenter pour vous-même ou pour votre communauté, mais que vous ne voulez pas que cela soit public, vous pouvez cacher l’emplacement, modifier la confidentialité (…) ou vous pouvez déterminer si un hyperlien vers SIKU peut être partagé ou non sur un autre réseau social », détaille Joe Heath.

Une personne peut aussi télécharger toutes les informations qu’elle possède afin de les réutiliser hors de la plateforme.

Des intérêts en Alaska, au Groenland et plus

À l’heure actuelle, les données colligées proviennent des quatre régions inuit du nord du pays, à savoir la région désignée des Inuvialuit (nord-ouest du Canada), le Nunavut (Nord canadien), le Nunavik (Nord québécois) et le Nunatsiavut (nord du Labrador). 

Joe Heath a déjà reçu des sollicitations de la part de peuples autochtones vivant en Alaska et au Groenland. La Société des eiders de l’Arctique est déjà en train de travailler dessus, indique son directeur.

Il est confiant quant à la possibilité d’ajouter de nouvelles personnes et d’agrandir le champ d’action du réseau.

Les membres de l’équipe SIKU ont remporté une compétition canadienne de Google.org en 2017 et ont ainsi pu bénéficier d’un financement de 750 000 $. (Courtoisie de SIKU)

Heath envisage même de toucher des peuples bien éloignés du cercle arctique.

« Nous pourrions l’élargir pour pouvoir travailler avec n’importe quelle communauté autochtone dans le monde. Nous pourrions avoir une interface différente et des systèmes de filtrage différents pour ne pas confondre les zèbres et les ours polaires, dit-il en plaisantant. Mais c’est sur le point d’évoluer! »

Mathiew Leiser, Regard sur l'Arctique

Né dans le sud de la France d'une mère anglaise et d'un père français, Mathiew Leiser a parcouru le monde dès son plus jeune âge. Après des études de journalisme international à Londres, il a rapidement acquis différentes compétences journalistiques en travaillant comme journaliste indépendant dans divers médias. De la BBC à l'Agence France Presse en passant par l'agence d'UGC Newsflare, Mathiew a acquis de l'expérience dans différents domaines du journalisme. En 2019, il décide de s'installer à Montréal pour affronter les hivers rigoureux et profiter des beaux étés mais surtout développer son journalisme. Il a rapidement intégré Radio Canada International où il s'efforce de donner le meilleur de lui-même au sein des différentes équipes.

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