Les premiers ministres du Nord demandent de meilleures infrastructures

Les premiers ministres du Grand Nord canadien incitent le gouvernement fédéral à puiser dans son budget de la défense afin d’améliorer les infrastructures dans leur région, et ainsi d’atteindre les cibles de dépenses de l’OTAN.
La demande a été formulée après que le gouvernement eut annoncé sa nouvelle politique étrangère pour l’Arctique. Celle-ci prévoit de promouvoir les investissements dans une foule de secteurs, mais sans toutefois s’engager à financer des projets.
Le gouvernement fédéral souligne que la récente annonce complète la mise à jour de la politique de défense publiée en avril, laquelle repose beaucoup sur l’Arctique. Il promet 218 millions de dollars sur 20 ans pour construire et gérer des « carrefours de soutien opérationnel (CSO) » dans le Nord.
Les CSO s’accompagnent d’une amélioration des infrastructures pour les régions qui les accueillent, notamment au chapitre des communications ainsi que de l’approvisionnement en eau et en électricité.
Les emplacements des futurs CSO n’ont pas encore été déterminés, à l’exception sans doute d’Inuvilk, dans les Territoires du Nord-Ouest, là où le ministère de la Défense est en train de rénover l’aéroport local dans le cadre de la modernisation du NORAD.
Les premiers ministres des trois territoires de l’Arctique (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut) affirment que des investissements dans les infrastructures peuvent être liés aux dépenses de la défense nationale.
Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, R.J. Simpson, mentionne la construction de routes afin d’aider les sociétés minières de la région à transporter les minéraux critiques. J’en ai parlé plusieurs fois avec le gouvernement fédéral, dit-il.
Ces investissements stimulent aussi l’économie du territoire. L’exploitation minière et l’extraction de pétrole comptaient pour près de 20 % du produit intérieur brut en 2023.
Nous avons ici une abondance de minéraux critiques. Avoir les infrastructures pour y avoir accès est quelque chose d’important, souligne M. Simpson. Et ces minéraux critiques sont très utilisés pour la défense.
Anessa Kimball, directrice du Centre sur la sécurité internationale de l’Université Laval, dit que l’idée d’inclure les investissements infrastructurels dans les dépenses pour la défense peut se comprendre.
La protection des chaînes d’approvisionnement et l’accès aux minéraux critiques sont des éléments qui tombent sous le parapluie de la défense et de la sécurité, selon l’OTAN, avance-t-elle.
Selon elle, le Canada doit démontrer que ces infrastructures peuvent être considérées comme essentielles à la défense, il doit déterminer celles utilisables pour une opération de l’OTAN. C’est plus difficile au Canada qu’en Europe, car chaque pays a plus facilement accès aux installations des autres.
Le Nunavut espère la construction d’un port en eaux profondes. Il permettrait de stimuler les pêches et l’approvisionnement de biens pendant l’été. Il assurerait aussi une présence navale dans le passage du Nord-Ouest.
Cela donne une chance de créer une base pour des opérations de secours, pour réagir à une fuite de mazout dans l’Arctique. On sait que cela préoccupe la population, dit le premier ministre du territoire, P.J. Akeeagok.
À l’instar de M. Simpson, il encourage le gouvernement fédéral à financer la construction de routes pour avoir accès aux minéraux critiques.
Le Canada est en train de construire une station de ravitaillement navale à Nanisivik, mais la réalisation du projet pour lequel le gouvernement a déjà dépensé plus de 100 millions a été retardée par de nombreuses contraintes, notamment budgétaires.
En 2022, la vérificatrice générale du Canada avait soulevé des inquiétudes en affirmant que certains investissements faits par le gouvernement pour appuyer la surveillance dans l’Arctique, comme l’installation navale de Nanisivik, apportaient peu de valeur.
Défendre la souveraineté du pays dans la région n’est pas une notion perdue pour le ministre de la Défense, Bill Blair.
Quand je suis allé dans le Nord pour la première fois à titre de ministre de la Défense du Canada, j’ai réfléchi au travail que nous devions faire pour renforcer nos capacités de défense, dit-il. Ce sont les gens du Nord qui m’ont signalé que l’affirmation de notre souveraineté ne dépendait pas uniquement de l’arrivée d’avions militaires. On me disait partout la même chose : il faut investir dans les infrastructures, il faut investir dans les choses importantes.
Un article de Nick Murray de La Presse Canadienne
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