La police canadienne raconte comment un policier a tué un Autochtone en février
La commandante de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour le Nunavut a pris la décision inhabituelle de divulguer les détails de l’enquête sur la mort d’un homme aux mains des policiers, en février dernier.
Cette décision survient alors que des appels pour une plus grande transparence de la part des services policiers se font entendre et qu’une croissance de la tension est palpable entre les forces de l’ordre et les résidents de la communauté de Kinngait, au Nunavut, où l’incident est survenu.
Attachie Ashoona a été tué parce qu’il avait poursuivi un policier chez lui en brandissant un couteau. Il avait aussi menacé de tuer d’autres personnes dans sa résidence, a affirmé la surintendante principale Amanda Jones à CBC News.
Une enquête tenue par un corps policier différent
À la suite des événements de février, le Service de police d’Ottawa (SPO) avait été mandaté pour effectuer une enquête sur l’intervention qui a mené à cette tragédie. Plus tôt cette semaine, la police d’Ottawa a publié un court communiqué dans lequel elle blanchit l’agent de police qui a tué M. Ashoona d’une quelconque faute criminelle en lien avec cette intervention.
Lors d’incidents graves impliquant un de ses agents, la GRC du Nunavut fait appel à la police d’Ottawa ou de Calgary pour enquêter.
La GRC fait face à des pressions croissantes pour plus de transparence et de responsabilité de la part du gouvernement du Nunavut et d’autres dirigeants canadiens.
Des enquêtes critiquées
Les enquêtes sur la police par un autre corps policier sont vivement critiquées par certains experts depuis des années.
Une fois son rapport terminé, la police d’Ottawa ou de Calgary publie généralement un court communiqué de presse contenant peu d’informations pour appuyer ses conclusions.
La surintendante Jones a convenu que les gens ont raison de douter de telles enquêtes, en raison du manque de transparence.
En vertu de la loi, une enquête du coroner est obligatoire lorsqu’un membre des forces de l’ordre tue un résident du Nunavut. Cette enquête, différente de celle menée par la police d’Ottawa ou de Calgary, fournit de nombreux autres témoignages en lien avec l’incident.
Le bureau du coroner du Nunavut a déclaré à CBC que l’enquête sur la mort d’Attachie Ashoona n’était pas encore prévue, mais qu’il espérait la mener en 2021.
Une arme déchargée à moins d’un mètre de distance
Le fil des événements qui suit a été fourni par la plus haute gradée de la GRC et est tiré du résultat de l’enquête policière du SPO.
Selon Amanda Jones, deux agents ont répondu à un appel pour violence familiale le 26 février. On leur a dit qu’une femme criait et était traînée par une autre personne.
Un deuxième appel d’urgence faisait aussi état d’un homme recevant des coups.
À l’arrivée des policiers, le père d’Attachie Ashoona se tenait à l’extérieur de la maison et saignait. Les agents ont entendu Attachie Ashoona crier de l’intérieur de la maison qu’il allait chercher un couteau.
Les policiers ne savaient pas à ce moment si la femme mentionnée dans l’appel d’urgence se trouvait à l’intérieur de la résidence
, a déclaré la GRC dans un communiqué de presse publié jeudi.
Les agents ont gravi les marches de la maison et, rendus à la porte, ils ont aperçu Attachie Ashoona avec un couteau dans les mains. Il affirmait qu’il allait les tuer et qu’ils devraient lui tirer dessus, a déclaré Amanda Jones.
Les officiers ont averti l’homme de laisser tomber le couteau et d’arrêter de bouger, mais la commandante de la GRC au Nunavut a déclaré que M. Ashoona ne s’était pas conformé à l’ordre des policiers.
Amanda Jones a ensuite affirmé qu’une agente de police est entrée dans la maison pour échapper à l’homme et s’est retrouvée coincée dans la résidence. C’est à ce moment-là qu’Attachie Ashoona s’est retourné et s’est dirigé vers la policière « en faisant des mouvements de coups de couteau », indique le communiqué de presse.
La policière l’a sommé d’arrêter, a expliqué Amanda Jones.
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les agents n’avaient pas tiré sur l’homme pour l’arrêter plutôt que pour le tuer, elle a répondu que ce n’était pas ainsi que les policiers sont formés.
Une altercation virale
De nombreux incidents illustrant en partie des interactions entre la GRC et des résidents de Kinngait ont été publiés sur Internet dans les derniers mois. L’une des altercations, devenue virale en juin, concernait un jeune Inuk heurté par un véhicule de la GRC. La vidéo a attiré l’attention du pays en juin, alors que plusieurs incidents impliquant des forces de l’ordre et des minorités ethniques faisaient la nouvelle au Canada, mais aussi aux États-Unis.
La surintendante Jones a déclaré que les enquêtes sur cet incident – une enquête interne sur le code de conduite, une par le SPO et une par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes pour la GRC – sont toujours en cours et qu’aucune mise à jour n’est disponible.
Amanda Jones a assuré aux résidents de Kinngait que leur sécurité demeurait la principale préoccupation de la GRC.
Plus d’agents de la GRC à Kinngait
Le détachement de la GRC à Kinngait est le plus achalandé du territoire avec 300 dossiers ouverts de plus cette année par rapport à la même période l’année dernière, selon la surintendante.
Le budget prévoit la possibilité d’établir six membres de la GRC à Kinngait, mais en raison du volume élevé et de la gravité de la criminalité, dix agents sont présentement postés dans la communauté.
Comme dans plusieurs autres communautés au Nunavut, l’alcool est à l’origine d’une grande partie des crimes [qui surviennent à Kinngait], a expliqué Amanda Jones.
D’après un texte de Thomas Rohner, CBC