Le droit autochtone dans la gestion du caribou reconnu par une cour ténoise

(Photo fournie par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest)
Dans une récente décision, la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest a reconnu le droit des Dénés et des Métis de Colville Lake d’élaborer un plan de gestion du caribou qui prend en considération le savoir ancestral autochtone.
Les Dénés et Métis de Colville Lake, une communauté du Sahtu, avaient demandé en 2020 au ministre de l’Environnement de l’époque, Shane Thompson, d’envisager l’adoption d’un plan de conservation communautaire n’incluant pas de système d’étiquette faunique et de quota, aussi appelé « récolte totale autorisée (RTA). »
Ce plan de conservation était basé sur les lois dénées et le mode de vie traditionnel des Dénés.
Le ministère a rejeté cette proposition en 2021, alléguant que la capacité du ministre de gérer et d’équilibrer la récolte et la conservation du caribou de Bluenose Ouest par le biais d’une RTA serait compromise, peut-on lire dans la décision.
Le nombre de caribous de Bluenose Ouest est en déclin rapide depuis plusieurs années. De 110 000 caribous en 1992, la harde ne comptait plus que 18 440 individus en 2021.
Le traité permet des plans communautaires
La décision du ministre avait été portée en Cour suprême des T.N.-O. par le Conseil des ressources renouvelables de Colville Lake, la Première Nation Behdzi Ahda et la société foncière Ayoni Keh.
Cette cour avait conclu en 2023 que l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu n’empêche pas la création d’un plan de conservation communautaire.
C’est ce jugement qui a été porté en appel par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
Les trois juges de la Cour d’appel ont confirmé dans leur décision mardi que le traité conclu en 1993 entre le gouvernement territorial et les Dénés et Métis du Sahtu n’excluait pas la possibilité de déterminer d’autres options en matière de gestion du caribou.
« Rien dans ce traité n’indique qu’une RTA est le seul outil qui peut être utilisé pour gérer la récolte », indiquent les juges.
Les juges ajoutent aussi que les traités modernes sont une tentative de construire une nouvelle façon de travailler ensemble et de renouveler la relation entre les peuples autochtones et la Couronne pour en faire un partenariat égal, en donnant une voix au droit autochtone.
La décision des juges n’indique toutefois pas que le système de RTA ne sera plus utilisé par la communauté, mais qu’un plan de conservation communautaire excluant les quotas et les étiquettes pourra être soumis à l’Office des ressources renouvelables du Sahtu pour considération.
Le ministre territorial de l’Environnement conserve aussi son droit d’approbation finale.
La communauté heureuse du jugement
David Codzi, ancien président de la société foncière Ayoni Keh, dit que la décision de la Cour d’appel est une bonne chose pour la communauté.
Il dit espérer que ce jugement marque la fin d’une bataille judiciaire qui dure depuis plusieurs années.
Notre mode de vie déné nous a toujours permis d’aller de l’avant, et beaucoup de choses que nous avons faites étaient de veiller à ce que la prochaine génération [ne manque de rien].
David Codzi, ancien président de la société foncière Ayoni Ke
Le chef de Colville Lake, Richard Kochon, estime que la communauté a toujours su comment gérer la récolte de caribous.

(Radio-Canada / Luke Carroll)
« Ça a été testé devant les tribunaux […] et ceci est protégé par le droit autochtone », a-t-il réagi.
Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jay Macdonald, a déclaré par courriel que ce jugement et ses implications sont en cours de révision par son ministère et le ministère de la Justice.
Les lois traditionnelles de plus en plus reconnues
Selon l’avocat du cabinet de juristes Power Law,Ryan Beaton, ce jugement est dans la même ligne que les décisions rendues récemment par les tribunaux du pays qui reconnaissent de plus en plus le savoir et les lois autochtones traditionnelles.
« De plus en plus, les cours reconnaissent que oui, ça existe en droit canadien, ces ordres juridiques autochtones », explique l’expert en droit constitutionnel et en droit autochtone.
M. Beaton dit qu’une décision récente de la Cour supérieure de l’Ontario, dans le cadre de l’interprétation d’un traité historique, a confirmé que les perspectives autochtones doivent être considérées sur le même pied que la perspective juridique britannique ou canadienne.
« On voit de plus en plus dans l’interprétation des traités que l’ordre juridique autochtone doit être pris au sérieux », résume-t-il.
Avec les informations de Luke Carroll