Affaires du Nord Canada ne fera pas d’évaluation externe du programme Nutrition Nord

Le programme fédéral Nutrition Nord permet de réduire le prix des aliments nutritifs périssables expédiés par avion, comme la farine. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Le gouvernement fédéral n’ira pas de l’avant avec une évaluation externe complète du programme de subvention Nutrition Nord, comme recommandé par le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.

Le ministère des Affaires du Nord, qui supervise le programme de subvention Nutrition Nord, a déposé, le 31 janvier dernier, la réponse du gouvernement aux cinq recommandations du comité permanent afin d’améliorer la sécurité alimentaire dans les collectivités nordiques et isolées.

Cette réponse a été publiée plus de deux années et demie après la publication des recommandations du Comité permanent.

Dans l’ensemble, le ministère est en accord avec les recommandations, mais n’appuie qu’en principe la recommandation d’entreprendre une évaluation externe complète du programme.

Dans sa réponse, le ministère affirme qu’il a choisi d’autres avenues pour évaluer l’efficacité de Nutrition Nord.

Par écrit, le porte-parole du ministère indique que les résultats de cinq projets de recherche dirigés par des Autochtones sont attendus en 2024 et aideront à améliorer le programme.

Ces projets de recherche, selon le ministère, visent à «combler les lacunes critiques en matière de données dans les communautés isolées […] et éclaireront les politiques à venir».

«De plus, le ministère procède actuellement à une évaluation du programme, ce qui orientera davantage les améliorations du programme», écrit le directeur des communications Kyle Allen.

Cette évaluation devrait être achevée d’ici mars 2025, selon le ministère.

Besoin d’une évaluation

Le programme Nutrition Nord, lancé en 2011, comporte une subvention pour diminuer les coûts de livraison d’aliments périssables et certains produits non alimentaires. Les détaillants reçoivent la subvention et doivent la retourner au client.

«Je pense que [ce programme] peut être amélioré, qu’il contient des failles, mais je pense […] qu’il est beaucoup plus efficace que le programme d’Aliments-poste qu’il a remplacé», dit l’ancien sénateur du Nunavut, Dennis Patterson.

L’ancien sénateur du Nunavut, Dennis Patterson, a fait partie du comité derrière la création de Nutrition Nord. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Il croit que le programme doit être réévalué. Il dit avoir eu vent de prix abusifs refilés aux résidents des communautés éloignées.

Des exemples qui apparaissent régulièrement dans les médias sociaux m’incitent à penser qu’en fait, la subvention n’est pas entièrement retournée aux consommateurs.

– Dennis Patterson, ancien sénateur du Nunavut

Dennis Patterson estime que les administrateurs du programme ne sont pas au diapason des besoins des communautés.

«Nutrition Nord, c’est un modèle colonial où les bureaucrates qui l’administrent sont à Ottawa, voyagent rarement dans le Nord et ne savent pas ce qui se passe sur le terrain», ajoute-t-il.

«Une évaluation externe qui permettrait d’évaluer les données, les analyser et proposer des recommandations est certainement une bonne idée.»

Pas à l’écoute

La compagnie de Tara Tootoo Fotheringham, Arctic Buying Co-Kivalliq, est l’un des fournisseurs inscrits qui utilise le programme de subvention de Nutrition Nord depuis sa création.

La compagnie est basée à Winnipeg et fournit des produits périssables et non périssables à ses clients du Nunavut et du nord du Manitoba soit par la route, par avion ou par barge.

Lancé en 2011, le programme Nutrition Nord vise à faciliter l’accès aux aliments sains dans les communautés nordiques pour réduire l’insécurité alimentaire qui persiste dans le Nord. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Tout comme Dennis Patterson, Tara Tootoo Fotheringham est d’avis que les administrateurs du programme ne sont pas à l’écoute des besoins des communautés.

«C’est comme si nous étions les employés et eux les patrons, et que nous leur disions que telle ou telle chose est importante et que ça ferait une grande différence sur l’ensemble du fonctionnement [du programme], mais [on ne nous] répond pas.»

Mme Tootoo Fotheringham dit avoir envoyé une lettre au Comité consultatif de Nutrition Nord en avril 2023 pour proposer des changements au programme, mais n’a jamais reçu de réponse.

C’est vraiment frustrant, car nous sommes en première ligne et nous entendons des gens nous dire qu’ils ne savent pas comment ils pourront remplir leurs garde-manger ou mettre de la nourriture sur leur table.

– Tara Tootoo Fotheringham

Plus de surveillance

Tara Tootoo Fotheringham dit que la subvention ne couvre que cinq catégories de produits envoyés par barge, le moyen de transport le moins cher, mais que davantage de produits non périssables pourraient être envoyés de cette manière.

Au lieu, ils sont envoyés par avion, ce qui fait gonfler la facture. «Nutrition Nord dépense beaucoup plus d’argent pour envoyer ces produits par avion, alors qu’un ajustement dans le programme permettrait d’envoyer ces choses par barge et économiser de l’argent sur l’ensemble de leur budget», dit-elle.

Tara Tootoo Fotheringham est la directrice générale d’Arctic Buying Co-Kivalliq. (Photo fournie par Tara Tootoo Fotheringham)

Elle ajoute également que la subvention pour l’envoi par avion devrait être la même partout dans le Nord, pour que les gens puissent payer le même prix dans toutes les communautés.

Autre faille du programme, la redistribution de la subvention par les détaillants du Nord n’est pas assez surveillée, selon elle, contrairement aux détaillants du sud du pays.

«Ce que je comprends, c’est qu’ils ne sont pas tenus de fournir la moindre documentation sur les personnes à qui ils vendent le produit et sur la quantité de produits qu’ils vendent», mentionne-t-elle.

«Ce qui signifie qu’il n’y a aucun moyen de savoir si le consommateur bénéficie de l’intégralité de la subvention.»

Mme Tootoo Fotheringham est d’avis qu’une évaluation externe est nécessaire, mais ne sait pas si ça améliorerait les choses.

«Rien n’a changé de façon significative pour améliorer la vie des gens dans le Nord. Et même lorsqu’il y a des suggestions, elles sont ignorées […]. Alors, à moins de changer la [culture] de ce ministère, rien ne changera», conclut-elle.

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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