Relations avec les Autochtones dans le Nord du Québec : Hydro-Québec garde le cap
Hydro-Québec tente tant bien que mal d’entretenir de bonnes relations avec les communautés autochtones de la province. Pour s’assurer de les préserver, il faut impérativement tenir compte du « bagage » qui lie Hydro-Québec aux nations autochtones, estime sa nouvelle vice-présidente aux communications, chargée des relations avec les Autochtones, Julie Boucher.
Arrivée en poste le 9 mars dernier, tout juste avant que le gouvernement Legault ne déclare l’état d’urgence pour combattre la pandémie de COVID-19, Julie Boucher se trouve à la tête d’une équipe dont les bureaux sont situés notamment à Montréal, à Rouyn-Noranda, à Baie-Comeau, à Kuujjuaq et à Chibougamau.
Celle qui compte plus de 13 ans à l’emploi de la société d’État entend s’inscrire dans la continuité de sa prédécesseure, Élise Proulx, en misant sur l’authenticité, le respect et l’écoute.
Peu de temps après l’annonce de la nomination de Julie Boucher, la haute direction d’Hydro-Québec s’est retrouvée avec une nouvelle patronne, Sophie Brochu.
Ce changement d’interlocutrices pourrait permettre d’améliorer le dialogue, avance Mme Boucher. Elle refuse toutefois de dire que certains liens ont pu être rompus dans les cas de dossiers litigieux opposant la société d’État à certaines communautés autochtones.
Tenir compte du passé
Parmi les défis auxquels Hydro-Québec doit faire face lors de ses discussions avec les nations autochtones, il faut tenir compte de l’historique
qui lie la société d’État et les communautés, estime Mme Boucher.
Lorsqu’Hydro-Québec fait affaire avec des nations autochtones, elle ne peut donc pas les traiter comme de simples entreprises, poursuit-elle.
« Maintenant, comment travaille-t-on ensemble […] en tenant compte de notre bagage? »
« Je ne pense pas que ça mette du plomb dans l’aile; c’est juste que c’est présent », nuance-t-elle, ajoutant qu’il faut faire preuve « d’empathie ».
Mme Boucher n’a pas souhaité discuter en profondeur des dossiers litigieux en cours, « par respect pour les conseils de bande impliqués. »
Le cas de la centrale hydroélectrique de Rapide-Blanc, à La Tuque, en est un exemple, reconnaît-elle. Mise en service en 1934, celle-ci est au cœur d’un de ces dossiers où la société d’État n’arrive pas à s’entendre avec une communauté, qui lui reproche des années d’ingérence.
Des travaux de réfection annoncés en juin 2019, à hauteur de 613 millions de dollars, ont fait réagir le Conseil des Atikamekw de Wemotaci, qui a dénoncé l’absence d’entente entre ses membres et Hydro-Québec. Les Atikamekw exigent d’être consultés pour tout projet touchant leur territoire ancestral non cédé, appelé le Nitaskinan.
Ils demandent aujourd’hui la création d’une table de négociations afin qu’une part des investissements permette notamment l’octroi de contrats aux entreprises autochtones de Wemotaci.
Le chef du Conseil des Atikamekw de Wemotaci, François Néashit, juge plus largement qu’Hydro-Québec a bafoué des droits ancestraux au fil de son histoire « en construisant plusieurs équipements hydroélectriques sans consultation, sans accommodement et sans [leur] consentement. »
Selon Julie Boucher, il faut faire la distinction entre deux époques : les cadres législatifs qui existaient lors de la construction de certaines installations ne sont plus les mêmes aujourd’hui, souligne-t-elle.
Assurant que son équipe est « présente et à l’écoute », elle indique que le cas de Wemotaci est « l’un des dossiers qui seront sur [sa] table à dessin pour la prochaine année. »
Leadership contesté
Hydro-Québec doit aussi composer avec les divergences de points de vue sur les projets de la société d’État au sein même des communautés.
« Il y a des communautés où le leadership est parfois plus contesté, mais c’est très variable d’une communauté à l’autre », précise Mme Boucher.
La nouvelle VP aux communications se retrouve notamment avec le dossier de La Romaine entre les mains, un cas qui illustre le rôle que peuvent jouer des factions internes dans la conclusion d’ententes.
Les Innus de Uashat mak Mani-utenam, près de Sept-Îles, poursuivent Hydro-Québec et lui réclament 9,1 millions de dollars pour le non-respect de son engagement et sa « mauvaise foi » au cours des négociations sur une entente de principe au sujet de la construction du complexe hydroélectrique de La Romaine, au nord de Havre-Saint-Pierre.
Au cœur de l’affaire : le résultat contesté d’un référendum sur l’entente de principe convenue entre la communauté innue et les représentants d’Hydro-Québec. Bien que la majorité des électeurs se soient dits en faveur de l’entente, des chefs de familles traditionnelles ont continué à s’y opposer.
Face à cette dissidence, la société d’État aurait alors refusé de discuter avec le conseil de bande, à moins que celui-ci n’obtienne l’unanimité. Ce faisant, l’entente n’a pu être mise en pratique, et les Innus n’ont pas pu toucher la totalité des 75 millions que devait lui verser Hydro-Québec.
Ces divisions « font partie effectivement de la réalité dans laquelle on travaille », concède Julie Boucher, sans commenter directement la poursuite en cours.
Place à l’amélioration
À la tête d’une équipe qui compte deux employés issus de communautés autochtones – sur 16 –, Julie Boucher est d’avis qu’Hydro-Québec « peut faire mieux encore » en matière de représentativité.
Depuis 2018, la société d’État est membre du programme du Canadian Council for Aboriginal Business (CCAB).
« On veut s’assurer qu’on fait les bonnes choses. Cette certification va nous permettre d’avoir un regard externe, un point de vue qui va pouvoir nous aider à nous améliorer », qu’il s’agisse de partenariats avec les entreprises autochtones ou encore de relations entre les communautés et Hydro-Québec « en tant qu’employeur », explique-t-elle.
Comme le processus de certification du CCAB est en cours, Hydro-Québec n’a pas encore reçu les résultats de cette évaluation.
Pour la nouvelle PDG de la société d’État, Sophie Brochu, l’une des priorités est « certainement la diversité, et parmi la diversité, il y a [celle] de nos collègues des peuples autochtones », assure Mme Boucher.