Le couvert de glace est plus petit et tardif dans l’Arctique cette année

Partout dans l’Arctique, la prise de glace a été plus tardive, comme sur cette photo prise à Pond Inlet, dans l’est du Nunavut en décembre dernier. (Photo d’archives/Facebook/andrew Tagak)

Les communautés nordiques du Canada doivent composer avec un couvert de glace anormalement tardif et plus petit, cette saison, à l’image des températures à la hausse au pays en 2023.

Johnny Oovaut était bien surpris de pouvoir sortir en mer avec son bateau le 30 décembre à Quaqtaq, au Nunavik dans le Nord-du-Québec.

Jamais de sa vie il n’avait vu l’absence de banquise à ce moment-ci de la saison en face de son village.

«Il y a environ 1 mois de retard sur les conditions habituelles de glace», estime le résident de Quaqtaq, qui circule habituellement en motoneige sur la banquise à ce moment-ci de l’année.

Johnny Oovaut (à droite) a pu circuler en bateau le 30 décembre dernier, pour la première fois de sa vie à cette date en raison de l’absence de glace. (Gracieuseté: Johnny Oovaut)

«Il n’y a pas eu beaucoup de neige, et les températures sont plus douces depuis le début de l’hiver. […] C’est manifestement une autre conséquence des changements climatiques», affirme Johnny Oovaut.

Avec des images satellitaires précises, la météorologue Michèle Fleury d’Environnement Canada en arrive au même constat.

Le couvert de glace dans la baie et le détroit d’Hudson, ainsi que dans la baie d’Ungava est d’environ 49 %, soit bien en dessous des normales saisonnières, établies à environ 66 % de couverture.

La glace tarde à se former aussi solidement que les années précédentes. (Photo d’archives/Flor Vermassen)

L’ouest de l’Arctique n’y échappe pas non plus, avec une couverture de glace de 59 %, alors que la normale est de 74 % à ce temps-ci de l’année.

«Tout le nord du Canada était en anomalie de température dans les derniers mois, avec des températures nettement au-dessus des normales, ce qui a retardé la formation de glace», explique Michèle Fleury.

Il est, selon elle, difficile d’établir un seul facteur qui pourrait expliquer ces températures plus chaudes, mais le phénomène s’inscrit malgré tout dans une tendance liée aux changements climatiques.

Une tendance forte

C’est un constat que fait aussi la spécialiste des glaces à l’Agence spatiale américaine (NASA), Angela Bliss.

Avec ses collègues du laboratoire d’étude de la cryosphère, basé au Maryland, elle étudie les cycles de croissance et de retrait des glaces de l’Arctique.

«Chaque année, on constate des records de températures dans l’Arctique et l’année 2023 n’était pas différente. C’était l’été le plus chaud jamais enregistré dans la région», explique la scientifique, qui n’était pas surprise par la plus faible couverture de glace à ce moment-ci de l’année.

Angela Bliss est une scientifique spécialisée dans les glaces des régions arctiques. (Gracieuseté: Angela Bliss)

Un cercle vicieux

La glace en mer a la capacité de réfléchir l’énergie des rayons solaires vers l’espace plutôt que de laisser l’océan l’absorber. C’est ce qu’on appelle le mécanisme de rétroaction, qui contribue à réguler la température terrestre.

Angela Bliss remarque toutefois que chaque année, la surface de glace dans l’Arctique diminue, ce qui limite les effets positifs de ce mécanisme de rétroaction.

En deux décennies seulement, l’Arctique a perdu environ un tiers de son volume de glace de mer hivernale. (Photo d’archives).

«Cela réchauffe l’océan et l’atmosphère, ce qui limite la création de glace l’année suivante. […] La glace a donc moins la chance de s’épaissir et se retrouve encore plus vulnérable», ajoute-t-elle.

Selon elle, il s’agit d’un exemple frappant des conséquences des changements climatiques, qui risquent de s’accélérer au fur et à mesure de la fonte des glaces.

Il est même possible que l’Arctique se retrouve avec des étés sans banquise au courant des prochaines décennies, ce que déplore la scientifique.

«Cela a un grand impact sur la biodiversité arctique, qui dépend de cette glace pour survivre», ajoute-t-elle.

La NASA est en mesure d’analyser la couverture de glace grâce à des images satellitaires. (Photo d’archives)

Communautés touchées

Face à ces saisons plus chaudes et aux glaces moins présentes, le résident de Quaqtaq, Johnny Oovaut, se questionne sur l’avenir de certaines pratiques ancestrales inuit.

Depuis des millénaires, les Inuit parcourent la banquise pour chasser le phoque et les autres animaux marins. Il craint que ça ne soit un jour impossible pour ses descendants.

Les communautés inuit du Nord s’alimentent en partie encore grâce à la chasse et la pêche. (Photo d’archives/Radio-Canada/Matisse Harvey)

«Les effets, on les voit déjà. Ça devient plus difficile de circuler sur le territoire. Il y a des épisodes de brouillard et de pluie verglaçante qu’on ne voyait jamais avant. […] Ça touche la vie de tout le monde ici», explique-t-il.

Johnny Oovaut a malgré tout confiance en la grande capacité d’adaptation des communautés du Nord, qui seront les premières touchées par les conséquences des changements climatiques.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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