Réduire l’incidence de la syphilis au Nunavik grâce à un test rapide

La Santé publique du Nunavik compte déployer un nouveau test rapide pour détecter plus facilement la syphilis dans les communautés nordiques du Québec, afin de lutter contre la transmission communautaire de l’infection, dont le nombre de cas par habitant est 15 fois supérieur à celui du reste de la province.
Il faut demeurer prudent lorsqu’on extrapole ce genre de données face à la petite taille des villages du Nunavik, prévient le médecin-conseil à la santé publique régionale, Jean-Sébastien Touchette.
Cette infection transmissible sexuellement et par le sang (ITSS) n’en demeure pas moins très présente dans la région, avec plus d’une centaine de nouveaux cas par année, pour une population d’à peine 13 000 personnes.
«On a atteint un plateau dans les cas de syphilis depuis les trois dernières années, mais ça reste très important. Ce qui nous inquiète le plus, c’est le risque de transmission aux femmes enceintes, parce que ça a des conséquences catastrophiques pour le fœtus», dit le Dr Touchette.
Pour expliquer ce taux, la Santé publique cite les délais démesurés dans l’obtention d’un résultat fiable, qui peut parfois atteindre de deux à trois semaines.
Les laboratoires des deux hôpitaux du Nunavik n’ont pas toujours la capacité de réaliser un test pour la syphilis, qui demande plus de ressources que pour les autres ITSS. Il faut donc envoyer les échantillons dans le sud pour avoir une réponse claire.
Pendant ce temps, une personne infectée peut transmettre la maladie.
Des chercheurs de l’Université McGill se sont penchés sur la question. Depuis 2018, au village de Puvirnituq, ils ont mis à l’épreuve un nouveau test rapide, qui n’était pas encore homologué.

« On a obtenu une homologation provisoire de Santé Canada via leur programme d’accès spécial […]. Après beaucoup de travail, on a démontré la validité des tests rapides, même lorsqu’ils sont faits en milieu éloigné, à l’extérieur d’un laboratoire, par du personnel infirmier », indique Cédric Yansouni, microbiologiste et professeur agrégé à l’Université McGill.
En à peine 15 minutes, le personnel des dispensaires peut maintenant avoir un résultat fiable, ce qui est très encourageant pour les équipes de chercheurs.
Ses collègues et lui viennent de recevoir deux bourses, qui totalisent près de 400 000 $. Elles permettront d’élargir l’accès à ces tests rapides, et d’étudier de nouvelles avenues pour améliorer la portée du dépistage.
Avec la santé publique régionale, ils espèrent ainsi déployer les tests dans les 14 communautés du Nunavik durant la prochaine année. Les dispensaires des communautés d’Akulivik et d’Inukjuak seront par ailleurs les premiers à bientôt utiliser ces tests, à l’exception de Puvirnituq où il est déjà utilisé.
« On a un modèle mathématique qui nous dit que si l’on déployait les tests rapides dans tous les centres de santé, et ne tenant compte que de l’élimination du délai entre le dépistage et le traitement, on pourrait voir une diminution d’environ 35 % des cas dans un horizon de 5 à 10 ans », ajoute le professeur Yansouni.

Limiter les obstacles à la détection
Les tests rapides font partie de la solution, mais ne permettront pas à eux seuls d’endiguer le problème de la transmission de la syphilis au Nunavik, reconnaît la santé publique.
Les responsables réfléchissent actuellement à une manière de rapprocher le dépistage des membres de la communauté. Ils comptent donc organiser des campagnes de test dans d’autres lieux que la traditionnelle clinique médicale.
La santé publique souhaite d’abord consulter les communautés pour les inclure dans le choix de lieux pour effectuer ces tests. Ils espèrent ainsi être en mesure de briser les tabous entourant la santé sexuelle.
« Il y a certains sous-groupes de la population qui a une certaine réticence à venir consulter, ou c’est juste moins naturel de venir en clinique. Donc, l’idée c’est de rapprocher les tests et les activités de dépistage des résidents », ajoute le Dr Jean-Sébastien Touchette.
Cette stratégie pourrait par ailleurs aider la santé publique à lutter contre les autres ITSS, dont la transmission a aussi fortement augmenté depuis les dernières années.
Entre 2022 et 2023, les cas de chlamydias ont augmenté de 28 %, tandis que les cas de gonorrhées ont bondi de 159 %, selon les données de santé publique.
Ces deux infections transmissibles sexuellement ne connaissent pas nécessairement les mêmes délais dans la détection que la syphilis, en raison des tests plus simples. N’en demeure pas moins que la montée des cas inquiète la santé publique.
Le nouveau financement obtenu cette année, avec l’Université McGill, permettra d’inclure davantage les communautés dans la recherche et la prévention des ITSS, ce qui permettra d’améliorer la santé sexuelle globale des résidents, espère la santé publique.