Élections fédérales : la défense de l’Arctique, une priorité des Nunavummiut?

Au Nunavut, des résidents craignent que la sécurité de l’Arctique ait relégué au second plan des défis de longue date. Cette image montre les réservistes des Rangers, Aaron Maktar et Angela Okalik, de la communauté de Whale Cove, au Nunavut, lors d’un exercice militaire sur le lac Parsons, dans le nord des Territoires du Nord-Ouest, au mois de mars. (Getty Images/Cole Burston/AFP)

Sécurité, défense et souveraineté sont les termes qui émanent systématiquement des discussions sur l’Arctique canadien, ces derniers temps. Alors que les projecteurs sont braqués sur le nord du pays, des Nunavummiut craignent que ce dossier ait relégué au second plan des défis de longue date.

L’Arctique canadien occupe une place importante dans l’espace public, comme en témoignent les visites de plusieurs candidats aux élections fédérales, des promesses de financement fédéral et les menaces du président américain Donald Trump d’annexer le Groenland et de faire du Canada le 51e État.

La menace d’une incursion russe, chinoise ou américaine préoccupe des résidents du Nunavut.  « Il est difficile de ne pas avoir peur », indique l’avocate et militante groenlandaise Aaju Peter, qui est établie à Iqaluit depuis une quarantaine d’années.

 « Je prends les menaces d’invasion très au sérieux, car les États-Unis ont déjà une base militaire au Groenland », affirme-t-elle.  « Ce serait facile pour lui de prendre le contrôle. »

Aaju Peter rappelle par ailleurs que la présence de l’armée américaine dans le Grand Nord n’est pas inconnue des Nunavummiut.

(Photo d’archives : CBC/Sima Sahar Zerehi)

En 1942, son armée de l’air a choisi d’installer une base militaire à Koojesse Inlet, où se situe aujourd’hui Apex, en périphérie d’Iqaluit. Elle a aussi construit une piste d’atterrissage et y a installé, des années plus tard, une unité du Commandement des forces aériennes stratégiques américaines. Frobisher Bay est devenu le centre des travaux de construction de la ligne de radars avancée DEW.

Pour d’autres Nunavummiut, comme l’agent administratif de la communauté de Clyde River, Billy Palluq, la menace étrangère demeure abstraite, voire invisible.  « Je ne suis pas trop inquiet, dit-il. Je ne vois pas la Russie envahir le Nord de sitôt. Pour l’instant, il y a plus de bateaux de croisières que de navires russes, ici. »

Billy Palluq croit que l’Arctique a longtemps été négligé et que le Canada a un retard à rattraper sur plusieurs fronts. « En ce qui concerne les infrastructures, nous nous apparentons à un pays du Tiers-Monde en comparaison à la Russie, au Danemark et à d’autres nations arctiques. »

Billy Palluq est l’agent administratif de Clyde River, une collectivité d’environ 1200 habitants située dans l’est du Nunavut. (Photo fournie par Billy Palluq)

Le temps d’une élection

Vincent Ningark, un résident de Kugaaruk, regrette que la défense soit le principal sujet qui attire l’attention des partis politiques dans le Grand Nord durant cette campagne électorale.

« Pour moi, la souveraineté est une excuse pour détourner le regard de ce dont nous avons réellement besoin au Nunavut, en particulier dans nos petites communautés », soutient-il.

Il croit que la réelle menace prend racine dans la crise du logement, qui touchait plus d’un Inuk sur deux au recensement de 2021 de Statistique Canada, l’insécurité alimentaire, la prévalence de la tuberculose, le haut taux de suicide et le manque de ressources en santé mentale.

Vincent Ningark soutient que de nombreuses promesses faites par le gouvernement fédéral dans le passé ont été brisées, notamment la création des collectivités qui a mené à la sédentarisation forcée des Inuit.

 « On nous avait promis de meilleurs logements, une meilleure santé et une meilleure vie.  Nous avons du mal aujourd’hui à avoir de meilleurs logements dans nos communautés », ajoute-t-il.

D’autres Nunavummiut partagent le même point de vue. « Je pense que le Canada se rend compte du retard qu’il a pris dans la réalisation de ses promesses », estime Aaju Peter.

Nous avons besoin de meilleurs services et de meilleures infrastructures. Nous avons le taux le plus grave d’insécurité alimentaire. Nous manquons de logements, d’emplois et nous n’avons même pas d’université. Il y a tellement de travail à faire.

Aaju Peter, militante et avocate inuk

Aaju Peter espère que le prochain gouvernement élu respectera ses promesses.

Retombées multiples

Aux yeux du premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok, des collectivités en santé sont le point de départ pour assurer la défense de l’Arctique.

 « Étant donné le contexte mondial actuel et le rôle central que jouent les questions circumpolaires, les Canadiens et les Canadiennes d’un océan à l’autre demandent un investissement transformateur dans l’Arctique qui contribue à bâtir la nation afin de répondre aux besoins locaux, créer des possibilités de développement économique, et aborder la réconciliation et les intérêts géopolitiques du Canada », a-t-il écrit le 31 mars, dans une lettre adressée aux principaux chefs des partis politiques.

Le premier ministre P.J. Akeeagok juge crucial d’investir dans des projets qui renforcent la défense dans l’Arctique, tout en répondant aux besoins des collectivités et en créant des occasions de développement économique.

Il milite pour qu’Ottawa soutienne, entre autres, le projet de fibre optique Kivalliq to Baffin Connector Project et celui de la route et du port de Grays Bay, dans la région de Kitikmeot.

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Matisse Harvey, Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur l'Arctique canadien, visitez le site d'ICI Grand Nord.

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