Jean-Paul Riopelle, influences nordiques et autochtones
On pensait déjà tout savoir sur Jean-Paul Riopelle (1923-2002), figure artistique contemporaine majeure de la scène internationale. Mais voilà, à quelques semaines avant l’ouverture officielle d’une exposition inédite au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), l’institution présente un ouvrage très bien documenté révélant les influences nordiques et autochtones sur les œuvres de l’immense artiste québécois.
Nombreuses ont été les expositions et les rétrospectives ayant tour à tour raconté ou scruté la carrière du plus illustre de nos peintres canadiens, de l’époque du manifeste du Refus global aux différents courants auxquels Riopelle sera souvent associé comme le surréalisme, l’automatisme ou le tachisme. Mais qu’en est-il de ses œuvres nées de son intérêt et de sa fascination pour les communautés autochtones ou de ses périples dans les régions boréales?
L’ouvrage baptisé Riopelle à la rencontre des territoires nordiques et des cultures autochtones anticipe en quelque sorte plusieurs aspects méconnus de la carrière du peintre à travers un demi-siècle de productions. Autant d’éléments que l’on retrouvera sans doute dans l’exposition éponyme qui se tiendra du 21 novembre 2020 au 21 mars 2021 au MBAM.
Les 288 pages du livre, dirigé par l’historienne de l’art, Andréanne Roy, et Jacques Des Rochers, conservateur de l’art québécois et canadien, dévoilent ici des pans ignorés ou peu défrichés de la carrière du peintre et sculpteur, lui-même marqué par de fortes influences artistiques et intellectuelles de tout bord.
Décennie nordique
Riopelle aimait parfois qualifier son travail en citant l’écrivain français Raymond Radiguet : « Il y a une couleur qui se promène et des gens cachés dans cette couleur… ». En privilégiant une approche interdisciplinaire, entre histoire de l’art et anthropologie, l’ouvrage révèle des visages à l’imaginaire riopellien, en particulier dans les années 1950 et 1970.
Au fil des pages, on apprend également que la nordicité et l’autochtonie chez Riopelle se déploient de plusieurs manières. Il y a l’homme proche de la nature qui se rendra plusieurs fois dans le Grand Nord canadien, aussi bien dans l’Ouest du pays qu’au Nunavut et au Nunavik. De ces voyages, une véritable « décennie nordique » verra le jour avec les séries des Jeux de ficelles (1971-972), des Rois de Thulé (1973) et des Icebergs (1977).
Il y a également l’homme de culture, fasciné par l’apport matériel et topographique des Autochtones. En témoignent, ses nombreux emprunts aux arts et aux cultures des Premières Nations et des Inuits offrent aujourd’hui un riche corpus.
À ce titre, les chapitres du livre profitent de l’apport précieux de plusieurs collaborateurs autochtones, notamment du sociologue de l’art et artiste wendat, Guy Sioui, qui propose une réflexion inédite sur la proximité entre Riopelle et les Premières Nations du Québec.
De son côté, l’anthropologue inuit, Krista Ulujuk Zawadski, s’est penché sur la série d’acrylique sur papier des Jeux de ficelles, inspirée par la tradition inuit d’ajaraaq. En plus de rappeler l’importance de la pratique au sein du monde inuit, l’auteure souligne les rapports entre l’œuvre de Riopelle et Les jeux de ficelle des Arviligjuarmiut (1969) qui a servi de point de départ à l’artiste.
Cet ouvrage richement illustré est non seulement destiné aux admirateurs du peintre et amoureux de l’art, mais aussi à tous celles et ceux qui portent un intérêt sur l’héritage des Autochtones dans notre histoire artistique. C’est également un magnifique retour sur le parcours foisonnant de ce génie créatif très tôt exilé en France, mais qui passa ses dernières années chez lui sur ses terres avant de s’éteindre à l’âge de 78 ans dans sa maison de L’Isle-aux-Grues.
Le livre Riopelle à la rencontre des territoires nordiques et des cultures autochtones est publié par les Éditions scientifiques du MBAM, en collaboration avec 5 Continents Éditions, à Milan.