Le fleuve Yukon dans le Grand Nord canadien regorge de saumons même en hiver
L’épopée migratoire du saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha) qui revient frayer dans les rivières yukonnaises l’été retient souvent l’attention, pourtant, les eaux des cours d’eau du territoire regorgent de ce poisson à l’année longue, y compris l’hiver.
C’est d’ailleurs en hiver qu’il y a le plus grand nombre de ces saumons au Yukon, selon le biologiste de Whitehorse Oliver Barker. Ils sont toutefois cachés sous la glace et bien plus petits que les gros géants rouges qui attirent les curieux.
« Je crois bien que leur habitat privilégié l’hiver est l’eau à l’état liquide », note le scientifique de Pêches et Océans Canada. « L’idée pour eux est de rester sur place et de survivre jusqu’au printemps. »
Un séjour de plus d’une année en eaux fraîches
Les saumons quinnat du fleuve Yukon passent environ un an et demi en eau fraîche avant d’entreprendre leur périple vers l’océan. C’est beaucoup plus longtemps que leurs homologues du sud. Alors que certains saumoneaux du sud partent pour la grande mer dès leur premier été, ceux du fleuve Yukon y passent deux hivers.
Les alevins qui émergent des oeufs au début de l’hiver se cachent sous le gravier en attendant l’été. Le nombre d’alevins qui naissent chaque année est incertain, mais un saumon femelle peut pondre de 5000 à 10 000 oeufs.
Quand l’été arrive enfin, ces alevins sortent de leur cachette. Ils mangent, évitent les prédateurs et grossissent. Ils voyagent parfois dans les cours d’eau du Yukon sur des centaines de kilomètres pour trouver des endroits propices à leur croissance.
Quand le dégel arrive après leur deuxième hiver, les survivants ont à peine une dizaine de centimètres, mais ils sont prêts pour leur périple de plus de 3000 kilomètres pour rejoindre la mer de Béring. Comme les adultes qui reviennent, c’est un peu la frénésie lors du voyage, mais les petits ont l’avantage de nager avec le courant et de manger en route.
La migration bat son plein à la mi-juin et les saumoneaux arrivent en mer de Béring vers la mi-juillet. Ils y passeront plusieurs années avant de revenir frayer.
Les opportunistes de l’évolution
Certains des saumons quinnat mâles passent toutefois toute leur vie en eau fraîche. Ce sont des opportunistes, explique Oliver Barker. Ils restent de la taille d’une main et ne peuvent donc pas attirer les femelles. Ils attendent donc qu’une d’entre elles soit charmée par un plus grand mâle et se faufilent sous elle quand elle pond ses oeufs pour les féconder en catimini.
Cette drôle de situation est une sorte de pari évolutionnaire. Les poissons qui ne font pas le grand voyage restent petits et ont moins de laitance, mais ils ont plus de chance de ne pas mourir avant de se reproduire, explique le biologiste.
Le début du cycle de vie des saumons quinnat du fleuve Fraser est toutefois difficile à étudier, selon Oliver Barker. « L’accès au cours d’eau est limité l’hiver, et il est également difficile de manipuler ces petits poissons à cette époque de l’année », dit-il. « Vous sortez un petit poisson de l’eau froide alors que l’air est glacial, c’est donc compliqué à faire sans que ceux-ci gèlent », ajoute-t-il.
Avec les informations de Jackie Hong