Les formations offertes aux travailleurs de la santé du sud du Canada répondent-elles aux besoins des Inuit?
Certains travailleurs de la santé du Nord canadien estiment que les formations qui leur ont été prodiguées dans le sud du pays ne sont pas culturellement adaptées aux réalités des Inuit. C’est notamment ce que ressent une ergothérapeute qui vient d’entamer un projet de recherche sur le sujet.
« J’ai toujours senti que les services que j’offrais aux enfants et aux familles n’atteignaient pas vraiment les résultats escomptés », confie l’ergothérapeute et candidate au doctorat à l’école de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto Janna MacLachlan. L’ergothérapie s’intéresse à la réadaptation et à la rééducation des personnes souffrant de handicaps moteurs ou psychomoteurs.
Après avoir suivi une formation en ergothérapie en Ontario, Janna MacLachlan a commencé à travailler en 2006 à Iqaluit, la capitale du territoire nordique du Nunavut, auprès d’enfants inuit. Depuis 2010, elle y retourne chaque année pour effectuer des remplacements.
« Quand j’ai commencé à y travailler, je n’arrêtais pas de me dire que quelque chose clochait, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus, se souvient-elle. Donc depuis, j’ai toujours voulu comprendre ce qui n’allait pas. »
Des formations inadéquates?
Au cours de sa pratique dans le Nord, elle explique avoir souvent eu l’impression d’imposer une vision sudiste qui ne prend pas suffisamment en compte la perspective des Inuit et leur savoir ancestral.
Elle cite l’exemple des grilles d’évaluation du développement de l’enfant, qui permettent de suivre le développement de jeunes enfants et de dresser un portrait de leur cheminement. « Ça place un peu les enfants dans des boîtes parce qu’on dit qu’ils doivent faire telle et telle chose à un âge précis », affirme l’ergothérapeute.
Selon elle, ces critères sont bien souvent associés à la vision occidentale du succès. « Pourtant, il y a différentes visions du succès, comme la confiance en soi, l’engagement communautaire ou la gentillesse », souligne-t-elle.
Selon l’ergothérapeute, la pédagogie des Inuit valorise les forces des individus plutôt que leurs faiblesses. « C’est très occidental de se concentrer sur les problèmes! », lance-t-elle en riant.
À travers son projet de recherche, Janna MacLachlan souhaite donc savoir si les formations offertes aux ergothérapeutes du Sud sont culturellement adaptées aux réalités des Inuit et de quelles manières elles auraient avantage à être améliorées.
« Comment les besoins et les intérêts des enfants inuit de la région de Qikiqtaaluk, au Nunavut, peuvent-ils être mieux soutenus par les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et les orthophonistes? », s’interroge-t-elle.
« Je pense que les travailleurs formés dans le sud du Canada doivent faire preuve de sens critique sur la formation qu’ils ont reçue », ajoute-t-elle.
Des services par et pour les Inuit
À la mi-novembre, l’ergothérapeute s’est rendue à Iqaluit pour entamer sa cueillette d’informations, qu’elle doit poursuivre au courant du mois de décembre.
Au total, elle compte mener entre 20 et 30 entrevues individuelles avec des Inuit de la région de Qikiqtaaluk, dans l’est du Nunavut.
Même si elle estime qu’il est encore tôt pour émettre d’éventuelles hypothèses, Janna MacLachlan croit que les formations offertes dans le Sud devraient davantage prendre en compte le savoir inuit. « J’ai déjà entendu des commentaires qui portent sur l’importance de parler l’inuktitut et d’avoir des employés inuit », explique-t-elle.
Janna MacLachlan prévoit retourner au printemps dans les communautés visitées pour partager ses conclusions et recueillir les impressions des personnes qu’elle aura interrogées.
Elle espère être en mesure de formuler des recommandations qui orienteront les formations offertes aux ergothérapeutes du sud du pays.
À terme, elle souhaiterait aussi voir d’autres professionnels de la santé, comme des infirmiers et des médecins, s’interroger à leur tour sur leur pratique et la pertinence de leur formation.