Des chercheurs utilisent les câbles à fibre optique pour suivre les baleines dans l’Arctique
En travaillant avec deux câbles de télécommunications à fibre optique situés au large de l’archipel arctique du Svalbard, des chercheurs de l’Université norvégienne de science et de technologie (NTNU) ont pu estimer les positions et les trajectoires de huit rorquals communs.
Les câbles à fibres optiques bordent les côtes des continents et sillonnent les océans, transportant des signaux qui constituent l’épine dorsale de la communication dans le monde moderne.
Bien que leur principale fonction soit les télécommunications, les experts ont exploré des moyens d’utiliser ce réseau géant pour écouter tout ce qui se passe, des tempêtes aux tremblements de terre, en passant par les baleines.
« Ce travail montre comment nous avons pu localiser et suivre simultanément les rorquals communs sur une zone de 1800 kilomètres carrés, avec un investissement en infrastructure relativement faible », a déclaré Martin Landrø, un des membres de l’équipe et directeur du Centre de prévision géophysique à la NTNU.
M. Landrø explique que le système utilisé par les chercheurs pour ces travaux scientifiques se nomme la détection acoustique distribuée (DAS). « Cet outil utilise un instrument qui envoie des impulsions laser dans un système de fibre optique afin d’enregistrer les impulsions lumineuses qui reviennent, transformant ainsi les câbles en une série d’hydrophones », souligne-t-il.
Identifier les chants des baleines
L’équipe a commencé à explorer la capacité du DAS à enregistrer les vibrations et les sons sous-marins dans les eaux du Svalbard en juin 2020, au plus fort de la pandémie de COVID-19. Elle a alors recueilli 40 jours d’enregistrements. C’est à partir des données collectées que les experts ont pu identifier plus de 800 chants et cris de baleines.
Les résultats de leurs recherches ont récemment été publiés dans la revue Frontiers of Marine Science. On y apprend, entre autres, que les scientifiques norvégiens se sont appuyés sur leurs travaux pour développer leur capacité à identifier différentes espèces de baleines tout en effectuant des enregistrements en temps réel à partir des câbles à fibre optique du Svalbard.
L’étude indique que les chercheurs ont eu accès à deux câbles à fibre optique de 250 km de long qui s’étendent de Longyearbyen, la principale agglomération de l’archipel norvégien, à Ny-Ålesund, un avant-poste de recherche situé au nord-ouest.
Les câbles jumelés ont permis aux chercheurs de localiser les baleines avec une précision d’environ 100 mètres, précise le document. « Cela montre que les deux câbles à fibres optiques sont un moyen très efficace de surveiller les baleines dans l’Arctique », indique M. Landrø.
Éviter les collisions avec les navires
Le directeur note qu’en tant que territoire norvégien situé dans l’Extrême-Arctique, le Svalbard offre aux scientifiques une base importante pour étudier cet écosystème en mutation. Il rappelle d’ailleurs que, selon les prévisions, l’Arctique pourrait être libre de glace en été dès 2035, ce qui pourrait accroître le trafic maritime et le nombre de bateaux de croisière sur la partie supérieure du globe.
À ce titre, l’étude soutient que les cétacés de la région modifient déjà la façon dont ils utilisent l’Arctique et l’Antarctique comme zones d’alimentation. Plusieurs recherches montrent que les rorquals communs ont commencé à passer toute l’année dans les régions arctiques.
« Cela signifie que l’augmentation du trafic maritime dans ces régions peut également accroître le risque de collision avec des navires. L’utilisation du réseau de câbles à fibres optiques existant pourrait contribuer à réduire ce risque », estiment les experts.
Pour M. Landrø, les capacités de suivi des baleines en temps quasi réel mises en place par son équipe pourraient être appliquées partout dans le monde où il y a des mammifères marins et des câbles à fibre optique. « Un système d’évitement des collisions en temps réel, couplées à la détection des navires, pourrait être développé pour réduire les collisions avec les navires », conclut-il.