Le politicien et bâtisseur innu Alexandre McKenzie est mort

Alexandre McKenzie avait fondé l’Institut Tshakapesh et la société de transport ferroviaire Tshiuetin. (Photo d’archives/Radio-Canada/Nicolas Lachapelle Plamondon)

Le politicien et bâtisseur innu Alexandre Mckenzie est mort samedi dans un accident de motoneige au Labrador.

Alexandre McKenzie a incarné pour beaucoup la volonté de représentation et de développement des communautés innues.

Il a notamment été chef de Matimekush-Lac John et a fondé l’Institut Tshakapesh, qui met en valeur la langue et la culture innues.

Alexandre McKenzie avait reçu l’année dernière l’Ordre national du Québec, la plus haute distinction décernée par le gouvernement de cette province.

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, salue le départ d’un grand homme.

C’est toute la nation innue qui est en deuil avec son départ.

– Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (Photo d’archives/Radio-Canada/Nelly Albérola)

«Alexandre a été de tous les moments marquants de la nation innue comme chef, comme leader et comme enseignant aussi : je pense qu’il faut beaucoup insister là-dessus. Avec son départ, on perd une autre personne chez qui le tambour traditionnel et lui ne faisaient qu’un. Tout cela reflète l’énergie qu’il a déployée et sa conviction profonde de l’importance du territoire et de la culture, et finalement, c’est tout cela qui a guidé sa démarche sur tous les fronts», affirme Ghislain Picard.

C’est l’entièreté de la nation innue qui perd un pilier avec son triste départ.

– Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

«Il savait à peu près tout de la nation innue et de son histoire, c’est ce qu’il partageait, et c’était souvent pour faire un lien avec les défis politiques qui se présentent à nous comme nation avec les gouvernements. Il pouvait facilement être de tous les débats qui portaient sur les défis sociaux et politiques et référer facilement à son propre cheminement. Il était très, très profond quand il parlait du territoire», raconte Ghislain Picard.

Dans les années 1980 et 1990, à l’époque d’événements marquants comme la fermeture de la ville de Schefferville et la crise d’Oka, Alexandre McKenzie avait aussi fait partie de ce qui s’appelait alors l’Association des Indiens du Québec.

L’Association des Indiens du Québec a été la première organisation, dans les années 1960, à rassembler au sein d’un même regroupement toutes les communautés autochtones au Québec.

Le chef actuel de la communauté de Matimekush-Lac John, Réal McKenzie, le connaissait bien et affirme que la perte d’Alexandre McKenzie laissera un vide profond chez ceux qui l’ont côtoyé.

Réal McKenzie est l’actuel chef de la communauté de Matimekush-Lac John. (Photo d’archives/Radio-Canada/Charles-Étienne Drouin)

«C’était un grand défenseur des Autochtones en matière de culture, d’activités traditionnelles ou de langue parlée. Il avait été un ancien chef lui-même dans les années 1980», dit-il.

C’est vraiment une grosse perte pour la nation, sans négliger aussi qu’il était un grand chanteur de tambour.

– Réal McKenzie, chef de la communauté Matimekush-Lac John

Selon Réal McKenzie, la vision qu’avait Alexandre McKenzie de la reconnaissance des droits des Innus a laissé une marque indélébile sur lui-même et sur l’ensemble de la communauté.

«On se bat encore beaucoup, nous, les chefs autochtones à travers le pays, pour la reconnaissance du territoire et des richesses du sous-sol», dit Réal McKenzie.

«C’est deux époques, mais la vision ne change pas. Sa vision est la mienne aussi et on continue de défendre du mieux qu’on peut et au meilleur de nos connaissances les droits de mon peuple», ajoute-t-il.

Un homme profondément engagé

L’engagement d’Alexandre McKenzie envers son peuple a d’ailleurs été reconnu en 2023 quand il a été nommé chevalier de l’Ordre du Québec.

«Politicien durant 38 ans, il a mis sur pied plusieurs organismes importants pour le développement des communautés innues, dont la Société aéroportuaire de Schefferville. Celle-ci est née d’un partenariat entre le Conseil des Innus de Matimekush-Lac John et la Société de développement des Naskapis, dont les communautés n’étaient pas reliées par la route au reste du Québec, peut-on lire sur le site du gouvernement du Québec.»

«On lui doit aussi la société Transport ferroviaire Tshiuetin, premier chemin de fer détenu par des Autochtones au Canada, ainsi que l’Institut Tshakapesh, né du Conseil des Atikamekw et des Montagnais, il y a 45 ans», indique-t-on par ailleurs.

Réal McKenzie raconte qu’Alexandre McKenzie ne lui avait pas dit qu’il avait été décoré par le gouvernement du Québec.

«Il ne m’en avait même pas parlé qu’il avait reçu sa médaille», se souvient-il. «Il ne voulait pas être honoré, il était humble.»

La communauté innue a aussi tenté de lui rendre hommage à quelques reprises, mais l’homme d’action semblait gêné à cette idée.

«Il disait : « Je n’ai pas besoin de ça. Tout le monde sait ce que j’ai fait, qui j’étais, j’ai pas besoin d’être honoré. » Et je lui avais répondu : « Si c’est ce que tu veux, on va respecter ta volonté, mais moi, comme chef, et le conseil, on aurait souhaité t’honorer »», se rappelle encore Réal McKenzie.

Un grand-père plein de sagesse

Son petit-fils, le chanteur Dan-Georges McKenzie, a appris samedi la nouvelle du décès de son grand-père alors qu’il s’apprêtait à donner un spectacle dans la région de Montréal.

Dan-Georges McKenzie travaille pour l’Institut Tshakapesh, fondé par son grand-père. (Photo d’archives/Radio-Canada/Félix Lebel)

Je l’entends encore me dire : « Il faut pas lâcher. »

– Dan-Georges McKenzie, petit-fils d’Alexandre McKenzie

«Il m’aurait dit : « Si tu as la chance de donner ton spectacle et de faire rayonner notre langue innue en chansons, fais-le. » C’est comme ça que je me suis senti quand j’ai appris la nouvelle à Montréal, loin des miens. Je sentais qu’il fallait que je le fasse et qu’il était là aussi pour me donner la force de vivre ma peine, mais en me donnant le go pour faire ce spectacle-là», explique Dan-Georges McKenzie.

Le petit-fils travaille maintenant pour l’Institut Tshakapesh, fondé par son grand-père. Il venait souvent faire ses tours encore pour venir saluer des gens. Il voulait savoir comment ça va l’organisation et où on s’en va, indique-t-il.

Tu voyais l’amour profond qu’il avait pour son peuple. Il avait à cœur tout ce qu’il transmettait.

– Dan-Georges McKenzie, petit-fils d’Alexandre McKenzie

«La jeunesse était importante pour lui, les combats, les réalisations. J’ai vu tout ça et j’ai réalisé le grand homme qu’il était et ça me fait vraiment beaucoup de quoi. On perd un grand homme aujourd’hui et il avait une grande sagesse, mon grand-père.»

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