La mère coupable de fraude à l’identité inuit condamnée à trois ans de prison

Personne avec une veste à capuchon, les mains menottées, le 24 juin 2024 à Iqaluit, au Nunavut.
Karima Manji, la mère coupable de fraude à l’identité inuit, est condamnée à trois ans de prison dans un pénitencier fédéral. (Kate Kyle/ Radio-Canada)

Karima Manji est condamnée à trois ans de prison pour avoir usurpé l’identité inuit pour ses deux filles en 2016. La juge Mia Manocchio a prononcé son verdict jeudi matin à la Cour du Nunavut, en affirmant que cette condamnation servirait « de signal » dissuasif pour les personnes qui prétendent être autochtones pour s’enrichir.

Depuis lundi, Karima Manji se trouvait en détention dans un centre correctionnel en attendant sa sentence. La durée totale de la peine est de 36 mois moins 6 jours, pour le temps qu’elle a passé en détention provisoire. Puisque la peine est de plus de deux ans, Mme Manji devra la purger dans un pénitencier fédéral.

Dans ce cas-ci, en ce qui concerne le crime commis, à mon avis, se présenter faussement comme un Autochtone pour tirer des avantages financiers ou d’autres natures est un crime majeur au Canada, a déclaré la juge Mia Manocchio.

Cette dernière estime que la condamnation crée un précédent en envoyant un signal à ceux qui se disent autochtones dans l’ultime objectif de s’enrichir.

Au mois de février, Karima Manji a plaidé coupable à des accusations de fraude de plus de 5000 $. Elle a admis avoir obtenu frauduleusement plus de 158 000 $ en bourses et subventions de l’Association inuit de Qikiqtani (QIA) pour ses deux filles, en alléguant qu’elles avaient été adoptées d’une femme inuk d’Iqaluit du nom de Kitty Noah.

Noah Noah et Kitty Noah, le 7 avril 2023, à Iqaluit, au Nunavut.
Noah Noah (à gauche) avec sa mère, Kitty Noah, lors d’une entrevue donnée à CBC le 7 avril 2023. Il avait affirmé qu’il avait été « bouleversé » d’apprendre que le nom de sa mère avait été utilisé sur la demande d’inscription au registre des bénéficiaires inuit pour des jumelles qui n’ont aucun lien avec eux. (Matisse Harvey/ Radio-Canada)

Une fois la procédure d’inscription enregistrée par QIA et Nunavut Tunngavik (NTI), Karima Manji avait transmis les cartes de membre à ses filles, Amira et Nadya Gill. Des accusations de fraude à l’identité avaient été déposées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) contre les deux sœurs. Elles ont été abandonnées en février avec la réponse à l’accusation déposée par leur mère.

Une culpabilité morale très élevée, selon la juge

Lors de l’audience de détermination de la peine, lundi, la procureure de la Couronne, Sarah White, a demandé une peine d’emprisonnement de 18 mois à 2 ans moins 1 jour, suivie d’une ordonnance de probation d’une année. Elle avait aussi demandé que Karima Manji suive une thérapie et fasse 60 heures de travaux communautaires.

Or, la juge a considéré que la culpabilité morale de l’accusée était très élevée, notamment en raison de « l’insulte faite à la famille Noah et de la douleur qui leur a été infligée », a-t-elle dit.

Elle a non seulement prémédité ses actes, mais elle a aussi continué pendant une longue période, et ce, bien après l’obtention des cartes d’inscription NTI, a affirmé la magistrate.

Par ailleurs, la magistrate a rejeté le plaidoyer de l’avocat de l’accusée, Scott Cowan, qui avait présenté, lundi, des facteurs atténuants, comme le fait que Karima Manji avait plaidé coupable et qu’elle avait remboursé environ 80 % de la somme qu’elle avait admis avoir obtenu frauduleusement. Mme Manji a déjà remboursé 130 000 $ à QIA, et son avocat a indiqué qu’elle avait l’intention de rembourser les 28 254 $ restants.

Selon la juge, le seul facteur atténuant est la reconnaissance de culpabilité de Karima Manji.

Mme Manji a victimisé ses propres enfants, ses propres filles, qui ont été gravement compromises par ses crimes, a-t-elle déclaré.

La juge a aussi indiqué qu’elle avait tenu compte d’une précédente condamnation de Karima Manji, qui avait été reconnue coupable en 2017 d’avoir fraudé l’organisme de bienfaisance March of Dimes pour lequel elle travaillait.

Même si je me trompe dans cette analyse, je considère la fraude de March of Dimes comme un indicateur majeur du caractère délinquant de Mme Manji en matière de prédisposition à la fraude, a-t-elle dit.

Précédent judiciaire

La durée de la condamnation en a surpris plusieurs, dont l’avocat de l’accusée.

Les éléments uniques de cette affaire ont amené la juge à prononcer une peine exemplaire, a-t-il affirmé, à sa sortie de la Cour du Nunavut. C’est une durée plus longue que la plupart des autres cas similaires.

« D’ordinaire, un juge nous prévient lorsqu’il prévoit de dépasser la [requête] de la Couronne, mais ça n’a pas été le cas ici », poursuit-il.

Il a ajouté que sa cliente ne lui avait pas communiqué si elle souhaitait faire appel.

Le fils de Kitty Noah, Noah Noah, a déclaré qu’il était très heureux du dénouement de cette affaire, car il s’attendait à une peine d’une plus courte durée.

Je ne pense pas que ça atténue la douleur, mais je me sens mieux à l’idée qu’elle envoie un message à tous ceux qui essayent d’usurper l’identité d’Inuit ou de membres des Premières Nations, dit-il. C’est une bonne nouvelle.

La présidente de NTI, Aluki Kotierk, estime quant à elle que la peine est à la hauteur du crime commis.

Dans d’autres régions du Canada, nous savons que des personnes non autochtones prétendent qu’elles sont autochtones, dans le milieu universitaire par exemple, et qu’elles n’ont pas été accusées au criminel, dit-elle. Donc, le fait que cette affaire mène à une accusation criminelle est, selon moi, vraiment important.

« C’est un crime d’affirmer de manière trompeuse et calculée que vous êtes quelqu’un que vous n’êtes pas afin d’en tirer un bénéfice financier », ajoute Aluki Kotierk.

Selon Aluki Kotierk, NTIa mis à jour ses critères d’inscription au registre des bénéficiaires inuit. Elle exige maintenant des documents justificatifs supplémentaires aux personnes qui résident à l’extérieur du Nunavut et à celles qui entreprennent des démarches d’inscription pour la première fois. Elle déplore toutefois les répercussions à plus long terme de cette affaire.

C’est terrible parce qu’elle a créé un soupçon, et je pense que désormais, il y aura toujours un soupçon selon lequel une personne est véritablement inuk ou non, regrette-t-elle. C’est en quelque sorte impossible à quantifier et c’est irréparable.

Avec des informations de TJ Dhir

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Matisse Harvey, Radio-Canada

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