Privilégiés et conscients, les « qallunaat » s’investissent dans la guérison inuit au Nunavut

À Iqaluit, de nombreuses personnes sont venues assister à la visite du pape François. (Evan Mitsui/CBC)
La présence du pape François à Iqaluit a rassemblé, devant l’école Nakasuk, des résidents de toutes origines, Inuit comme qallunaat (non-Inuit). Dans cette communauté d’abord inuit, la guérison et la réconciliation ont un impact sur tout le monde.

Laura Thompson habite Iqaluit depuis de nombreuses années. La Franco-Nunavoise se sent privilégiée d’avoir été l’une des quelque 20 bénévoles qui ont travaillé à la visite papale, offrant du même coup un soutien aux survivants inuit qu’elle côtoie au quotidien.

Laura Thompson (au centre) et ses deux enfants, Béatrice et Kaniq. (Laura Thompson)

Je vis beaucoup d’émotions, cette semaine, comme qallunaat, comme francophone, comme être humain. C’est une semaine particulièrement intéressante, difficile.Laura Thompson, franco-nunavoise

« C’est une semaine, où comme bénévole, je peux venir en aide, être à l’écoute des gens qui comptent », note-t-elle.

Le Franco-Africain Jonas Azonaha, membre actif de la communauté catholique d’Iqaluit, se sent aussi privilégié d’avoir pu assister à la visite du pape François aux côtés de ses voisins inuit.

« [Cette visite] est fondamentale. Nous vivons dans cette communauté, une communauté à laquelle j’appartiens, non seulement la communauté catholique, mais je pense que j’appartiens à la communauté du Nord, des gens qui vivent dans le Nord. Et on partage les douleurs de cette communauté-là, nous les vivons au quotidien », explique celui qui vit à Iqaluit depuis deux ans.

Pauline Ammaaq (à gauche) a prié avec le pape et le reste de la foule, même si elle n’est pas catholique. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)
Une visite qui s’inscrit dans la réconciliation

Selon l’ancienne commissaire Marie Wilson, de la Commission de vérité et réconciliation, la visite du pape aura permis de poursuivre le dialogue entre les Autochtones et les autres Canadiens.

« Ça aide à éduquer le grand public à mieux comprendre ce qui s’est passé [et] ça fait appel à l’empathie [des gens, qui se disent] : « Si c’était mon enfant à moi, comment j’aurais réagi à tout ça? » », dit-elle.

« Je pense qu’ils comprennent mieux l’ampleur de toute cette histoire-là. »

Cette visite nourrit aussi la réflexion des catholiques. « On a vu aussi qu’il y en a beaucoup qui étaient choqués contre leur Église aussi et qui s’attendent à ce qu’elle fasse la bonne chose pour les pas à venir », ajoute-t-elle.

Jonas Azonaha est du même avis. Il faudra, dit-il, encore beaucoup de travail, notamment en ce qui concerne la « recherche de la vérité ».

Jonas Azonaha salue la décision du pape François de s’être rendu à Iqaluit pour rencontrer les survivants. (Jonas Azonaha)
La mort d’un enfant est inacceptable, donc il faut que la vérité se sache. Il faut que la lumière se fasse et qu’on comprenne ce qui s’est passé pour que les gens puissent réellement entamer un processus de guérison.Jonas Azonaha, résident d'Iqaluit
La délicate question de la langue

Pour Laura Thompson, la question de la réconciliation pose un défi particulier en tant que francophone.

« C’est inconfortable, parce que je vis dans un contexte qui est majoritaire autochtone, mais dont la langue inuit, l’inuktut, une langue majoritaire du Nunavut, mais n’a pas les mêmes protections que la langue française ou anglaise », explique-t-elle.

Il y a un certain malaise. J’aimerais que les citoyens réfléchissent à cette complexité, à ce malaise.Laura Thompson, Franco-Nunavoise

En 2016, le dernier recensement de Statistique Canada relevait que la langue inuit était la langue maternelle de 65 % de la population du Nunavut, contre 72 % en 2001. (Radio-Canada)

Marie Wilson, qui habite Yellowknife, admet que la question des privilèges fait sentir sa présence dans les territoires, notamment parce que les ressources accordées à la transmission des langues autochtones ne sont pas équivalentes à celles qui sont consacrées au français ou à l’anglais. Pour elle, cet enjeu est l’un de ceux où les non-Autochtones peuvent agir pour la réconciliation.

« Qu’on soit francophone ou anglophone, on est sur un terrain historiquement autochtone et il faut quand même qu’on voie tous la responsabilité et l’obligation [de permettre à tous de] vivre leur propre identité et vivre leur langue chez eux. »

Elle encourage donc les non-Autochtones à faire entendre leur voix en faveur de la survie des langues autochtones.

Une discussion à poursuivre maintenant

Si la plupart des Canadiens s’entendent pour dire que la discussion doit se poursuivre au lendemain de cette visite historique, Marie Wilson rappelle que cette responsabilité est aussi l’affaire de tous.

Marie Wilson a été commissaire à la Commission de vérité et réconciliation du Canada. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

C’est un risque qui reste avec nous autres, pas avec le pape. Parce que si ça retombe dans le silence, c’est parce que nous aurons arrêté d’en parler.Marie Wilson, commissaire, Commission de vérité et réconciliation

Selon Laura Thompson, la suite ne dépend que de l’écoute. « C’est ça qu’on peut faire comme Canadiens : écouter. Écouter pour comprendre et écouter pour changer les choses, parce qu’il faut garder espoir malgré les malaises. Il faut demander des [changements] auprès des gouvernements. »

Claudiane Samson, Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur le Canada, visitez le site de Radio-Canada.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *