De l’espace, des lasers cartographient avec précision les lacs de fonte en Antarctique

Un iceberg flotte près de l’île de Danco, en Antarctique. (Alexandre Meneghini/Reuters)
Vue du ciel, la calotte glaciaire de l’Antarctique peut ressembler à une couverture de glace calme et éternelle qui recouvre le territoire depuis des millions d’années. Mais sous la couche de glace, à des milliers de mètres de profondeur, on retrouve des centaines de lacs d’eau de fonte.

Sous la surface, certains de ces lacs se remplissent et se vident continuellement à travers un système de voies d’eau qui se jettent finalement dans l’océan. Avec l’un des lasers d’observation de la Terre envoyés dans l’espace, des scientifiques de la NASA ont réussi à élaborer une carte de ces systèmes lacustres cachés sous la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental.

Dans une récente étude publiée dans le Geophysical Research Letters, la NASA fournit des informations pour repérer de nouveaux lacs sous-glaciaires depuis l’espace, ainsi que pour évaluer comment ce système caché influence la vitesse à laquelle la glace glisse dans l’océan austral, ajoutant de l’eau douce qui peut modifier sa circulation et ses écosystèmes.

Les systèmes hydrologiques sous la calotte glaciaire de l’Antarctique sont restés un mystère pendant des décennies. Mais il y a 15 ans, les travaux de la pionnière Helen Amanda Fricker, glaciologue à l’Université de Californie à San Diego, ont fait une percée qui a permis de mettre à jour la compréhension classique des lacs sous-glaciaires en Antarctique.

Grâce à des données recueillies lors d’une première mission réalisée en 2017, Mme Fricker a découvert pour la première fois que, sous les courants de glace rapides de l’Antarctique, un réseau entier de lacs est relié les uns aux autres, se remplissant et se vidant au fil du temps. Auparavant, on pensait que ces lacs retenaient l’eau de fonte de manière statique, sans se remplir ni se vider.

« Il s’agit de processus qui se déroulent sous l’Antarctique et dont nous n’aurions pas la moindre idée si nous ne disposions pas de données satellitaires », a déclaré Mme Fricker, précisant comment sa découverte de 2007 a permis aux glaciologues de confirmer que le système caché de l’Antarctique transporte l’eau beaucoup plus rapidement qu’on ne le pensait auparavant.

L’eau de fonte s’étend sur une zone d’environ 140 kilomètres sur la plateforme glaciaire George VI en Antarctique. (Lauren Dauphin/NASA Earth Observatory)
D’une précision inégalée

Pour Matthew Siegfried, auteur principal de l’étude et professeur adjoint de géophysique à l’école des mines du Colorado, la découverte de ces systèmes interconnectés de lacs, avec tous ces impacts sur la glaciologie, la microbiologie et l’océanographie, a été « une grande découverte ».

« Les données sont d’une telle précision que nous pouvons vraiment commencer à cartographier les limites des lacs à la surface. »Matthew Siegfried, auteur principal de l’étude

Les scientifiques ont émis l’hypothèse que l’échange d’eau sous-glaciaire en Antarctique résulte d’une combinaison de facteurs, notamment les fluctuations de la pression exercée par le poids massif de la glace et la chaleur remontant de la Terre. C’est un contraste frappant avec la calotte glaciaire du Groenland, où les lacs se remplissent d’eau de fonte.

En plus de fournir des données essentielles pour la recherche, l’étude a également révélé que les contours ou les limites des lacs peuvent changer progressivement à mesure que l’eau entre et sort des réservoirs. « Nous sommes vraiment en train de cartographier toutes les anomalies de hauteur qui existent à ce stade. S’il y a des lacs qui se remplissent et se vident, nous les détecterons », a indiqué Matthew Siegfried.

Des mesures précises de l’eau de fonte sont cruciales si les scientifiques veulent mieux comprendre le système sous-glaciaire de l’Antarctique, et comment toute cette eau douce pouvait modifier la vitesse de la couche de glace située au-dessus ou la circulation de l’océan dans lequel elle se déverse.

Énorme couche de glace en forme de dôme couvrant la majeure partie du continent, la calotte glaciaire de l’Antarctique s’écoule lentement vers l’extérieur de la région centrale du continent, comme « du sirop très épais ».

On apprend dans l’étude que lorsque la glace s’approche de la côte, sa vitesse change, se transformant en courants de glace semblables à des rivières qui acheminent rapidement la glace vers l’océan à des vitesses pouvant atteindre plusieurs mètres par jour. La rapidité ou la lenteur du mouvement de la glace dépend en partie de la façon dont l’eau de fonte se déplace.

Au fur et à mesure que la couche de glace se déplace, elle subit des fissures, des crevasses et d’autres imperfections, ajoutent les chercheurs. Lorsque les lacs sous la glace gagnent ou perdent de l’eau, ils déforment également la surface gelée.

Les scientifiques sont d’avis que suivre ces processus complexes par des missions satellitaires à long terme fournira des informations cruciales sur le sort de la calotte glaciaire. Une grande partie de ce que les glaciologues ont découvert sur les inlandsis au cours des 20 dernières années provient de l’observation de la façon dont la glace polaire évolue en réponse au réchauffement de l’atmosphère et de l’océan.

« Ce n’est pas seulement de la calotte glaciaire dont nous parlons, mais d’un d’un système d’eau qui est connecté à l’ensemble du système terrestre », a conclu M. Siegfried.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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