Budget 2024 : les investissements dans le logement en deçà des attentes autochtones

Le rapport prévoyait également que des investissements s’élevant à plus de 20 milliards de dollars étaient nécessaires pour redresser le déficit en logements et en infrastructures en 2024-2025 seulement. (Photo d’archives/Radio-Canada/Delphine Jung)

À l’approche de l’annonce du budget fédéral de 2024-2025, les attentes en matière de logement pour combattre la crise du logement qui afflige les Autochtones se chiffraient en milliards de dollars. Or, le gouvernement libéral prévoit plutôt 918 millions de dollars sur cinq ans, de quoi décevoir les communautés.

Cet investissement quinquennal visant à accélérer les travaux pour combler les lacunes dans ce domaine se ventile comme suit :

  • 426 millions de dollars pour les Premières Nations établies dans une réserve;
  • 62 millions de dollars pour les Premières Nations autonomes et les Premières Nations signataires de traités modernes;
  • 370 millions de dollars pour les communautés inuit;
  • 60 millions de dollars pour les communautés métisses.
  • Avec cette annonce, le gouvernement libéral renvoie aussi à l’enveloppe de 4 milliards de dollars sur sept ans, dévoilée en 2022 et qui devrait être disponible en 2024-2025, dans le cadre de la Stratégie sur le logement autochtone en milieux urbain, rural et nordique.

Ces mesures s’inscrivent dans l’un des plus récents engagements du gouvernement inclus dans la lettre de mandat de la ministre des Services aux Autochtones (SAC), Patty Hajdu, qui fait état de l’action spécifique «de continuer à faire des investissements immédiats et à long terme pour soutenir les travaux en cours visant à combler le déficit d’infrastructure d’ici 2030».

Seulement, force est de constater que ces montants semblent déconnectés des besoins criants et actuels exprimés par les communautés autochtones.

Selon le rapport Combler l’écart en infrastructures d’ici 2030 (en anglais), publié récemment par l’Assemblée des Premières Nations (APN), le Canada devrait investir 349,2 milliards de dollars jusqu’en 2030 pour que les communautés autochtones et non autochtones aient accès à des infrastructures similaires d’ici la fin de la décennie.

Le graphique préparé par l’Assemblée des Premières Nations dans le rapport présente un résumé des besoins de financement projetés pour les exercices 2023-2024 à 2029-2030 afin de combler le déficit d’infrastructures. (Photo : APN)

Le rapport prévoyait également que des investissements de plus de 20 milliards de dollars étaient nécessaires pour redresser le déficit en logements et en infrastructures en 2024-2025 seulement.

Une étude citée dans le rapport indiquait qu’il fallait 108 803 logements supplémentaires pour faire face au surpeuplement, au remplacement et à la croissance démographique des Premières Nations. De plus, sur un total estimé de 85 700 unités existantes, 34 % nécessitaient des réparations mineures et 31 %, des réparations majeures.

L’organisation nationale de défense des droits des Premières Nations y prédisait notamment qu’une telle injection permettrait de créer plus de 3,2 millions d’emplois et d’augmenter le PIB du Canada de plus de 1000 milliards de dollars.

L’APN mettait aussi en garde Ottawa : le coût pour combler le déficit d’infrastructures dans les communautés dépassera les 500 milliards de dollars d’ici 2040 si le gouvernement fédéral n’agit pas maintenant.

«L’inaction ne fera que creuser l’écart. L’inaction entraînera une flambée des coûts en raison de l’inflation et des pénuries de main-d’œuvre, et détériorera davantage les infrastructures communautaires dans les réserves, au détriment du mieux-être des Premières Nations. Des promesses ont été faites et doivent maintenant être tenues», avait prévenu Cindy Woodhouse Nepinak, cheffe de l’APN, à la veille du dépôt du budget.

L’estimation n’aborde pas le chapitre du déficit d’infrastructures auquel sont confrontés les Métis et les Inuit. Dans son propre rapport, l’organisation nationale inuit Tapiriit Kanatami estime qu’il faudrait 75,1 milliards de dollars répartis sur 35 ans pour combler le déficit dans les régions inuit. Le Ralliement national des Métis réclamait quant à lui 2,7 milliards dans le prochain budget pour combler ses besoins en logement et en infrastructures.

Dans son dernier rapport, la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, s’était d’ailleurs dite absolument découragée de constater si peu d’améliorations quant aux logements insalubres dans les Premières Nations au cours des deux dernières décennies.

Le manque de logements convenables est associé à la violence familiale, à la consommation de substances, au suicide et aux obstacles économiques, a relevé Mme Hogan, et cela peut contribuer à une perte de culture s’il n’y a pas d’options de logement dans les communautés, forçant ainsi la migration. (Photo d’archives/PC/Spencer Colby)

Les multiples répercussions de la crise du logement

Outre les problèmes découlant du manque flagrant d’infrastructures desservant les communautés autochtones, la crise du logement, qui est devenue un enjeu notoire sur la scène politique fédérale, est une grande source de frustration chez les Autochtones.

Le manque criant de logements force la cohabitation de plusieurs membres d’une famille élargie dans des maisons souvent trop petites pour les accueillir. Ce climat de promiscuité est associé non seulement à l’émergence de situations problématiques, telles que la violence et les abus physiques et sexuels, mais également à la répétition de ces agressions, notamment quand l’agresseur cohabite avec la victime.

La santé physique des individus peut aussi être affectée par le surpeuplement ou l’état déplorable des logements. Des liens ont en effet été établis entre la présence d’humidité et de moisissures et les allergies ou les maladies respiratoires, comme l’asthme.

En raison de la pénurie de logements, il est difficile de recruter des familles d’accueil dans les communautés. Par conséquent, les enfants autochtones sont nombreux à devoir quitter leur milieu de vie et à s’éloigner de leur environnement culturel.

De plus, les piètres conditions de logement dans les réserves poussent plusieurs personnes à s’installer dans les centres urbains. Et parmi elles, plusieurs deviennent des sans-abri.

Le droit à un logement sûr et sécuritaire pour tous, y compris les Autochtones, est enchâssé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

À lire aussi :

Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur le Canada, visitez le site de Radio-Canada.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *