Programme « Nuna » : le territoire en guise de salle de classe

Au Nunavut, les élèves de l’école Nanook, près d’Iqaluit, ont le territoire pour salle de classe. Le programme Nuna offre un cursus ancré dans la culture, la langue et les traditions inuit. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
L’École primaire Nanook d’Apex, près d’Iqaluit, offre depuis plusieurs années un programme unique en son genre au Nunavut : beau temps, mauvais temps, les élèves ont le territoire pour salle de classe. Le cursus est ancré dans la culture, la langue et les traditions inuit.

C’est un vendredi ensoleillé de novembre, et la cloche vient de sonner pour annoncer aux 56 élèves de la maternelle à la cinquième année que le temps est venu de sortir.

Emmitouflés dans leur parka, plusieurs s’activent à découper des blocs de neige devant l’établissement. Plus loin, des enfants transportent les morceaux de neige dans de petits traîneaux, pendant que d’autres les empilent les un sur les autres pour former un igloo.

Des élèves transportent des blocs de neige pour construire un igloo. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

L’instigatrice du programme Nuna, Maggie Kuniliusie, enseigne en première et en deuxième année. Le blizzard, les vents violents ou le froid extrême comptent parmi les seules conditions qui empêchent habituellement le groupe de passer du temps dehors. « La météo est la patronne », dit-elle en riant.

Quand nous constatons que les conditions météorologiques se sont améliorées […] il est temps d’aller dehors!Maggie Kuniliusie, enseignante

L’enseignante affirme que, après plusieurs heures au grand air, ses élèves ont les idées claires et sont ainsi plus disposés à regagner leur salle de classe pour le reste de la journée.

En inuktitut, « nuna » fait référence au territoire. Le programme porte bien son nom, puisque les élèves se servent de leur environnement pour comprendre le monde et façonner leur identité.

Ils apprennent notamment à compter des roches et des blocs de neige, à construire des igloos ou encore à méditer dans la toundra, tout en aiguisant leur sens des responsabilités et du travail d’équipe.

Des élèves de l’école Nanook prennent une courte pause, devant une vue montagneuse près d’Iqaluit, en septembre 2019. (Photo fournie par Maggie Kuniliusie)

« Nous encourageons le travail d’équipe parce que, dehors, les conditions peuvent changer rapidement », explique Maggie Kuniliusie. Le programme préconise une approche d’entraide à travers laquelle les élèves plus âgés appuient leurs plus jeunes camarades.

« Lorsque nous sommes dehors, nous apprenons à être à l’écoute de notre environnement parce qu’il y a de nombreux animaux », souligne Ramata Kalluk, 10 ans.

« Je pense que nous nous sentons très connectés au territoire et à la nature », poursuit l’élève de cinquième année.

Sa mère, Celina Kalluk, voit de nombreux avantages à ce programme, dont l’apprentissage de l’inuktitut, un dialecte de la langue inuit. « Le programme d’éducation basé sur le territoire est très positif culturellement, car en tant qu’Inuit, il permet de développer un vocabulaire qui ne s’apprend qu’en explorant le territoire et en passant du temps avec des aînés », dit-elle.

Ramata Kalluk (à droite) et sa mère, Celina Kalluk (à gauche). (Matisse Harvey/Radio-Canada)

L’une des spécialistes des langues à l’école Nanook, Elisapee Flaherty, indique d’ailleurs que l’inuktitut joue un « rôle central » dans le programme. « Quand nous sommes dehors, nous parlons notre langue maternelle, et les enfants sont encouragés à le faire également », mentionne-t-elle.

Le programme Nuna est la seule formation basée sur le territoire offerte au Nunavut. Bien que ce type de formation gagne en popularité aux quatre coins du pays, il n’a pas toujours été la norme dans ce territoire en raison du système d’éducation colonial imposé pendant plusieurs décennies.

« De nombreuses personnes ont été envoyées dans des pensionnats, ce qui a bouleversé la cellule familiale et le mode de vie des Inuit », rappelle Elisapee Flaherty. « La vie sur le territoire leur a été enlevée. »

Maggie Kuniliusie a commencé à enseigner sur le territoire en 1997, peu de temps après avoir terminé une formation en enseignement au Collège de l’Arctique du Nunavut. (Matisse Harvey/Radio-Canada)

Le programme prend tout son sens aujourd’hui, puisqu’il préconise une approche adaptée à la culture. Avec plus de 25 ans d’expérience dans le métier, Maggie Kuniliusie croit que le programme Nuna gagnerait à être enseigné dans d’autres écoles du Nunavut.

« Cela fait tellement de bien à l’esprit des jeunes », conclut l’enseignante.

Matisse Harvey, Radio-Canada

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