Grandes lacunes dans les services à l’enfance d’un territoire de l’Arctique canadien, selon les familles d’accueil

Une lettre de la coalition des familles d’accueil des Territoires du Nord-Ouest, dans l’Arctique canadien, dénonce de grandes lacunes dans le système des services à l’enfance. (iStock)
Dans une lettre envoyée aux députés des Territoires du Nord-Ouest, dans l’Arctique canadien, la coalition des familles d’accueil du territoire peint un piètre portrait du système de protection de l’enfance. Elle fait état entre autres d’intervenants qui auraient menti ou dissimulé des faits importants aux parents d’accueil.

La lettre de 27 pages comprend 49 doléances des parents d’accueil ainsi que plusieurs recommandations pour y remédier.

Les allégations dans la lettre ont été faites par 16 parents d’accueil lors d’une rencontre organisée par la Coalition en décembre dernier.

Dans l’ensemble, la lettre allègue un manque systémique de soutien pour les proches aidants, qui dans certains cas auraient reçu des informations incomplètes ou auraient été intentionnellement induits en erreur par des travailleurs de première ligne.

« Il y avait beaucoup de pleurs [lors de la rencontre en décembre], raconte la directrice générale de la Coalition, Tammy Roberts. La plupart des gens sur place avaient des inquiétudes [immédiates] par rapport aux enfants dont ils s’occupent. »

« J’espère que les gens vont écouter, mais les [parents d’accueil] n’ont aucun espoir. »

Tammy Roberts, directrice générale, Coalition des familles d'accueil des Territoires du Nord-Ouest

Lorsque les organisateurs de la rencontre ont demandé aux participants de leur faire part d’expériences positives avec le système de famille d’accueil, la moitié d’entre eux ont préféré ne pas commenter, explique la lettre.

Le système s’améliore, selon le gouvernement

Tammy Roberts dit avoir essayé, sans succès, d’organiser une rencontre avec la nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux, Diane Thom, après l’assermentation de cette dernière en novembre.

Lundi, la lettre a été envoyée à la ministre. Mardi, la ministre a envoyé une réponse générique énumérant les résultats d’un rapport de progrès indiquant que le gouvernement a complété le tiers de son plan d’amélioration de la qualité de ses services de trois ans.

Jeudi, en réponse à une demande d’entrevue de CBC North, un porte-parole du ministère a indiqué que la ministre avait contacté la Coalition afin d’établir une date de rencontre pour discuter des mesures nécessaires pour pallier les préoccupations exposées dans la lettre.

Diane Thom est la ministre de la Santé et des Services sociaux des Territoires du Nord-Ouest. (Mario De Ciccio/Radio-Canada)

Le Plan d’amélioration de la qualité du Service à l’enfance et à la famille qui est au centre de la réponse de la ministre a pour but premier de répondre aux nombreux problèmes soulevés dans un rapport accablant du Bureau du vérificateur général du Canada de 2018.

Dans ce rapport, le vérificateur général dresse le portrait d’un système surchargé, qui n’évalue pas assez la sécurité des enfants, qui effectue mal ses suivis et qui s’est détériorée depuis le dépôt d’un premier rapport négatif en 2014.

Glenn Wheeler, le directeur principal de l’audit avait alors soutenu que le ministère avait surchargé le système en imposant de nouveaux standards tout en offrant peu de soutien aux travailleurs de première ligne.

« Quand le rapport [de 2014] est sorti, ça a donné une poussée d’énergie parce qu’on pensait que les choses allaient changer », dit Tammy Roberts. Elle conclut aujourd’hui que les changements apportés n’ont pas mené aux améliorations voulues.

Dans son rapport, le vérificateur général dresse le portrait d’un système surchargé, qui n’évalue pas assez la sécurité des enfants, qui effectue mal ses suivis. (Mario De Ciccio/Radio-Canada)
La peur des représailles

La lettre commence en indiquant que de nombreux problèmes datent de plusieurs décennies, bien avant le premier rapport de 2014, mais que les parents de famille d’accueil se sont abstenus de se plaindre par peur de perdre du soutien et des services ou qu’on leur enlève la garde d’un enfant.

La plupart des problèmes identifiés dans la lettre sont avec les travailleurs de première ligne, puisque ce sont les seuls avec qui les familles d’accueil ont un contact direct, selon Tammy Roberts.

Elle ajoute toutefois que les parents savent que ces intervenants n’ont tout simplement pas le temps de mettre en oeuvre tous les changements imposés par le ministère.

Tammy Roberts est la directrice générale de la Coalition des familles d’accueil des Territoires du Nord-Ouest. (Kate Kyle/Radio-Canada)
Mauvaises relations avec les intervenants

La lettre décrit un problème répandu de mauvaises relations entre les intervenants de première ligne et les proches aidants. Elle offre d’ailleurs plusieurs exemples ou les préposés à la protection à l’enfance auraient été malhonnêtes avec les familles.

« Les familles d’accueil subissent des violences verbales et les préposés de protection à l’enfance leur mentent, peut-on lire. Un travailleur vous dira X et le prochain jour un autre vous dira l’opposé de X. »

Un enfant au camp d’été, Camp Connections, organisé par la Coalition des familles d’accueil des Territoires du Nord-Ouest. (Kate Kyle/Radio-Canada)

Selon la lettre, des parents auraient appris qu’ils allaient s’occuper d’un enfant pour une courte période de temps, avant de se faire dire, par d’autres personnes, que la période de placement avait été prolongée.

Selon la lettre, lors de placement d’urgence, des travailleurs de premières lignes dissimuleraient de l’information au sujet de l’enfant à placer afin que la famille soit plus portée à l’accepter.

Dans sa réponse à CBC North, qui a envoyé une liste de questions, le ministère répond que les familles d’accueil peuvent se plaindre des intervenants auprès de leurs superviseurs. La plainte peut ensuite être transmise aux échelons supérieurs et être vue par le chef des opérations de la région.

D’autres problèmes systémiques

Dans la lettre, la Coalition des familles d’accueil énumère de nombreuses lacunes du système, fait des recommandations et rappelle l’importance pour le ministère de combler ces lacunes.

Parmi les lacunes soulignées dans la lettre :

  • la pénurie de travailleurs sociaux, qui surcharge les travailleurs en place ;
  • un manque de formation pour les parents d’accueil ;
  • un manque de communication entre les intervenants de première ligne ;
  • l’absence d’un défenseur ou d’un commissaire à l’enfance ;
  • l’absence d’un processus permettant aux familles d’accueil d’adopter ;
  • l’absence d’un programme de répit pour les familles d’accueil.
La directrice générale de la Coalition espère que la lettre pourra faire comprendre les problèmes du système aux députés.

Avec des informations de John Last de CBC North

Mario De Ciccio, Radio-Canada

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