Écoles de jour pour Autochtones : la réouverture de l’accord de règlement réclamée
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti vert exhortent Ottawa à ouvrir de nouveau l’accord de règlement de plusieurs milliers de dollars sur les écoles de jour pour Autochtones. La période de réclamation avait pris fin le 13 janvier 2023.
Cette demande survient à la suite d’un reportage de CBC News sur des survivants de ces écoles de jour qui affirment avoir été lésés et traumatisés à nouveau par le processus d’indemnisation.
«Je sais que ce qu’ils disent est tout à fait vrai», a déclaré la députée néo-démocrate du Nunavut, Lori Idlout.
Il y a beaucoup d’autres [survivants] dont nous devons nous assurer qu’ils obtiennent la justice qu’ils méritent, l’indemnisation… Je suis sûr qu’il y en a tellement d’autres qui ont simplement abandonné en raison de la difficulté de l’ensemble du processus.
– Lori Idlout, députée néo-démocrate
L’accord de règlement fait l’objet d’une contestation devant la Cour suprême du Canada de la part d’une survivante crie d’une école de jour du nord de la Saskatchewan, qui souhaite soumettre à nouveau sa réclamation.
Jessie Waldron, une Crie de 65 ans qui a fréquenté la Waterhen Lake Indian Day School dans les années 1960 et 1970, a déclaré à CBC ne pas avoir pu joindre l’administrateur des réclamations (la firme Deloitte) pour obtenir de l’aide ni le cabinet d’avocats (la firme Gowling WLG) embauché pour représenter les survivants dans une action collective.
Les deux sociétés ont reçu des dizaines de millions de dollars du gouvernement fédéral dans le cadre de l’accord de règlement pour aider les survivants à remplir leurs demandes.
«Les survivants ne devraient pas avoir à recourir aux tribunaux pour avoir accès à l’argent qui leur est réservé», a déclaré le chef adjoint du Parti vert, Jonathan Pedneault.
«La priorité est certainement de s’assurer que les demandeurs disposent de plus de temps et d’aide pour remplir leurs demandes.»
Une députée néo-démocrate personnellement touchée
Selon Jonathan Pedneault, les verts feront pression sur le gouvernement libéral à la Chambre des communes afin qu’il rouvre le processus d’indemnisation.
«Jessie Waldron a fait preuve de courage, tellement de courage pour mettre en lumière les problèmes liés à l’indemnisation des écoles de jour pour Autochtones», a déclaré Lori Idlout.
Lori Idlout dit connaître personnellement les difficultés rencontrées par les survivants des écoles de jour, car sa mère, qui a fréquenté l’école de jour fédérale Sir Joseph Bernier à Chesterfield Inlet, au Nunavut, a demandé une indemnisation peu de temps avant son décès.
«Ma mère n’a finalement pas reçu son indemnisation au moment de son décès», a précisé la députée du Nunavut.
Sa mère Carmen Idlout avait eu du mal à obtenir des documents indiquant les années où elle avait fréquenté cette école de jour, a ajouté Lori Idlout, précisant que la firme Gowling exigeait maintenant davantage de documents avant que les enfants de Carmen Idlout puissent recevoir l’indemnisation de leur défunte mère.
La députée a indiqué que sa nièce, qui vit à Igloolik, au Nunavut, doit se rendre à Iqaluit pour obtenir les dossiers judiciaires nécessaires à la poursuite du processus. Or, ce voyage coûte des milliers de dollars. «Nous sommes encore en train de réfléchir à ce qu’il faut faire», a poursuivi Lori Idlout.
Un porte-parole de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a déclaré à CBC News que le Canada respectait les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, qui ont rejeté l’affaire Jessie Waldron.
«Le Canada continuera de travailler en collaboration avec les parties afin de s’assurer que le processus pour les réclamations restantes progresse de manière efficace et rapide», a déclaré le porte-parole dans un courriel.
Les firmes Deloitte et Gowling ont toutes deux décliné la demande d’entrevue de CBC.
Enfin, Castlemain, un groupe consultatif autochtone détenu conjointement par la société de communication Argyle, a déclaré que les avocats du groupe ne peuvent pas commenter les affaires portées devant les tribunaux.
Les chiffres des paiements faussent l’histoire, dit un survivant
Pendant plus d’un siècle, environ 200 000 enfants des Premières Nations, Inuit et Métis ont été forcés de fréquenter près de 700 écoles de jour gérées par le gouvernement fédéral.
Ces établissements ressemblaient à des pensionnats pour Autochtones, sauf que les élèves rentraient chez eux à la fin de la journée.
Les survivants des écoles de jour ont été confrontés à des actes de violence et d’assimilation culturelle similaires à ceux vécus par les survivants des pensionnats.
En 2019, la Cour fédérale a approuvé un accord de règlement de 1,47 milliard de dollars pour les élèves ayant subi des préjudices alors qu’ils fréquentaient ces écoles de jour. Comme les externats étaient gérés séparément des pensionnats, les élèves qui les ont fréquentés ont été exclus de la Convention de règlement relative aux pensionnats pour Autochtones de 2006.
En vertu de l’accord pour les écoles de jour, les survivants pouvaient demander cinq niveaux d’indemnisation, allant de 10 000 $ pour les abus verbaux et physiques (niveau 1) à 200 000 $ pour les abus sexuels répétés. Chaque niveau d’indemnisation exige davantage de détails et de preuves corroboratives.
Jusqu’à présent, 150 200 réclamations ont été réglées, pour un coût d’environ 5,7 milliards de dollars.
Environ les trois quarts des réclamations ont été payés au niveau 1 pour un montant de 10 000 $, soit le montant d’indemnisation le plus bas, tandis qu’un quart a été payé aux niveaux d’indemnisation supérieurs, selon les chiffres du 4 mars du cabinet Deloitte.
Louise Mayo, une survivante des écoles de jour de la communauté Kanien’kehá:ka Kahnawake au sud de Montréal, a déclaré qu’elle craignait que ces chiffres ne dénaturent la véritable histoire des écoles de jour.
«Le Canadien moyen regardera la situation et dira : « Eh bien, cela n’aurait pas pu être si terrible pour les survivants des écoles de jour pour Autochtones! »», a déclaré Louise Mayo. Cela ne donne pas une image complète de la situation.
Louise Mayo a aidé d’autres survivants Kanien’kehá:ka à remplir leurs demandes. Selon elle, il faut parfois trois ou quatre entretiens pour qu’ils se sentent suffisamment à l’aise pour raconter leur histoire et articuler leur expérience d’une manière qui serait acceptable pour une demande d’indemnisation.
La plupart des survivants qu’elle a aidés ont demandé à bénéficier des niveaux 3 ou 4, mais tous n’ont pas bénéficié de l’aide d’une personne comme elle pour soumettre leurs demandes, a-t-elle soutenu.
«Dans l’accord de règlement de l’action collective, j’avais espéré qu’ils seraient plus sensibles et plus compréhensifs», a-t-elle lancé.
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