Mammouths et chevaux anciens ont disparu du nord du continent plus tard qu’on le croit
Une nouvelle étude s’intéressant à l’ADN recueilli dans le pergélisol révèle que les mammouths et les chevaux anciens d’Amérique du Nord auraient disparu il y a 6000 ans, et non 13 000 ans, comme l’affirmaient des études s’intéressant à de l’ADN retrouvé dans des archives osseuses.
Une équipe de scientifiques de l’Université McMaster et de l’Université de l’Alberta, ainsi que le gouvernement du Yukon et le Musée américain d’histoire naturelle se sont intéressés à de l’ADN provenant d’échantillons de sol de la région du Klondike, au Yukon, pour étudier des milliers d’années d’histoire naturelle.
« Juste en récoltant de minuscules particules de terre – dans ce cas, entre 0,5 et 1 gramme, ce qui représente très peu de sédiments –, nous pouvons reconstituer l’ensemble de l’écosystème avec une variété d’animaux qui existaient dans la région », assure Tyler Murchie, chercheur au postdoctorat à l’Université McMaster et auteur principal de l’étude.
L’équipe s’est particulièrement intéressée à la transition entre le pléistocène et l’holocène, une période instable d’il y a environ 11 000 à 14 000 ans pendant laquelle de gros animaux comme les mammouths, les mastodontes et les chats à dents de sabre ont disparu.
L’étude, publiée dans la revue Nature Communications, conclut que les populations de mammouths et de chevaux nord-américains connaissaient un fort déclin avant cette période. En revanche, ils n’auraient pas disparu il y a 13 000 ans comme le disaient des archives osseuses étudiées dans le passé, puisque l’ADN montre qu’ils étaient encore présents il y a 6000 ans.
Cela signifie qu’au Yukon les mammouths auraient disparu durant l’époque géologique actuelle, l’holocène, qui a débuté il y a environ 11 000 ans. Au moment où ces derniers disparaissaient de la région, les civilisations humaines émergeaient autour du monde, et les premières villes se développaient.
Archives extraites du pergélisol
L’ADN se conserve bien dans le pergélisol, car c’est un environnement froid dans lequel il y a très peu de dommages causés par l’eau à l’état liquide, l’oxygène ou le soleil, explique M. Murchie. Grâce à une technologie de capture et d’enrichissement de l’ADN mise au point à l’Université McMaster, les scientifiques ont extrait l’ADN conservé dans le sol pour découvrir à quel moment les espèces sont apparues et ont disparu de la région.
Pendant la période étudiée, l’environnement du Yukon est passé des riches prairies, connues sous le nom de « steppes des mammouths », aux épaisses forêts boréales que l’on connaît aujourd’hui. Selon le chercheur, l’une des théories veut que la disparition des grands animaux de pâturage a porté un grand coup à la vie végétale.
« Selon une partie de cette théorie, une grande partie de l’hémisphère nord ressemblait à la savane africaine moderne. Quand beaucoup de grands animaux ont commencé à disparaître, ces types de réseaux écologiques ont commencé à se désagréger », explique-t-il.
M. Murchie pense qu’il pourrait s’agir d’une preuve précoce de l’impact de la vie humaine sur les écosystèmes. Les scientifiques n’arrivent toutefois pas à s’accorder s’il s’agit des êtres humains, du climat plus chaud, ou d’une combinaison des deux, qui sont la cause de l’extinction des gros animaux comme le mammouth.
Il pense que la reconstitution des écosystèmes anciens aiderait à répondre à cette question, ainsi qu’à d’autres débats qui font rage dans le monde scientifique « depuis au moins 270 ans ».
Ross MacPhee, qui travaille pour le Musée américain d’histoire naturelle et qui a coécrit l’étude, croit pour sa part que cette dernière donne une nouvelle preuve que les chevaux sont originaires de l’Amérique du Nord.
Ces recherches pourraient cependant être limitées dans le temps. Au fur et à mesure que la Terre se réchauffe, le pergélisol fond rapidement dans l’Arctique. C’est pourquoi la collecte d’échantillons d’ADN qui peuvent révéler les secrets de l’histoire naturelle terrestre doit être faite rapidement.
« Si nous ne récupérons pas les échantillons, et qu’ils fondent et se dégradent, alors nous allons perdre toute cette histoire de la vie qui a été préservée tout ce temps. »
Avec des informations de Sebastian Leck