Plus de gens meurent du cancer du poumon au Nunavik qu’ailleurs au Québec

L’étude a suivi 95 patients du Nunavik atteints de cancer du poumon. (Photo d’archives/Getty/Pascal Pochard-Casabianca)

Le taux de mortalité lié au cancer du poumon est 68 % plus élevé chez les résidents du Nunavik que chez les patients du sud de la province, notamment en raison du manque d’accès aux soins dans la région, selon une nouvelle étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne.

Les auteurs de l’étude, des médecins du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et des intervenants du milieu hospitalier du Nunavik, excluent d’emblée la possibilité qu’une prédisposition génétique puisse expliquer ces résultats. Selon eux, c’est plutôt l’état du système de santé de la région qui serait en cause.

«Les soins de santé, en général, ne sont pas adéquats pour les besoins de la population du Nunavik, à de multiples niveaux», dit le Dr Faiz Ahmad Khan, pneumologue au CUSM et coauteur de l’étude.

Les Nunavimmiut ont par ailleurs un taux de cancer du poumon bien supérieur à la moyenne canadienne, mais ce qui n’explique pas pourquoi ils en décèdent davantage. (Photo d’archives/Radio-Canada/Félix Lebel)

Les auteurs soulignent par exemple que les suivis téléphoniques pour assurer un dépistage précoce du cancer chez des patients à risque ne sont pas disponibles en inuktitut.

L’absence d’appareil d’imagerie médicale par tomodensitométrie (TMD) au Nunavik oblige par ailleurs les patients à se déplacer à Montréal pour y subir un examen de dépistage, ce qui n’est pas sans risque.

«Ça arrive souvent que les vols soient annulés à cause de la température, qu’il y ait un problème dans l’organisation du rendez-vous […]. Donc, à chaque étape du diagnostic, ou du traitement, ces délais-là s’accumulent», indique la Dre Nathalie Boulanger, directrice des services professionnels du Centre de santé Tulattavik de l’Ungava et coautrice de l’étude.

Il n’y a aucun lien routier pour relier le Nunavik au reste de la province. (Photo d’archives/Radio-Canada/William Bastille-Denis)

La multiplication des déplacements en cas de découverte d’un cancer pulmonaire fait en sorte que les patients passent parfois des semaines, voire des mois loin de leurs proches.

Certains patients préfèrent parfois refuser le traitement plutôt que d’être séparés de leur famille aussi longtemps, même si leur espérance de vie s’en trouve écourtée.

«C’est un type d’injustice que les Inuit vivent. Ils doivent choisir entre la famille ou quelque chose qui va prolonger la vie. C’est inacceptable», souligne le pneumologue Faiz Ahmad Khan.

Financement et recrutement difficiles

Les chercheurs déplorent ce qu’ils considèrent comme un financement inadéquat et des difficultés de recrutement comme facteurs pouvant également expliquer la disparité du taux de mortalité.

«C’est épouvantable qu’on ne soit pas en mesure d’offrir mieux à notre population que ce qu’on fait là. J’espère que le ministère de la Santé sera sensible à ces résultats-là, et qu’ils s’assoiront avec nous pour améliorer le sort de nos patients», ajoute la Dre Boulanger.

La région ne dispose que de deux hôpitaux, soit dans les villages de Kuujjuaq et de Puvirnituq. (Photo d’archives/Eye on the Arctic/Eilis Quinn))

Recommandations

Dans une série de recommandations, les chercheurs proposent entre autres l’augmentation rapide des capacités de dépistage dans la région.

L’implantation d’un service d’imagerie médicale par tomodensitométrie pourrait, par exemple, limiter les déplacements et faciliter les diagnostics.

Cette idée est déjà dans les plans de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik depuis quelques années.

Un tel projet pourrait bientôt être relancé, selon la direction des services professionnels de l’hôpital de Kuujjuaq.

Les appareils d’imagerie médicale permettent d’avoir une capacité de diagnostic des cancers, en plus de permettre d’examiner une foule d’autres parties du corps. (Photo d’archives/Dr. Christine P. Molnar)

Les chercheurs proposent aussi de former une main-d’œuvre locale, qui agirait à titre de personne-ressource, pour aider les patients à naviguer dans le système médical.

Il est aussi question d’augmenter les ressources dans les services d’aide à la cessation du tabagisme pour prévenir la maladie.

«Nous sommes des humains aussi»

L’ancienne directrice de la Régie de la santé et des services sociaux du Nunavik, Minnie Grey, est l’une des personnes à l’origine de cette étude.

Elle se désole des résultats qui montrent, selon elle, une disparité alarmante entre la qualité des services publics du Nunavik et celle du reste de la province.

«Nous sommes des humains aussi! […] Le problème ici, c’est que nous devons avoir accès à de meilleurs soins. Nous ne pouvons le faire ici sans quitter notre communauté», explique-t-elle.

Minnie Grey souhaite que des investissements suffisants réduisent enfin cet écart entre le Nunavik et le reste de la province. (Photo d’archives/Radio-Canada/Félix Lebel)

Le fait de devoir systématiquement quitter la région provoque, selon elle, une forme de désengagement envers les traitements médicaux. Ce désengagement exacerbe les problèmes de santé de la population, estime-t-elle.

Elle espère que les résultats de cette étude susciteront un engagement politique à la hauteur des besoins du Nord.

À lire aussi :

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *