Enseigner au Nunavik, c’est la classe

Pour pallier le manque d’enseignants dans les communautés éloignées, deux amis ont conçu des vidéos humoristiques sur le plaisir insoupçonné d’y vivre.
Marc Vachon a encore le cœur gros d’avoir quitté Ivujivik, il y a tout juste trois semaines. Mais avant de partir, l’enseignant fraîchement retraité a conçu des vidéos humoristiques avec Thomassie Mangiok pour inciter ses collègues « du Sud » à venir travailler au Nunavik. Comme une bouteille à la mer lancée sur les réseaux sociaux… à destination des plus motivés, prévient-il.
Première image : un homme crapahute sur des rochers au bord de l’eau, belle luminosité, beaux paysages lunaires – peut-être un jogging matinal, se dit-on – jusque-là, tout va bien.
Puis, la caméra se rapproche du coureur, dévoile une chemise ensanglantée, suggère un ours dans les parages. Durant votre première année, souvenez-vous que vous n’êtes pas seuls
, prévient en inuktitut une voix hors champ qui indique le numéro d’urgence à contacter. Ambiance.
Avance rapide… les années passent, l’étranger se voit de plus en plus récompensé pour sa persévérance, la valeur du cadeau étant judicieusement proportionnelle à son ancienneté. Quid après 30 années de bons et loyaux services? C’est un garde du corps personnel, armé contre les ours, qu’on propose au valeureux enseignant!
« On jasait entre amis, un soir, et on se demandait que faire pour que les enseignants restent plus longtemps sur place, c’est-à-dire plus qu’un ou deux ans », raconte M. Vachon. « Car le temps, c’est important pour que la confiance s’établisse avec les élèves. »
Les propositions qui fusent ce soir-là restent humoristiques, se souvient M. Vachon, des suggestions alignées sur l’esprit inuit qu’il a tant aimé côtoyer. Finalement, c’est aussi la bonne distance à adopter pour évoquer Ivujivik, le village le plus septentrional du Québec, situé à quelque 2000 km de Montréal.
Côté carte postale, le Montréalais insiste sur des « paysages à couper le souffle, paradisiaques ». Habiter « dans le Nord », selon son expression, c’est prendre le temps de vivre à un autre rythme, « tellement plus lent » précise-t-il avec délice. « 87 pas de chez moi à la salle de classe, on est loin de la Métropolitaine à prendre chaque jour à Montréal pour aller enseigner au cégep! »

La réalité des communautés nordiques très isolées apporte toutefois son lot de défis quotidiens, sur lesquels mieux vaut bien s’informer avant de se lancer dans l’aventure, suggère le jeune retraité. « Quand on habite au Nunavik, certaines choses comme Internet, la sécurité, l’eau deviennent centrales », explique-t-il. « Y vivre, c’est aussi suivre les passages du camion chargé de l’eau potable et des eaux usées. »
Ou encore s’organiser pour le transport et l’approvisionnement, ce qui est loin d’être une mince affaire, comme le met en scène la deuxième vidéo qu’il a conçue et réalisée avec son complice Thomassie Mangiok, le directeur du centre Nuvviti d’Ivujivik.
« Faut s’adapter! » résume, philosophe, M. Vachon, en confiant qu’il a eu tout le loisir d’y développer autant la patience que le sens de l’adaptation, mais qu’il faudra encore quelque temps pour dompter la nostalgie qui le tiraille depuis son départ du Nunavik.