Changement climatique : des maladies du Sud pourraient-elles surgir dans l’Arctique?

Avec le réchauffement de la planète et la modification des écosystèmes, une scientifique de la Saskatchewan a observé que les animaux de l’Arctique sont de plus en plus exposés à des pathogènes qui pourraient, à l’avenir, venir du Sud.
Kayla Buhler, doctorante à l’école vétérinaire de l’Université de la Saskatchewan, dit que les renards arctiques qu’elle étudie peuvent révéler beaucoup de choses sur les maladies qui se trouvent dans le nord du pays.
Si elle s’intéresse à l’évolution des maladies dans cette zone, c’est parce qu’avec un réchauffement en moyenne trois fois plus rapide qu’ailleurs sur Terre, et davantage de pluie, les insectes qui peuplent le nord deviennent plus nombreux et présentent le potentiel de transmettre plus de maladies aux animaux et aux êtres humains.

Kayla Buhler étudie notamment à quelles maladies les renards arctiques ont été exposés et comment celles-ci sont répandues dans les écosystèmes. Elle s’intéresse aux maladies qui se transmettent directement des animaux aux humains et à celles qui utilisent un hôte, comme un moustique, pour infecter une personne.
Ours polaires infectés
Par le passé, Kayla Buhler a travaillé sur la prévalence de la bactérie qui cause la tularémie chez les ours polaires, une maladie transmissible à l’humain, notamment par des tiques infectées. Avec ses collègues, ils ont observé que dans les années où il y a moins de glace de mer, les ours sont plus exposés à la bactérie.
« Quand il y a moins de glace de mer, les ours doivent passer plus de temps sur la terre, et alors, ils sont probablement plus exposés à des piqûres d’insectes. »
En plus de ça, sur terre, ces gros mammifères sont aussi plus exposés à de l’eau et des rongeurs, dans lesquels on peut retrouver la bactérie.

Même si la plupart des pathogènes sur lesquels travaille actuellement Mme Buhler ne causent pas de maladies graves, elle précise que la tularémie, si elle atteint un être humain, peut causer des symptômes comme l’ulcère cutané, de la fièvre, des problèmes intestinaux et la bactériémie, c’est-à-dire la présence de la bactérie dans le système sanguin, pour laquelle des antibiotiques existent.
Aujourd’hui, il est facile de se protéger contre ces pathogènes. Mme Buhler conseille aux populations locales, dont la subsistance dépend en grande partie d’animaux sauvages, de s’enduire d’insectifuge et de porter des habits qui protègent tout le corps, ainsi que des gants, notamment pendant la chasse à l’ours.
Manque de données
Susan Kutz, une professeure du Département de Santé publique de l’Université de Calgary, s’est aussi intéressée à certains parasites que l’on retrouve dans l’Arctique et comment ils réagissent aux changements climatiques.
La chercheuse a notamment observé que les températures plus chaudes permettent aux vers pulmonaires que l’on retrouve chez les bœufs musqués de devenir beaucoup plus efficaces et d’étendre leur aire de répartition. En revanche, chez les caribous, les vers qui peuvent envahir leur estomac n’aiment pas du tout la chaleur.

Même si Susan Kutz reconnaît que les changements climatiques sont susceptibles d’augmenter certains agents pathogènes, elle recommande d’adopter une attitude prudente sur le développement des maladies dans l’Arctique.
Elle estime qu’il faut davantage de recherches, sur d’autres espèces comme les lapins arctiques et les lemmings, pour constater l’évolution des pathogènes en fonction du réchauffement climatique. « Si vous n’avez pas une image complète de ce qui existe, il est difficile de savoir si les choses changent ou si de nouveaux pathogènes apparaissent. »
Les oiseaux comme vecteurs
Pour en apprendre davantage sur l’état des maladies présentes dans l’Arctique, Kayla Buhler souhaite maintenant étudier les conséquences de la migration des oiseaux sur la présence des maladies dans la zone, puisqu’avec le réchauffement climatique, la végétation devient de plus en plus favorable pour certaines populations, comme les bernaches.
« Le problème, avec les oiseaux, c’est qu’ils sont comme des véhicules qui apportent des choses venues du Sud vers le Nord. »
L’idée est d’utiliser les renards arctiques comme « sentinelles » en examinant leurs tanières et leurs renardeaux.
« Nous étudierons les maladies présentes dans ces tanières, puis nous déterminerons la diversité des oiseaux autour de chacune de celles-ci pour voir si elle a un impact sur les maladies transmises aux renards. »

La scientifique et ses collègues partagent leurs données, recueillies en grande partie avec l’aide des populations locales, avec les autorités de santé et les gouvernements du nord du pays, qui, dit-elle, les prennent très au sérieux.
Susan Kutz croit que toutes les données récoltées doivent permettre d’anticiper la marche à suivre.
« Nous devons être très conscients et très proactifs dans la compréhension des menaces actuelles et futures, et trouver des moyens d’agir, de répondre en temps opportun et d’être créatifs sur la façon dont nous pouvons répondre. »
Avec des informations de Paul Tukker