Dans le Grand Nord canadien, les Yukonnais iront aux urnes lundi en pleine pandémie

Les chefs des trois principaux partis du Yukon : Sandy Silver du Parti libéral à gauche, Kate White, du Nouveau Parti démocratique, au milieu, et Currie Dixon, du Parti du Yukon, à droite. (Claudiane Samson/Radio-Canada)
Les électeurs du Yukon sont appelés aux urnes lundi. Ils pourront réélire le gouvernement libéral de Sandy Silver ou choisir entre les conservateurs du Parti du Yukon et les néo-démocrates. Bilan d’une campagne sur fond de pandémie.

Claude Vallier ne mâche pas ses mots. Ce Français qui habite Whitehorse trouve que le gouvernement n’aurait pas dû déclencher des élections en pleine pandémie.

« Je ne pense pas que ce soit très opportun. À mon avis, il y a d’autres priorités actuellement qu’une campagne électorale », lance-t-il.

Même si, comme lui, certains résidents du Yukon reprochent au gouvernement libéral le moment du déclenchement des élections, le premier ministre sortant, Sandy Silver, a voulu miser sur sa gestion de la pandémie pour demander un deuxième mandat aux électeurs.

Le chef du Parti libéral Sandy Silver demande un deuxième mandat aux électeurs du Yukon. (Alistair Maitland/Gouvernement du Yukon)
« Je pense que les Yukonnais vont regarder les promesses faites au cours de la campagne, mais aussi le travail que nous avons accompli ces quatre dernières années. D’après moi, ce n’est pas le temps pour un changement, il faut de la constance pour la relance de l’économie. »Sandy Silver, ministre sortant

Le libéral Sandy Silver a comme premier adversaire Currie Dixon, le chef du Parti du Yukon. Celui-ci a axé sa campagne sur la relance post-pandémique, ses liens avec la communauté des affaires et la création d’une allocation familiale.

À 35 ans, le chef du Parti du Yukon, Currie Dixon, a été ministre entre 2011 et 2016. (Philippe Morin/Radio-Canada)

Sandy Silver fait également face à Kate White du Nouveau Parti démocratique (NPD). Cette dernière tente d’attirer les électeurs avec des promesses en santé et pour pallier la crise du logement.

« Je me sens super bien. La campagne a bien roulé, il y a eu beaucoup de choses excitantes et les candidats travaillent très fort et cognent à plein de portes. On va travailler jusqu’à lundi soir », lance Kate White.

« Il y a eu des changements à cause de la pandémie, mais les campagnes, ce sont toujours des occasions privilégiées de cogner aux portes, de parler aux gens de leurs préoccupations », ajoute-t-elle.

La chef du Nouveau Parti démocratique du Yukon, Kate White dépose son bulletin de vote. (Nouveau parti démocratique du Yukon)

Currie Dixon aussi est satisfait des dernières semaines. « Je suis content, ç’a été une campagne fatigante, mais amusante! J’ai pu parler avec les Yukonnais et leur présenter notre plan pour les quatre prochaines années. »

« Je pense que la course est serrée et ce sera aux Yukonnais de faire leur choix », ajoute le chef du Parti du Yukon.

Une économie qui croît pendant la pandémie

Au Yukon, plus de 70 % des gens ont reçu une première dose du vaccin contre la COVID-19 et l’économie se porte bien. Les mines, dont dépend beaucoup l’économie du territoire, ont été peu touchées par la pandémie, contrairement aux camps de travailleurs pétroliers.

L’économiste yukonnais Keith Halliday note que le territoire est un des seuls endroits en Amérique du Nord où l’économie a connu une croissance cette année.

L’économiste Keith Halliday estime que le Yukon a bien traversé la pandémie. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

« La bulle du Yukon […] a réussi à protéger la santé des Yukonnais. Le secteur du tourisme a été touché, mais les mines et les emplois gouvernementaux ont continué », explique-t-il.

« Au Yukon, la part de la population employée par le gouvernement est plus du double de la moyenne nationale. Pendant la pandémie, ces emplois n’ont pas disparu comme ç’a été le cas dans le secteur privé, donc ça nous a protégés. »

« Ceci étant dit, pour le secteur touristique, comme il faut deux semaines de quarantaine pour venir au Yukon, ç’a été une catastrophe. Il n’y a presque pas de touristes dont ç’a été brutal », ajoute Keith Halliday.

Une réalité que connaît trop bien Jesse Cook, dont l’entreprise Klondike Tours offre des circuits d’autobus. Il est sans passagers depuis des mois et s’impatiente de savoir de quoi l’avenir sera fait.

« Il y a tellement d’incertitude encore… Je ne sais pas quoi faire exactement. J’ai les bus, mais je n’ai pas de passagers! »Jesse Cook, propriétaire, Klondike Tours
Le tourisme a souffert de la pandémie au Yukon. (Beyond Expeditions)

Même si l’industrie a pu compter sur des aides territoriales et fédérales, Jesse Cook s’impatiente de savoir ce que les trois partis proposent de faire pour rouvrir les frontières du territoire. Idem pour le président de la Chambre de commerce du Yukon, Patrick Rouble, qui juge qu’il faut permettre aux entrepreneurs de planifier les prochains mois. « L’incertitude est un de ces mots que les entrepreneurs détestent entendre », dit-il.

Un mouvement que soutient le Parti du Yukon qui souhaite établir un plan plus clair et chiffré pour le relâchement des mesures sanitaires, alors que les libéraux et les néo-démocrates prônent une approche prudente.

Les libéraux reproduiront-ils leur victoire de 2016?

En 2016, les libéraux avaient réussi à décrocher un gouvernement majoritaire et à détrôner le Parti du Yukon, affilié aux conservateurs et au pouvoir depuis 2002. Un vent de changement attribuable principalement à une très forte mobilisation contre l’ouverture de terres pour des développements miniers et gaziers dans le bassin de la rivière Peel, un dossier qui s’est rendu jusqu’en Cour suprême.

Si la pandémie marque forcément les élections de 2021, cette fois-ci, il n’y a pas un sujet central qui rallie les débats et divise la population comme ce fut le cas en 2016.

La campagne a été dans l’ensemble courtoise et largement dominée par une variété de discussions et de promesses pour mieux gérer la crise du logement, la santé, l’éducation, l’environnement et à la conciliation avec les communautés autochtones dans le développement du territoire.

La difficulté de se loger

C’est à Whitehorse, la capitale du Yukon, que se trouve la majorité de l’électorat. Au total, 11 des 19 circonscriptions du territoire y sont. C’est aussi dans la capitale, où habite environ 80 % de la population du territoire, que les problèmes de logement sont les plus criants.

« Le logement, c’est le problème dont les gens me parlaient en 2011 quand le Parti du Yukon a été élu. C’est le même problème dont les gens me parlaient en 2016 quand les libéraux ont été élus. Et deviner quoi : c’est encore le problème dont les gens me parlent cette fois-ci », a déclaré Kate White, la chef néo-démocrate lors du débat des chefs.

Les chantiers de construction résidentielle se multiplient à Whitehorse, mais les besoins en logements demeurent pressants. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Depuis 2016, le prix moyen d’une maison unifamiliale à Whitehorse a augmenté de 34 %, et celui des loyers de 15,5 %.

Le refuge pour femmes violentées de Whitehorse estime que le logement est le problème le plus criant de cette campagne, surtout que les besoins ont augmenté avec la pandémie.

« L’aspect très important pour nous, c’est l’accès au logement. Il n’y a pas de logements disponibles, autant des logements sociaux que des logements abordables. Les femmes viennent chez nous pendant un mois ou deux, mais ensuite elles n’ont pas d’endroits où aller. Donc, ça les confronte au choix de retourner à la maison avec la personne violente parce qu’il n’y a pas de logements », explique Ketsia Houde-McLennan, la directrice générale du refuge.

Ketsia Houde-McLennan, la directrice du refuge pour femmes violentées de Whitehorse veut que le prochain gouvernement priorise le logement. (Claudiane Samson/Radio-Canada)

Les différents partis proposent tous des stratégies pour répondre à la demande croissante pour des logements abordables et misent principalement sur l’augmentation du nombre de terrains où construire.

Le NPD  propose d’arrimer les augmentations de prix de loyer à l’inflation et de construire 250 unités locatives. Les libéraux prévoient de développer 1000 nouveaux lotissements au cours des cinq prochaines années et de réaménager un grand terrain industriel à des fins de construction résidentielle et le Parti du Yukon promet l’ajout de nouveaux terrains pour la construction.

Santé et services sociaux

Une autre question clé de cette élection est l’accès aux services sociaux et en santé.

Les intervenants souhaitent une meilleure collaboration entre les administrateurs des soins de santé et ceux des services sociaux et plus de services en santé mentale et en traitement de la toxicomanie et de télémédecine.

L’Hôpital général de Whitehorse est le principal établissement de santé au Yukon. (Radio-Canada)

Tous les partis promettent une augmentation de l’offre de services en santé. Les libéraux et les néo-démocrates se sont engagés à offrir de l’approvisionnement sûr en drogues pour diminuer les surdoses, alors que le Parti du Yukon mise surtout sur une augmentation des places de traitement des problèmes de dépendance.

La directrice de la Coalition anti-pauvreté espère que les promesses seront suivies d’actions concrètes.

« Je pense que la vérité est que si nous voulons faire en sorte que les personnes les plus marginalisées et pauvres s’en sortent, il faut en faire plus », dit Kristina Craig, qui aimerait notamment une hausse du salaire minimum trop bas selon elle pour combattre l’insécurité alimentaire.

Le résident de Whitehorse David Gendron pense que la soirée électorale risque d’être longue.

« La majorité des gens à qui je parle souhaitent un gouvernement minoritaire, alors je ne sais pas ce que ça va donner, mais on verra! », dit-il.

Avec les informations de Claudiane Samson

Radio-Canada

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