Les Inuit veulent profiter du potentiel économique de l’électricité au Nunavik

Générer des revenus grâce à la production d’électricité est devenu une possibilité de plus en plus attrayante pour les communautés du Nunavik, qui tentent à tout prix de diversifier leur économie et de créer des emplois stables dans le Grand Nord du Québec.
Le portrait de la production d’électricité au Nunavik est plutôt paradoxal. Alors qu’une partie des rivières de la région alimentent les grandes centrales hydroélectriques de la Baie-James, le Nunavik est dépendant des hydrocarbures pour s’éclairer et se chauffer.
Presque chaque communauté du Nunavik dispose d’une centrale thermique au mazout, exploitée par Hydro-Québec.
Depuis quelques années, la société d’État est toutefois ouverte à impliquer davantage les Inuit dans le secteur énergétique.
L’exemple de la communauté d’Inukjuak est le plus représentatif de cette volonté. Un petit barrage hydroélectrique de 7,5 mégawatts, détenu à 50 % par les Inuit par l’entremise de la corporation foncière Pituvik, a commencé à produire de l’électricité pour les résidents en octobre dernier.

L’énergie est vendue à Hydro-Québec, qui s’occupe de la distribution de l’électricité au village. Le barrage devrait générer 2,5 millions de dollars par an pour la communauté, durant au moins 40 ans.
«On va pouvoir le réinvestir dans les priorités locales de la communauté, sur des projets de développement économique. On aimerait aussi investir dans la formation professionnelle des résidents», explique Eric Atagotaaluk, directeur de la corporation foncière Pituvik.
«C’est un projet qui a été initié par la communauté, qui est propriétaire du projet, donc on est très très fier», ajoute-t-il.

En plus de générer des revenus pour la corporation foncière, le barrage d’Inukjuak devrait réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 700 000 tonnes pour les 40 prochaines années dans le village.
Un modèle à suivre
L’exemple d’Inukjuak montre le potentiel de création de richesse par la production d’énergie dans la région.
Une manne dont souhaitent profiter les acteurs régionaux. C’est notamment pour cette raison que la société Makivvik et la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec ont mis sur pied l’entreprise Énergies Tarquti en 2017.
L’organisation a pour mandat d’évaluer les meilleures solutions de création d’énergie renouvelable et d’accompagner les communautés dans cette transition.
«Les acteurs locaux se sont dit : mettons en commun nos forces et développons notre propre entité, où on pourra former des gens localement, développer notre propre expertise, nos projets et s’assurer que les retombées restent dans la région», explique le directeur général de Tarquti, Joë Lance.

L’entreprise évalue actuellement différentes options de projets, dans au moins huit communautés, qui pourraient inclure de l’énergie éolienne, solaire et de l’hydroélectricité.
Il est toutefois peu probable que l’ensemble des communautés puissent construire des barrages comme à Inukjuak, ce qui est définitivement l’option la plus productive.
«Nous, ce qu’on vise, c’est un déplacement du diesel, donc une réduction, d’au moins 50 % à l’échelle des communautés. Ça pourrait même aller jusqu’à 70 % et idéalement à 100 %. […] Pas seulement pour les centrales thermiques, mais aussi pour la chauffe des bâtiments et de l’eau, puis éventuellement la recharge des voitures électriques», ajoute Joë Lance.
Réticences
Les projets de barrage au fil de l’eau rencontrent toutefois quelques réticences dans les communautés du Nunavik. Des craintes qui s’amenuisent au rythme des consultations dans les villages organisées par Tarquti.
Les gens ont encore en tête les grands bouleversements amenés par le développement des barrages hydroélectriques de la Baie-James.
C’est le cas notamment de la noyade des quelque 10 000 caribous sur la rivière Caniapiscau en 1984, en raison de l’ouverture soudaine des vannes du réservoir Caniapiscau d’Hydro-Québec.

Les barrages au fil de l’eau comme à Inukjuak auraient toutefois beaucoup moins d’impact sur l’environnement, et la réalisation de ce projet semble donner confiance aux autres communautés.
«Ça rassure les gens, il y en a plusieurs qui nous ont confirmé qu’ils en voulaient dans leur communauté parce que ça a un bon potentiel. Mais ce n’est pas possible dans toutes les communautés», explique Joë Lance.
Le village de Kangirsuk serait parmi les plus prometteurs pour la construction éventuelle d’un barrage.
Des analyses de faisabilité sont en cours. Un tel ouvrage va toutefois demander plusieurs années de préparation.
Un défi que les communautés sont prêtes à affronter, afin de diversifier les occasions économiques et tendre vers une production électrique plus verte dans la région.
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