Les glaciers andins et les calottes polaires seraient au diapason depuis des millénaires

Le glacier Pastoturi, au Pérou (iStock)
Les zones glaciaires des tropiques ont connu des expansions et des contractions synchronisées avec celles des glaces aux pôles, probablement en raison des variations de concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, selon une recherche américaine.

Les travaux, menés par Donald T. Rodbell, professeur à l’Union College, dans l’État de New York, viennent appuyer l’hypothèse selon laquelle ce sont les variations de concentrations de méthane et de CO2 dans l’atmosphère, liées à la croissance et à la décroissance des glaces dans l’hémisphère Nord, qui sont un grand moteur des changements climatiques.

Des indices au fond d’un lac andin

Les chercheurs ont analysé des carottes de sédiments, récoltées sur une profondeur de 100 mètres au fond du lac Junin, dans les Andes péruviennes.

Il y a des milliers d’années, les Andes étaient recouvertes par une épaisse couche de glace. Au fil des millénaires, les eaux de fonte des glaciers ont laissé au fond du lac Junin des couches de dépôts de carbonate de calcium. Lorsque les glaciers étaient en période d’expansion, en raison d’un refroidissement, ils laissaient aussi des signatures dans les roches, ce que les chercheurs peuvent analyser aujourd’hui pour reconstituer dans le temps la succession des périodes glaciaires et interglaciaires.

Ainsi, l’équipe de Donald Rodbell a pu recréer le fil des événements qui ont régi les glaciers andins durant les 700 000 dernières années, une fenêtre qui n’avait pas été explorée jusqu’à maintenant, précise-t-elle.

Les chercheurs à pied d’oeuvre au lac Junin, au Pérou (Université de la Floride)

Les scientifiques ont ensuite comparé cette ligne du temps aux séries temporelles déjà établies grâce à des carottes de glace prélevées dans l’Arctique (hémisphère Nord) et en Antarctique (hémisphère Sud) ainsi qu’au fond des océans, ce qui permet de dater les périodes glaciaires et interglaciaires pour ces régions du globe.

« Dans l’ensemble, il y a une similitude remarquable entre le moment des périodes glaciaires dans les Andes tropicales et le volume de glace global, principalement déterminé par ce qu’on retrouve dans l’hémisphère Nord. C’est donc vraiment la première fois que nous pouvons dire que les variations climatiques sont synchronisées depuis plus de 700 000 ans », affirme M. Rodbell en entrevue dans un balado de Nature.

L’hypothèse du rôle des GES renforcée

Jusqu’ici, différentes hypothèses étaient avancées pour expliquer les grandes périodes glaciaires et interglaciaires dans le monde.

Une hypothèse prévalente veut que ce soit les changements du cycle orbital de la Terre au fil des millénaires qui déterminent l’expansion et le retrait successifs des glaces. On sait que l’orbite de la Terre autour du Soleil et son axe de rotation varient sensiblement selon des cycles de 26 000 à 100 000 ans (comme l’explique la NASA, en anglais).

Étant donné que ces cycles produisent des modèles de rayonnement solaire qui changent selon la latitude, les modifications orbitales provoqueraient des périodes glaciaires qui ne seraient pas synchronisées dans le monde, affirme l’équipe de Donald Rodbell.

« [Alors, nos travaux] appuient l’hypothèse que ce sont les variations de gaz à effet de serre dans l’hémisphère Nord qui ont entraîné les autres régions du globe au même rythme. C’est le seul mécanisme qui peut relier ce qui se passe sur toute la planète de façon aussi précise », affirme le chercheur.

En effet, les carottes de glace des régions polaires des deux hémisphères ont montré que les gaz à effet de serre étaient apparemment étroitement liés à l’expansion et à la contraction des grandes calottes glaciaires de l’hémisphère Nord, rappellent les chercheurs.

« 80 % du changement global de volume de glace au cours des cycles glaciaires-interglaciaires se sont produits aux latitudes moyennes à élevées de l’hémisphère Nord », notent-ils dans leur étude.

« Malgré les variations du rayonnement solaire entre les deux hémisphères, l’étude a montré que des changements glaciaires dans les deux régions se sont produits en même temps. Cela suggère que l’augmentation des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre associée aux changements de volume des calottes glaciaires du nord influe simultanément sur l’ensemble de la planète », concluent les chercheurs.

Donald Rodbell souligne qu’il n’a fallu qu’une faible variation naturelle de GES pour provoquer de grands épisodes de réchauffement ou de glaciation. « Les émissions de GES issues des activités humaines sont élevées en comparaison, alors c’est un appel aux décideurs politiques » pour agir et couper les émissions afin de limiter le réchauffement anthropique, dit-il en entrevue à Nature.

Les travaux sont parus dans la revue Nature.

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