Au Nunavik dans le Grand Nord canadien, projecteur sur l’insécurité alimentaire

Un chasseur inuit découpe un morceau de viande. (Radio-Canada)

L’insécurité alimentaire est une réalité au Nunavik puisqu’elle touche 84 % des Inuit de la région. L’équipe de l’émission L’épicerie dans une édition spéciale présentée le 26 avril sur les ondes d’ICI Télé s’est rendue sur place pour voir comment la culture, la spiritualité et la fierté d’un peuple deviennent une solution pour les communautés autochtones du Grand Nord québécois.

Comment les familles du village d’Inukjuak s’organisent-elles pour se nourrir? Charlie Nowkawalk a œuvré toute sa vie à la préservation de la culture et des traditions de son peuple. Il agit aujourd’hui comme guide pour des excursions de chasse sur la banquise de la baie d’Hudson près d’Inukjuak, à l’ouest du Nunavik.

« On mange beaucoup encore la nourriture que l’on chasse, mais on mange beaucoup les junks, les déchets. On voit de plus en plus les jeunes qui mangent juste les affaires que l’on achète au magasin. Et ça, c’est triste », déclare-t-il en entrevue.

Charlie Nowkawalk réside à Inukjuak. (Radio-Canada)

Pour Hans Godbout, directeur général de Sirivik, un centre dédié à la sécurité alimentaire, le « country food », c’est-à-dire tout ce qui vient du territoire comme le caribou, le phoque, le poisson, la perdrix ou l’outarde, n’est pas toujours accessible.

« Tu n’as pas le choix de t’alimenter quand même, alors la nourriture du système des épiceries devient essentielle. Si tu ne sais pas comment cuisiner ou préparer ta nourriture, tu n’as pas le choix de t’acheter ce qui est déjà tout fait, mais ces produits coûtent un prix exorbitant », indique-t-il.

Dans le village d’Inukjuak, le coût de la vie est très élevé pour les quelque 2000 habitants. Dans les épiceries, les produits dits transformés coûtent une fortune. Deux joueurs en alimentations se font compétition dans le Grand Nord.

D’un côté, il y a la North West Company qui gère neuf magasins généraux au Nunavik en plus de ses 120 autres dans les régions éloignées du Nord canadien. Et de l’autre côté, il y a les 14 commerces regroupés sous la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec.

Le village d’Inukjuak compte près de 2000 habitants. (Radio-Canada)

En tant que directeur des achats, Daniel Lelièvre coordonne l’approvisionnement depuis Montréal. « Tout ce que les gens veulent, on l’envoie, à l’exception des véhicules qui sont trop gros pour entrer dans un avion », souligne-t-il.

M. Lelièvre note qu’avec les subventions fédérales du programme Nutrition Nord Canada, les coopératives peuvent obtenir un prix de vente « raisonnable » en mettant l’accent sur les fruits et légumes. « Les prix fluctuent selon qu’ils sont subventionnés ou pas, précise-t-il. À 6 $ le kilo, si vous envoyez un produit d’un kilo, c’est déjà 6 $ de transport sur le coût du produit. »

Notons que le gouvernement fédéral verse cette année plus de 130 millions pour permettre aux Inuit d’avoir accès à des aliments sains et à prix abordable par l’entremise de son programme Nutrition Nord Canada. « C’est une subvention pour réduire le coût du transport pour des aliments comme les fruits et légumes, des produits congelés, le lait ou les pâtes alimentaires », dit le directeur.  

Un autre rabais s’applique grâce au programme provincial « Cost of living » (Coût de la vie en français) géré par le gouvernement régional du Kativik en plus des dividendes des coopératives. « À la fin de l’année, je reçois une ristourne selon mes achats », raconte Sarah Lisa Kasudluak, résidente d’Inukjuak.

Avec les subventions, il y a des aliments qui coûtent sensiblement la même chose que dans le sud du Québec, mais d’autres produits en magasin demeurent dispendieux. De plus, la qualité et l’offre des produits frais peuvent laisser à désirer sur les étalages. « Dans la semaine, il y a toujours des creux où il n’y a rien. On en vient à cibler nos journées selon les arrivages. À telle date, on sait qu’il va y avoir des fruits ou légumes accessibles », confie Geneviève Potvin, infirmière à Inukjuak.

Un programme à réformer?

Le transport est le véritable enjeu du Grand Nord, confirme Daniel Lelièvre. La fédération des coopératives envoie par Air Inuit l’équivalent de sept camions semi-remorques par semaine. Afin de réduire les coûts du transport aérien, la cargaison peut aussi transiter par la route La Grande avant de s’envoler vers les communautés nordiques comme Inukjuak.

Durant ces voyages, les aliments peuvent s’abîmer en raison des conditions climatiques, notamment lorsque les avions sont cloués au sol quelques jours. « Notre compagnie aérienne investit beaucoup dans des infrastructures afin qu’on ne laisse pas des aliments frais à des froids extrêmes », dit Andy Moorhouse, directeur du développement économique de Makivik, une société à but non lucratif propriétaire d’Air inuit.

Andy Moorhouse, directeur du développement économique de Makivik. (Radio-Canada)

Malgré les investissements et les subventions, des critiques fusent, en particulier en ce qui concerne la gestion du programme Nutrition Nord Canada. Il préoccupe un certain nombre de responsables inuit. Dès 2014, le vérificateur général du Canada avait demandé plus de transparence du gouvernement.

Pour sa part, la députée néo-démocrate du Nunavut, Lori Idlout, craint que les consommateurs ne soient pas ceux qui profitent le plus de ces subventions. Elle accuse North West Company de profiter du programme pour s’enrichir. « Le programme est conçu pour aider la population à affronter l’insécurité alimentaire, mais plusieurs familles sont toujours dans le besoin. »

Le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, défend son programme. « Ce n’est pas parfait et on cherche toujours des méthodes pour améliorer Nutrition Nord en incluant des subventions pour les chasseurs », rétorque-t-il.

Le gouvernement a octroyé une enveloppe de 120 millions sur deux ans pour soutenir la chasse et la pêche, dont de nouveaux accords qui permettent désormais aux organisations et aux gouvernements régionaux de distribuer ces fonds aux communautés admissibles, comme le souhaite l’ex-maire de Kuujjuuak, Tunu Napartuk.

« Ce n’est pas juste une question d’argent de la part du gouvernement, mais c’est de donner une occasion aux Inuit du Nunavik de prendre les décisions. C’est nous qui connaissons le mieux nos réalités et notre environnement naturel », conclut-il.

Radio-Canada

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