Dans le Grand Nord canadien, la pêche au saumon sur le fleuve Yukon encore une fois interdite
La pêche au saumon quinnat et au saumon kéta sera de nouveau interdite sur le fleuve Yukon cette année. Le territoire n’a pas connu de pêche commerciale au saumon quinnat depuis 2006 ni de pêche récréative pour la même espèce depuis 2011.
Et si le saumon kéta a réussi à se frayer un chemin jusqu’en 2019, les autorités fédérales de Pêches et Océans Canada affirment que c’est chose du passé. Le directeur régional, Steve Gotch, explique que la tendance à la baisse des montaisons de saumons kéta ces 10 dernières années est particulièrement inquiétante.
« Le public a peut-être vu des saumons kéta à vendre à Dawson ou à Whitehorse ces dernières années. Cependant, ces deux dernières années ont été très difficiles pour le saumon kéta sur le fleuve Yukon. Nous n’avons vu qu’environ 20 % des montaisons ces deux dernières années. Donc, pour la saison 2022, nous pouvons nous attendre à ce que toute pêche commerciale soit fermée sur l’ensemble du bassin versant du fleuve Yukon. »
La baisse du nombre de saumons kéta s’ajoute à la crise qui touche le saumon quinnat depuis une vingtaine d’années, souligne le directeur. « Nous avions l’habitude d’enregistrer des montaisons de plus de 100 000 saumons [quinnats] dans le bassin versant du fleuve Yukon. Plus récemment, ce nombre est de moins de la moitié et donc, les nombres sont en baisse. »
Des causes multiples
Les prises accidentelles, la prédation et le réchauffement du détroit de Béring ont déjà été considérés comme des explications à la baisse des stocks. Steve Gotch ajoute qu’une cause s’imbrique dans l’autre.
« Nous avons observé dans le détroit de Béring ces 10 dernières années des hausses anormales de températures. À mesure que le détroit se réchauffe, différentes espèces de poissons, des petits comme des prédateurs, sont apparues et font compétition aux saumons pour de la nourriture », explique Steve Gotch.
Sebastian Jones, de Dawson, est l’un des seuls à détenir un permis de pêche commerciale qu’il ne peut plus utiliser depuis longtemps. L’environnementaliste, qui siège au conseil de gestion de la pêche et de la faune (Yukon Fish and Wildlife Management Board), affirme que la question est à l’avant-plan de leurs discussions.
« C’est une préoccupation pour tous les humains, je crois, parce que ça indique combien nous avons vraiment bouleversé l’écosystème et le plus gros océan sur la planète. » Il montre du doigt la surpêche et la présence du microplastique dans les eaux comme une possible source d’impact sur les stocks de saumons.
Un retour possible
Sebastian Jones garde espoir que le saumon sera, un jour, de retour dans les eaux du fleuve. « Il faut être optimiste pour être pêcheur », mais il ajoute du même souffle qu’il ne sera probablement plus là pour en être témoin.
Steve Gotch est du même avis. « Les saumons existent depuis des centaines de milliers d’années et sont passés par des périodes d’abondance très basses et très hautes. Il est possible pour des populations de revenir, mais en tant qu’humains, il nous faut faire ce que l’on peut pour laisser le saumon tranquille et lui permettre de frayer et reconstruire leur population. »
Avec les informations de Matt Meuse