L’extrême droite recule dans les pays nordiques, à contre-courant
L’extrême droite a subi un coup d’arrêt dans les pays nordiques aux élections européennes, à contre-courant du reste de l’Europe, faute d’avoir su imposer ses thématiques, selon les experts.
Les droites nationalistes et radicales ont progressé dans l’Union européenne, déclenchant un séisme politique en France et arrivant en tête en Italie et en Autriche sans cependant bouleverser les grands équilibres européens. Mais en Suède et en Finlande, les partis d’extrême droite ont subi des déconvenues.
Le parti anti-immigration des Démocrates de Suède (SD), qui soutient le gouvernement du premier ministre Ulf Kristersson, a perdu du terrain lors d’une élection pour la première fois depuis sa fondation à la fin des années 1980.
« Le charme s’est rompu de façon spectaculaire », relève auprès de l’AFP Henrik Ekengren Oscarsson, professeur de sciences politiques à l’Université de Göteborg.
Le parti connaissait une dynamique électorale ininterrompue depuis sa création et était même arrivé en deuxième position derrière le parti social-démocrate lors des élections législatives de 2022.
Les SD espéraient répéter leur performance, mais ont au contraire reculé de 2,1 points par rapport aux européennes de 2019, pour finir à la quatrième place avec 13,2% des voix, après le décompte de plus de 90 % des bulletins.
Les thèmes chers au parti comme l’immigration n’ont pas été au cœur de la campagne, au contraire du climat ou de la guerre en Ukraine, selon M. Oscarsson.
« Imposer son ordre du jour est au cœur des campagnes politiques modernes et les Démocrates de Suède y ont échoué », estime le chercheur.
Jimmie Akesson, le chef du parti, a reconnu qu’il n’avait pas réussi à imposer ses thématiques, contraint de répondre aux révélations d’une enquête journalistique sur « l’usine à trolls » que son parti a créée pour dénigrer l’opposition, mais aussi la majorité qu’il soutient.
À l’inverse, les verts ont gagné des points et se sont emparés de la troisième place avec 13,8%, en hausse de 2,3 points par rapport à 2019. Le parti de gauche a lui aussi progressé, de 4,2 à 11 %.
En Finlande, les sondages avant le vote plaçaient le Parti des Finlandais (extrême droite) en troisième position à 16,5 %. Le parti, membre de la coalition gouvernementale au pouvoir, a finalement terminé avec seulement 7,6 % des voix.
« Les sondages avant l’élection donnaient le populiste Parti des Finlandais assez stable et rien n’indiquait qu’il y aurait une perte aussi spectaculaire du soutien des électeurs », déclare à l’AFP Kimmo Elo, chercheur à l’Université de Turku.
Le parti « a eu du mal à mobiliser ses électeurs lors des élections européennes », ajoute-t-il.
L’autre grosse surprise est venue de l’Alliance de Gauche qui a bondi de 10,4 points à 17,3 %. Sa dirigeante, Li Andersson, « est très en vue, très intelligente et a une rhétorique claire », analyse le chercheur.
Au Danemark, la surprise est également venue de la gauche puisque le Parti populaire socialiste est arrivé en tête et en nette progression de 4,2 points par rapport à 2019, avec 17,4 %.
À l’extrême droite, le Parti populaire danois et le tout récent parti des Démocrates du Danemark ont réussi à s’emparer d’un siège chacun, parmi les 15 octroyés au pays, avec respectivement 6,4 % et 7,4 % des voix. En 2014, le premier avait obtenu quatre sièges.
La nécessité d’une politique migratoire stricte est une conviction plus largement partagée dans les pays nordiques qu’ailleurs en Europe, ce qui pourrait expliquer cette tendance électorale spécifique à la région, note Christine Nissen, analyste du groupe de réflexion Europa.
Les thèmes les plus importants pour les électeurs nordiques sont « la sécurité, puis le climat et la transition écologique », dit-elle.
« Ce n’est pas le cas dans certains des pays qui ont connu cette poussée des partis d’extrême droite, où ce sont davantage des questions telles que l’immigration qui sont importantes pour les électeurs », indique-t-elle.
Pour le chercheur suédois Henrik Ekengren Oscarsson, il est souvent difficile d’analyser les raisons de « vents idéologiques » contraires dans différentes régions européennes.
« Il n’y a pas de campagne politique européenne » et « les campagnes sont très différentes dans chacun des 27 pays », conclut-il.